Droits d’auteur, protection des jeunes utilisateurs, concurrence de Facebook : l’application de streaming qui appartient à Twitter va devoir faire face à de nombreux défis, tandis qu’elle poursuit son ascension dans le classement des applis les plus téléchargées en France.
Son voyage durera moins de 72h mais son emploi du temps est d’ores et déjà surbooké. Kayvon Beykpour, cofondateur de l’application Periscope, était à Paris, jeudi 17 mars, pour parler de sa plateforme qui permet de transmettre en direct des vidéos filmées depuis son smartphone.
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Il y a un an, Twitter a racheté l’application (pour une somme comprise entre 50 et 100 millions de dollars) de l’entrepreneur de 28 ans. C’est donc sans surprise que cette première conférence de presse de Kayvon Beykpour en France était organisée, à la Maison du Danemark sur les Champs-Elysées, en partenariat avec la multinationale au petit oiseau bleu.
La possibilité d’encourager la monétisation de la plateforme a été évoquée (« nous allons introduire des moyens de monétisation d’une certaine manière, mais on prend notre temps« ), de même que la possibilité de faire payer des utilisateurs pour diffuser des contenus (« je ne pense pas qu’on le fera, la force de Periscope est que tout le monde puisse avoir une voix« ). Enfin, d’autres enjeux, plus généraux se sont dégagés de cette conférence. Quel avenir pour l’application qui monte (notamment dans le top des applis les plus téléchargées de l’Apple Store) ? Résumé des six défis auxquels Periscope devra faire face dans les années à venir.
(Kayvon Beykpour à Paris le 17 mars 2016 © M.T)
1) Renforcer sa présence en France
S’il n’a pas pu fournir de chiffres précis sur le nombre d’utilisateurs de son application en France, Kayvon Beykpour est formel :
« La France est un des pays au monde où on utilise le plus Periscope et ce n’était pas le cas il y a 4 semaines. »
Certains ont immédiatement fait le rapprochement avec la polémique autour du footballeur du PSG Serge Aurier : le joueur avait été filmé en direct, en février dernier, en train d’insulter son entraineur Laurent Blanc, ce qui lui a valu une suspension. Mais chez Twitter, on parle plutôt de la mi-janvier 2016 comme date de l’explosion du nombre de téléchargements de l’application en France. Ce qui correspondrait au moment où Twitter a intégré les vidéos tournées sur Périscope à sa plateforme (le 12 janvier), leur donnant plus de visibilité sur le réseau social.
Periscope broadcasts now come alive within Twitterhttps://t.co/R346R1lgZb
— Periscope (@periscopeco) 12 janvier 2016
>> A lire aussi : Comment la polémique autour de Serge Aurier est partie d’un forum de jeuxvideo.com
2) Les questions de droits d’auteur
C’est un des débats qui a entouré la Coupe du monde de football 2014 au Brésil. Sur la plateforme Vine (que Twitter a également rachetée en 2012), sur laquelle on poste des vidéos de 6 secondes qui tournent en boucle, de nombreux utilisateurs filmaient leur télévision pour diffuser les buts, à peine quelques secondes après qu’ils aient été marqués. Mais partager ces images relève, dans certaines situations, d’une atteinte aux droits d’auteur, car les droits de diffusion de certains matchs ont été acquis à prix d’or par les chaînes de télévision.
Periscope pourrait être confronté au même problème. La plateforme, qui permet aux utilisateurs de filmer sans limite de temps, pourrait ainsi être utilisée pour enregistrer en direct un match et le retransmettre gratuitement. Sur ce sujet, le PDG de Periscope renvoie aux conditions d’utilisation de son appli, dans lesquelles il est précisé qu’en cas de plainte :
« Nous nous réservons le droit de retirer tout contenu présumé en violation avec le droit d’auteur, sans avertissement, et ce à notre discrétion. Dans certaines circonstances appropriées, Periscope supprimera le compte d’un utilisateur qui enfreint ces règles de manière répétée. »
3) La concurrence Facebook live
« Si on s’empêchait de lancer quelque chose à chaque fois que Facebook fait un truc, on ne ferait rien. » Le cofondateur de Periscope ne se veut pas inquiet, mais il comprend la comparaison. En août 2015, le réseau social de Mark Zuckerberg a lancé son outil de streaming vidéo, d’abord réservé à des célébrités comme le catcheur Dwayne Johnson. Début 2016, cette fonctionnalité a ensuite été ouverte à tous les utilisateurs. La logique est similaire : permettre à n’importe qui de filmer et retransmettre des images en direct, dans une vidéo qui sera intégrée à son profil Facebook, visible par tous ses abonnés.
Dans un article du Huffington Post intitulé « Periscope contre Facebook Live », la journaliste Cathy Hackl mise sur la possibilité que les deux applications puissent « coexister », mais se livreront une bataille pour toucher le « maximum d’utilisateurs et les garder le plus longtemps possible. »
4) La protection des jeunes utilisateurs
Officiellement, il faut avoir 13 ans pour avoir le droit de se créer un compte sur Periscope (comme sur Facebook ou Twitter). Mais, dans les faits, il est plus compliqué de vérifier l’âge d’un utilisateur, d’autant plus que Twitter (par lequel on se connecte à Periscope) ne demande pas de preuve de date de naissance lorsque l’on s’y crée un compte. Aussi, certains jeunes internautes peuvent être confrontés à des contenus violents ou à connotations sexuelles.
« Tout n’est pas parfait pour l’instant, concède Kayvon Beykpour, mais on travaille beaucoup sur ces questions. Nous voulons évidemment protéger les enfants ».
5) La modération des commentaires
François Hollande en a été une des dernières « victimes ». Sur Periscope, les commentaires des utilisateurs s’affichent en direct sur les images. Si la personne émettrice peut bloquer ceux qui postent des messages injurieux, c’est une modération « a posteriori » qui n’empêche pas les insultes de s’afficher, même si elles ne restent à l’écran que quelques secondes.
La seule solution, comme nous l’avions souligné début mars, est de choisir de n’ouvrir les commentaires qu’aux personnes que l’émetteur de la vidéo suit, ce qui restreint par conséquent l’engagement des utilisateurs, très cher aux réseaux sociaux.
6) La « crise » Twitter
« Les gens aiment dire qu’il y a une crise au sein de Twitter, mais ce sont juste des mots », a balayé le PDG de Periscope. En janvier 2015, son entreprise a été rachetée (entre 50 et 100 millions de dollars) par Twitter alors qu’elle n’avait même pas encore été lancée. Depuis, les rumeurs sur la santé financière du réseau social vont bon train : le nombre de tweets postés par mois sur le réseau social aurait, selon Business Insider, diminué de moitié depuis août 2014 (des chiffres démentis au sein de Twitter).
>> A lire aussi : Twitter est-il en danger de mort ?
Pour renforcer l’engagement de ses utilisateurs et gagner de nouveaux abonnés, le réseau au petit oiseau bleu songe ainsi à mettre un terme à la limite de 140 caractères, et a récemment lancé une alternative à sa timeline « chronologique ». Les utilisateurs qui le souhaitent peuvent ainsi avoir un fil d’actualité dans lequel l’ordre des tweets est pondéré par un algorithme — comme sur Facebook, qui donne également le choix entre ces deux affichages.
Comme Kayvon Beykpour l’a souligné, Periscope est une « start-up qui vit sous le grand parapluie de Twitter », et dépend ainsi de la multinationale. Le cofondateur de l’application de streaming a ainsi préféré souligner l’importance du soutien de Twitter : « On est venus avec des problèmes que les ingénieurs qui travaillent pour Twitter pouvaient résoudre dans leur sommeil!« . Le message est passé.
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