Pas d’école ce jeudi 3 octobre pour les enfants de la moitié des communes de Seine-Saint-Denis. Les professeurs et parents d’élèves se sont réunis, pour rendre hommage à Christine Renon devant l’inspection de l’Académie, à Bobigny. Une marche blanche est prévue ce 5 octobre à Pantin.
13h30. A la sortie du métro, ils sont plusieurs groupes d’enseignants et de parents d’élèves. Trois semaines après le suicide de Christine Renon dans le hall de l’école de Pantin où elle travaillait, ils lui rendent un dernier hommage à Bobigny. L’endroit est symbolique.
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Dans la lettre que la directrice a laissée avant de partir, celle-ci mentionne la “succession d’inspecteurs qui passe à Pantin”. C’est ainsi que près de mille professeurs se sont donné rendez-vous devant l’inspection de l’Académie de Seine-Saint-Denis, ce jeudi 3 octobre, pour marcher ensemble, le pas déterminé, un brassard « fragile » autour du bras.
« Nous sommes Christine »
Fragile. C’est la façon dont “l’administration et les médias ont tenté de décrire Christine Renon après son suicide, pour la discréditer” dénonce une directrice d’école au micro face aux grévistes. Elle tient entre ses mains la lettre que le frère de la défunte a écrite pour réhabiliter l’état psychologique de sa sœur. “Non Christine n’était pas fragile, ils nous l’ont détruite”.
“Ce qui me choque le plus c’est qu’on essaye de la décrédibiliser, alors qu’elle souhaitait que son nom ne soit pas sali” s’agace Arthur, professeur dans un lycée des Hauts-de-Seine. Au milieu de la foule qui commence à s’agglutiner, il tient à bout de bras une grande pancarte sur laquelle est écrit « Au-delà de Pantin. Avec les enseignant.e.s. Parents pas confiants en deuil. Déterminer pour défendre l’Education nationale ». Cela fait seulement deux ans qu’il enseigne mais le geste dramatique de la directrice de Pantin l’a profondément choqué.
13h30. Début du rassemblement en hommage à la directrice Christine Renon à Bobigny. pic.twitter.com/w3iVGRpivy
— Soukaïna Skalli-Sall (@SklSoukaina) October 3, 2019
Devant la Direction des Services Départementaux de l’Education Nationale (DSDEN) de Seine-Saint-Denis, plusieurs drapeaux aux couleurs de la CGT, FO et SNUipp flottent au-dessus des têtes, le long de la promenade Jean Rostand. Des pancartes sur lesquelles figurent « Ecole en deuil », « Christine, nous avons entendu ton appel et nous poursuivons ton combat jusqu’au bout », « Perdre sa vie pour un travail » ou « Nous sommes Christine » surplombent la foule de professeurs, parents d’élèves, directeurs et autres solidaires.
“On exige du respect et de la considération”
“Je trouve inadmissible qu’en 2019 il y ait encore des gens qui meurent au travail” confie Lucile, la gorge nouée, avant de fondre en larme. La jeune enseignante du secondaire ne peut contenir sa peine. “On choisit ce métier par vocation et je trouve ça incroyable qu’on soit si peu soutenu par notre hiérarchie et qu’on en arrive à ça.”
Le décès, elle l’a appris le jour même sur les réseaux sociaux, et ce geste tragique n’est, selon elle, que le cumul des situations quotidiennes avec lesquelles ils doivent composer et la solitude. “On est seuls face à nos classes. Seuls face aux parents. Seuls face à l’opinion publique qui nous accuse d’être privilégiés” assène-t-elle, la voix encore sanglotante.
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Si le manque de soutien financier alloué à l’enseignement a souvent fait partie des revendications portées par le corps enseignant, le manque de “considération de la hiérarchie et le mal-être” évoqué dans la lettre, font écho.
Christelle et Mathieu, respectivement professeur en maternelle et en élémentaire discutent, bras croisés, visage fermé. “Il y a un vrai ras-le-bol. On n’est pas encadré, on n’a pas de moyens. Actuellement on a même pas de photocopieuse pour travailler”, invective la jeune femme qui poursuit sa cinquième année d’enseignement dans le 93. “On exige du respect. Pour l’instant c’est un jeu d’échecs où on nous déplace comme on veut” renchérit son collègue.
“Il n’est plus question que le ministre fasse sans nous !”
Derrière eux, des slogans qui visent Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale sont entonnés en chœur : “Blanquer Démission ! Blanquer Démission !”. Ils sont plusieurs à lui reprocher son mutisme face à la situation. A commencer par les directeurs d’autres établissements de Pantin qui ont écrit une tribune, publiée sur France Info jeudi 3 octobre.
Face au millier d’enseignants, ils reprennent le contenu. “L’Education nationale, le ministre et ses représentants, doit urgemment prendre acte du geste désespéré de notre collègue et de son dernier témoignage et réagir en conséquence. Il n’est plus question que le ministre fasse sans nous !” dénonce une des directrices.
Invité sur RTL jeudi 3 octobre, le ministre de l’Education nationale, qui ne s’était prononcé qu’une semaine après le décès de Christine Renon, a annoncé ouvrir un comité de suivi. “Ce sont juste des mots. On va nous recevoir ? Qu’est-ce que c’est ? Je veux bien le savoir” ironise Christelle, tout en sachant que “ça ne changera rien”.
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