De passage en France pour le festival littéraire Les Belles Etrangères, Percival Everett qui sort en France Le supplice de l’eau, parle de la présence américaine en Irak et en Afghanistan, des réformes d’Obama et évoque l’affaire Marie NDiaye. (photo Percival Everett par Renaud Monfourny)
Votre dernier livre, intitulé Le Supplice de l’eau, dénonce la politique militaire américaine de Bush en Irak et en Afghanistan. Que pensez-vous de l’action d’Obama dans ces deux pays ?
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Le personnage principal de mon livre se venge du meurtre de sa fille en torturant un innocent. Pour moi, c’était une façon de montrer que la réponse américaine aux attentats du 11 Septembre était injustifiée. Bien sûr, Saddam Hussein était un personnage horrible. Mais il n’a rien à voir avec ces attentats ni avec Al-Qaeda. Sans Saddam Hussein, le monde est meilleur, mais à quel prix ? Des centaines de milliers d’Irakiens tués, des milliers de soldats américains tués, et le monde encore moins stable. Avec Obama, l’image des Etats-Unis dans le monde s’est améliorée, mais pour le moment, son action a été plutôt conservatrice. Il ne va pas stopper la guerre en Irak ou en Afghanistan. Le fait que nous dépensons cet argent au lieu d’aider des gens au Darfour ou aux Etats-Unis, c’est incroyable. En France, nous avons été étonnés d’entendre Obama traité de socialiste et de fasciste pour sa réforme sur la couverture maladie.
En quoi est-ce révélateur de la mentalité américaine ?
Comment quiconque peut-il considérer une réforme sur la couverture maladie comme quelque chose de fasciste ? En fait, les milieux d’affaires essaient de faire croire aux gens que c’est une atteinte à la libre entreprise. Ce qui est fou, c’est que pour d’obscures raisons, les conservateurs ont l’impression que les programmes sociaux vont enrichir certaines personnes. Pourtant, Obama n’est absolument pas socialiste. Avec sa réforme, les gens pauvres n’auront toujours pas de couverture sociale. Obama est un républicain, comme l’a été Bill Clinton. Ce qui énerve les républicains, c’est qu’Obama soit un meilleur républicain qu’eux.
Votre premier roman paru en France, Effacement, dénonce le racisme du milieu éditorial américain. Les choses ont-elles évolué ?
Le racisme aux Etats-Unis est une longue histoire. Des années et des années de films et de séries télé ont montré des Noirs qui étaient soit des clodos squattant les gares soit des dealers dans les ghettos. C’étaient les seuls personnages noirs, et c’était pareil dans la littérature. Occasionnellement, on pouvait voir autre chose, mais la classe moyenne noire n’était jamais représentée. Jusqu’à cette série télé, le Cosby Show. Mais ça c’est la télévision, tout est toujours très caricatural. J’ai fait ce livre où je me moquais de ces maisons d’édition qui ne publiaient les écrivains noirs que s’ils écrivaient sur le Sud ou le ghetto, mais ça concerne surtout les grosses maisons d’édition. Heureusement aujourd’hui, j’ai un éditeur qui est réceptif à mon travail en tant qu’œuvre d’art et grâce aux éditeurs indépendants, c’est le cas pour d’autres écrivains noirs américains comme Colson Whitehead ou Eddy L. Harris.
Que vous évoque l’affaire Marie NDiaye ?
Quel que soit le prix qu’elle a reçu et sa signification, toute vraie démocratie devrait accueillir favorablement la critique. C’est tout simplement ridicule. L’attaquer pour ce qu’elle pense de la politique de son pays, c’est du pur fascisme. Je ne pense pas beaucoup de bien des Etats-Unis, mais la chose qui est vraiment appréciable, c’est la totale liberté d’expression. Dans notre pays, la ligue pour la protection des droits des citoyens a défendu la liberté d’expression des néonazis. Même si on déteste entendre ce que les néonazis ont à dire, il faut apprécier le fait qu’ils ont droit de s’exprimer et que personne ne peut vous dire ce qu’il faut penser. C’est tout simplement ridicule.
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