Jouant sur la proximité des examens, la ministre tente de casser une mobilisation qui ne faiblit pas. Les collectifs contre la réforme de l’université défilent aujourd’hui à Paris et en province alors que les personnels et médecins des hôpitaux manifestent contre le projet de loi Bachelot.
Après quatorze semaines de grève, le face-à-face qui oppose les universitaires et le gouvernement prend la forme d’une fin de match de boxe où les coups partent à l’envi, un peu dans tous les sens, comme si l’usure d’un combat trop long avait raison de la lucidité des combattants. La ministre Valérie Pécresse, sourde aux revendications des chercheurs et adepte d’une stratégie du pourrissement, a durci sa position.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au point de s’attaquer aux revenus des grévistes : les enseignants qui bloquent les examens ou retiennent les notes auront ainsi des retenues sur salaire, “pour service non fait, conformément à la loi”. Le député UMP Damien Meslot a même déposé une proposition de loi pour “sanctionner d’une amende de 1 000 euros” tout étudiant ou toute personne qui “entrave, même partiellement, l’accès aux enseignements et aux bâtiments” d’un campus. C’est donc moins pour revoir le fond de sa loi sur la réforme de l’université que pour dissoudre le mouvement que Valérie Pécresse monte au créneau.
Au nom du droit des étudiants à passer leurs examens, la ministre vise la supposée irresponsabilité des grévistes, qui, manipulés par l’extrême gauche, bloqueraient tout. Vieille rengaine : il suffit de constater le degré de mobilisation au sein de la communauté universitaire pour mesurer l’absurdité de cette affirmation. Les blocages, nombreux, ne font que répondre à son propre jusqu’au-boutisme et à sa cécité devant la réalité d’un mouvement qui faiblit moins qu’il ne se heurte de plein fouet à l’obstination gouvernementale.
C’est la stratégie étatique qui se dessine ici : “mettre à genoux” les universitaires, comme le suggère Isabelle This Saint-Jean, présidente de Sauvons la recherche, qui la compare au combat des mineurs décimés par Margaret Thatcher au début des années 80. Heurtés par la promulgation, en pleines vacances de Pâques, du décret sur leur statut, les chercheurs tiennent pourtant encore debout.
Même si La Ronde infinie des obstinés s’est résolue à cesser de tourner place de l’Hôtel-de-Ville, le 4 mai dernier, une grande partie des facs résistent encore. Ici et là, les cours du second semestre n’ont pas eu lieu, la rétention de notes du premier semestre bloque toute validation des diplômes pour beaucoup d’étudiants, les inscriptions de la prochaine rentrée sont impossibles… Des dizaines de milliers d’étudiants sont dans l’attente de leur sort, moins dépités par la position des universitaires qu’ulcérés par celle de la ministre qui voudrait les instrumentaliser cyniquement.
Malgré les cours de rattrapage pratiqués par une trentaine de facs et le réaménagement d’une petite partie des épreuves, les étudiants n’ont en définitive aucune visibilité sur leur année. L’université s’enfonce dans la crise, l’aigreur et la hargne l’ont gagnée.
{"type":"Banniere-Basse"}