M6 diffuse une émission de téléréalité où les patrons se mêlent incognito à leurs salariés pour aller voir de plus près la France d’en bas de l’échelle. Trop sympa.
1. La vie secrète des pdg
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est bien connu : l’habit ne fait pas le moine et d’ailleurs, si derrière chaque barbe il y avait de la sagesse, les chèvres seraient toutes prophètes. Ainsi, ce n’est pas parce que vous êtes face à quelqu’un qui ressemble fortement à un personnage tout droit sorti de La Vie secrète des jeunes de Riad Sattouf que ce dernier n’est pas votre boss. C’est la première leçon que l’on doit tirer de Patron incognito, adaptation française d’un concept britannique et, comme il se doit, complètement pervers. Le pitch : pendant quelques jours, les caméras suivent un grand patron infiltré dans sa propre entreprise pour “découvrir ce qu’il se passe vraiment sur le terrain”, se reconnecter avec la réalité et, selon les mots de Nicolas Riché, pdg d’une chaîne de restauration rapide et star d’un des premiers volets de l’émission diffusée sur M6 : “voir la réalité des hommes.” C’est beau.
2. Surveiller et punir
Pour Patron incognito, le pdg met des habits de pauvre et prétexte le tournage d’un documentaire sur un chômeur en reconversion professionnelle pour voir ce qu’il se passe au bas de l’échelle – rappelant la légende selon laquelle Louis XI, dit le Sournois, s’habillait en manant pour interroger artisans et commerçants sur l’opinion qu’ils avaient de lui. Il n’en reste pas moins que cette fable contemporaine est montée comme du Koh-Lanta. Ainsi, la voix off annonce en intro : “La crise économique a creusé le fossé entre patrons et employés. Pour faire évoluer l’image de l’entreprise, certains patrons sont prêts à prendre des mesures exceptionnelles.” Alors, quel est le but de la manoeuvre : se rapprocher du terrain ou redorer l’image de l’entreprise ? Reste qu’un patron qui a besoin d’une émission de télévision pour découvrir le “bas de l’échelle” a des motivations plus proches de l’image que de “la réalité des hommes”. Pour les esprits chagrins, l’effet est inverse : si, comme l’annonce la voix off, le pdg est “dirigé par ses propres employés”, ce qui saute aux yeux, c’est un rapport de force faussé puisque à l’issue des quatre jours d’immersion, le patron reprend son totem d’immunité et sort vainqueur de l’épreuve de confort. Ainsi, le malaise est total quand un employé qui pense former un chômeur ose dire quelque chose comme “le client, c’est pas mon roi”. parmi d’autres qui lui vaudra un air bien idiot à la fin de l’épisode en découvrant que son sous-fifre-confident n’était autre que son patron – qui lui imposera par la suite et avec le sourire un stage pour mieux gérer ses “relations clients”.
3. Capitalisme et schizophrénie
Évidemment sur le terrain, il arrive que le grand patron, malgré son statut, ne sache pas faire des choses aussi simples que beurrer des sandwichs, scanner un code-barres ou ranger un frigo. Tout en jouant des ressorts simplistes et populistes, Endemol glorifie le système hiérarchique et capitaliste (la voix off nous apprend que l’entreprise fait 25 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, pour 300 salariés). Le spectateur guette le faux pas du salarié, applaudit quand il pressent le bon point et exulte quand le patron convoque ses salariés dans son bureau pour leur montrer que ses goûts vestimentaires et ses cheveux ne sont pas aussi dramatiques en vrai. Quant au dénouement, il est digne d’un conte de fées moderne lors de l’épisode tourné dans l’entreprise de Nicolas Riché. À une employée efficace et dévouée, le pdg admiratif et reconnaissant (“si t’es pas là, je ne serais pas là”) propose carrément : “Eh ben moi, j’aimerais bien que tu sois l’ambassadrice de notre enseigne pour les stations-service.” En voilà un beau happy end.
{"type":"Banniere-Basse"}