Alors qu’on prédisait sa chute, le 7/9 de France Inter fait un carton. Son animateur, Patrick Cohen, est une divine surprise pour la station.
Lorsque Patrick Cohen, venu d’Europe 1, prend les rênes du 7-9 de France Inter en septembre dernier, peu de gens de radio donnent cher de sa peau : succéder à Nicolas Demorand, dans le contexte post-traumatique des renvois de Stéphane Guillon et Didier Porte, semblait relever de la mission impossible. “Autour de moi, on prédisait une catastrophe”, confie l’animateur, amusé de replonger dans les souvenirs d’un automne brumeux et lointain.
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Huit mois plus tard, les traces de ce psychodrame se sont sensiblement effacées : plutôt que le fossoyeur, Cohen fut le sauveur des matins de France Inter. Au lieu d’aller au casse-pipe, il a cassé la baraque. Le 7-9 a même gagné de l’audience, comme l’attestent les derniers sondages sur la période de janvier à mars : il attire aujourd’hui près de 3,7 millions d’auditeurs quotidiens ; à peine moins que sur RTL.
Pour expliquer l’arrivée sur Inter de 150 000 nouveaux auditeurs, Patrick Cohen met en avant le souci qu’il a eu de “restaurer un climat de confiance” avec un public qu’il connaît bien pour avoir présenté le journal de 8 heures en 2007. La “touche Cohen” s’incarne dans un double mouvement : s’inscrire dans un héritage et une approche de l’information propre à la rédaction d’Inter d’une part, affirmer une parole à la fois sereine et pugnace d’autre part. Des politiques aux intellectuels et aux experts, le casting d’invités joue sur l’éclectisme et le dépassement des frontières du microcosme politicien, dont l’obsession de la petite phrase plombe souvent les matinales radiophoniques.
“Les auditeurs d’Inter apprécient qu’on leur ouvre l’esprit avec des invités extérieurs à l’espace politicien, qu’on leur offre des échappées”, souligne-t-il.
« Je ne suis pas dans un match de boxe »
Confronté à la “saturation de la parole politique” et à un “nouveau schéma de concurrence avec les autres médias qui se multiplient”, le journaliste revendique une logique d’exigence sur le niveau de ses invités. Et même lorsqu’il affronte pour la cinquième fois un ministre éternel ou un opposant increvable, il mesure l’obligation de “savoir de quoi on parle”.
“Il n’y a rien de pire que d’interviewer des personnalités sans appétit. Et si l’appétit n’est pas forcément présent face à des invités un peu obligés, on peut le stimuler, par le travail de fond, par le questionnement, le désir d’éclaircissement.”
Pas besoin d’être agressif, selon lui, avec les politiques, même lorsqu’ils vous cherchent des noises, comme Bernard Tapie récemment : “Je ne suis pas dans un match de boxe, je n’ai pas à me mettre au niveau des politiques”, assure-t-il. “Les relances, la répétition des questions restées sans réponse, voire l’ironie distanciée” forment le cadre de sa démarche d’intervieweur. De François Baroin à Xavier Bertrand, il a connu quelques moments de tension au micro, sans jamais lâcher “l’os à ronger”. Rien ne lui fait perdre son flegme, pas même les passages d’antenne taquins avec Pascale Clark, amusée par ses grands cols de chemise ou ses airs renfrognés.
Après s’être levé toute l’année à 2 heures du matin, il avoue que la fatigue le gagne. Mais pas de quoi l’inquiéter sur ce qui l’attend dans l’année à venir : une échéance électorale, qui lui donnera l’occasion de se déplacer en France pour en faire la radiographie et confronter la parole politique à la sincérité de ses promesses. De sa vitalité à lui dépend en partie celle d’Inter. Les auditeurs l’ayant plébiscité, il continue son chemin, carré, sans esbroufe, avec appétit.
Jean-Marie Durand
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