Encore un changement d’organisation à la tête, désormais 100 % masculine, de France Télévisions. Nouveau directeur des programmes, Bruno Patino aura à redéfinir un projet et une stratégie pour le groupe public.
Il en va de France Télévisions comme de toute organisation : dès que les affaires tournent mal, les patrons aiment « resserrer » leur gouvernance. Confronté à une situation de plus en plus tendue – perte de ressources publicitaires, économies à faire, audiences molles, manque de lisibilité et d’audace éditoriale pour beaucoup d’observateurs critiques -, le président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, s’est vu contraint, sous pression discrète de sa tutelle, de réorganiser son équipe de choc. Une équipe composée exclusivement d’hommes, puisque la seule femme jusque-là proche du président, Emmanuelle Guilbart, en charge de la coordination des programmes du groupe et directrice de France 4, a été remerciée. Un virage – un visage aussi – pour le moins viril que n’ont évidemment pas manqué de dénoncer Sophia Aram sur France Inter et les activistes du collectif La Barbe, qui avaient déjà chahuté Pflimlin sur le sujet.
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Une mission : redonner du souffle à un projet global
Aux côtés de Martin Adjari, secrétaire général, Patrice Papet, chargé des ressources humaines, et Thierry Thuillier, directeur délégué à l’information, le vrai homme fort du nouveau dispositif est Bruno Patino, nommé directeur des programmes. À 47 ans, il fait partie de la garde rapprochée de Rémy Pflimlin depuis l’arrivée de celui-ci à la tête du groupe en juillet 2010. Ancien patron du Monde interactif, passé par Télérama, France Culture ou l’école de journalisme de Sciences Po, il a très vite accumulé les postes clés dans les médias. Directeur de France 5 et du développement numérique du groupe France Télévisions depuis juillet 2010, Bruno Patino a prouvé en un peu plus de deux ans une énergie et un sens stratégique évidents : les audiences de sa chaîne France 5 ont progressé et sa réflexion sur les nouveaux usages des téléspectateurs-internautes, son intérêt porté sur les échanges avec les publics (le second écran, lire pages précédentes), la création de plates-formes d’information et d’applications pour tablettes ont illustré sa capacité à penser la télé du futur, même si certains lui reprochent son manque d’expérience sur les programmes purs. L’été dernier, en aparté, il reprochait déjà une insuffisante lisibilité stratégique à la tête du groupe, comme si les projets de Rémy Pflimlin affichés dès son arrivée – rajeunir les publics, s’adapter à la révolution numérique, redonner l’autonomie éditoriale aux chaînes – n’avaient pas trouvé les moyens de s’accomplir. Le cahier des charges de Bruno Patino l’oblige à redonner du souffle à un projet global, l’incarner dans des mots et des idées, réaffirmer la vocation et la spécificité d’une télévision publique dans le bazar de la révolution numérique et des usages transformés des médias.
La volonté de recentraliser autour de lui les processus de décision, en sacrifiant les patrons de chaînes, ressemble de ce point de vue à un retour en arrière : celui du temps où Patrice Duhamel orchestrait la musique générale de Patrick de Carolis, à travers une sorte de guichet unique. Bruno Patino et Rémy Pflimlin se défendent de vouloir réactiver ce « centralisme démocratique » stérile, mais il leur reste à éclairer le sens de leur démarche, rassurer les producteurs sur leurs méthodes de travail, sécuriser les salariés inquiets par les suppressions de postes annoncées, donner un cap clair à un groupe déboussolé par un manque évident de stabilité managériale depuis des années.
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