En 2007, Nicolas Sarkozy avait mobilisé les jeunes de droite. Sept ans plus tard, alors que l’ex-chef d’Etat se présente à la présidence de l’UMP, sa cote de popularité auprès des jeunes a fortement décliné. Que s’est-il passé?
Pierre avait 18 ans lorsque Nicolas Sarkozy a été élu président de la République. Pendant la campagne, le jeune homme a été de tous les meetings – y compris celui avec Martin Solveig au Zénith. Au point où il a pu se confectionner un rideau avec tous les t-shirts estampillés Sarko, histoire que les passants puissent admirer son champion depuis la rue. Aujourd’hui, alors que se profile l’élection pour la présidence de l’UMP destinée aux adhérents, le fervent défenseur n’est plus : il a remis sa carte de membre au parti.
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Et ce n’est pas le seul dans ce cas là. Galvanisés par le Sarkozy de 2007, dynamique, en rupture avec les années Chirac, Astrid préfère désormais voter au centre, Thomas pour le Front de gauche. Paul et Marie-Charlotte, eux, sont toujours membres de l’UMP et comptent voter le 29 novembre. Mais leur héraut s’appelle désormais Bruno Le Maire, le seul à même d’incarner “le renouveau”. Que s’est-il donc passé?
“J’avais voté pour quelqu’un d’énergique et volontariste. C’est différent d’un président vulgaire et agité qui brasse trop d’air, explique Pierre. Nicolas Sarkozy a été décevant à la fois sur le style puis sur le fond de son discours à partir de 2010. Il a entraîné une droitisation de l’UMP qui n’est pas conforme à mes idées”. L’ex-militant garde en mémoire le discours de Grenoble, où le président avait lié immigration et délinquance.
La balkanisation de la droite
“Nicolas Sarkozy a perdu le monopole des jeunes à l’UMP, analyse le politologue Thomas Guénolé, auteur du Petit guide du mensonge en politique (éd. First). Alors qu’il avait été le candidat du rassemblement des droites en 2007, aujourd’hui il n’incarne plus que la droite sécuritaire. S’il semble perdre pied, c’est dû à la balkanisation de la droite”. Face à l’ex-président, d’autres tendances, portées par Bruno Le Maire, Alain Juppé ou François Fillon, ont émergé : le sarkozysme n’est plus qu’un courant parmi d’autres.
Fasciné un temps par Nicolas Sarkozy, Paul Boivin est devenu l’un des lieutenants de Le Maire à Paris. “J’ai pris au pied de la lettre son discours à la Mutualité en 2012 lorsqu’il a dit se retirer de la vie politique. C’était la fin d’une histoire. J’ai commencé à défendre Fillon, j’estimais qu’il fallait arrêter de cliver. Puis, il y a eu la guerre des chefs et là ça m’a dégoûté”. Il lui faut un temps pour digérer la débâcle. C’est à ce moment là que Paul repère Bruno Le Maire, “qui tient le même discours en public et en privé”. “Il ne dit pas ce que les autres veulent entendre”, tâcle le militant de 30 ans, quelques jours après l’annonce de Sarkozy sur l’abrogation du mariage gay face aux militants de Sens commun.
Opportunisme mutuel
Tous les jeunes de droite n’ont pas viré leur cuti : outre une frange de jeunes proches de la Manif pour tous, Nicolas Sarkozy reste populaire auprès des moins de 20 ans. L’aura présidentielle peut-être? “Nicolas Sarkozy est le candidat le plus courageux malgré les pseudo-affaires qu’on veut lui imputer”, affirme Charles-Henri Alloncle, 20 ans, à la tête de la section UMP de Sciences Po Paris. Quid des critiques sur le côté opportuniste du candidat, qui semble toujours enclin à adopter la position de son auditoire? “Il ne va pas tenir le même discours à Nice que dans le 7e arrondissement : nous n’avons pas les mêmes problèmes ! C’est normal qu’il s’ajuste”.
Une association Génération Sarkozy a vu le jour fin août. Ses chefs ont 21 ans de moyenne d’âge, et n’ont donc pas franchement connu le Sarko première mouture, dynamique et rebelle. Parmi les soutiens, on retrouve les ambitieux habituels qui traînent dans le sillage Sarkozy : Stéphane Tiki, 27 ans, militant UMP parisien, Elsa Schalck, 27 ans, conseillère régionale d’Alsace, ou encore Pierre-Henri Dumont, 27 ans, maire de Marck (Pas-de-Calais).
“Pour ces jeunes, le soutien à Nicolas Sarkozy représente un accélérateur de carrière puisqu’il est le favori à la primaire UMP, commente Thomas Guénolé. Dans le même temps, Sarkozy cherche à effacer son côté “multi-sortant” en s’entourant de nouveaux venus : il vampirise bon nombre de jeunes cadres”. Sa nouvelle garde compte ainsi la députée de Haute-Savoie Virginie Duby Muller, le député-maire d’Ajaccio Laurent Marcangeli, 35 ans tous les deux. Mais attention : l’opportunisme de ces jeunes élus pourrait bien se retourner contre Nicolas Sarkozy à moyen terme. Ainsi de son porte-parole Gérald Darmanin, 32 ans, maire de Tourcoing (Nord), qui a déjà annoncé qu’il soutiendrait Xavier Bertrand pour les primaires de 2017. La loyauté ne s’achète pas.
Mathilde Carton
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