Alors que le gouvernement français s’entête dans la répression avec Hadopi 2, l’Angleterre pose les jalons d’une nouvelle économie numérique culturelle.
Rendu public le 16 juin par le ministre de la Communication, lord Carter of Barnes, le Digital Britain Report sur la modernisation de l’économie numérique semble plus attaché au développement du parc informatique anglais qu’à la lutte contre le piratage.
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Un programme qui fait écho aux recommandations du Premier ministre Gordon Brown, qui affirmait le jour même dans The Times : “Que ce soit pour travailler, étudier, payer ses factures ou rester en contact avec ses amis ou sa famille, une connexion à haut débit est considérée comme un service indispensable, au même titre que l’eau, l’électricité ou le gaz.”
Cette déclaration n’est pas sans rappeler la décision du Conseil constitutionnel français, qui censurait début juin le projet de loi Hadopi en considérant l’accès au net comme “une composante de la liberté d’expression et de consommation”. L’Angleterre suivrait-elle cette décision ?
Si le chapitre consacré au téléchargement illégal évoque la coupure de connexion, la lecture attentive désamorce l’intention. Subordonnant cette mesure à un attirail de mises en garde préalables, comme l’envoi de “courriers préventifs” par l’Ofcom, autorité administrative en charge des télécommunications, le rapport demeure flou quant à sa mise en oeuvre.
Evoquant la création d’un organisme chargé de l’imposer, il réveille surtout les fantômes qui ont agité, en France, le débat Hadopi : “Cela ne clarifie rien, commente Charles Arthur, du quotidien The Guardian. Ofcom n’a pas le pouvoir d’imposer aux FAI le filtrage ni la coupure. Il faudra donc légiférer.”
Une imprécision qui pourrait aboutir, comme l’a ordonné le Conseil constitutionnel dans le cas d’Hadopi, au transfert du volet répressif à l’autorité judiciaire. Au terme du chapitre, c’est surtout le développement de l’offre légale, seule alternative efficace, que le gouvernement encourage.
Ce n’est pas l’avis de l’industrie du disque, qui juge le rapport “too soft” : “Le gouvernement anticipe son échec en repoussant l’introduction de mesures techniques”, fulmine dans un communiqué la British Phonographic Industry. En l’absence de directives claires, les majors s’organisent alors avec les fournisseurs d’accès : dans le cadre d’un accord avec Universal Music, Virgin vient d’annoncer des mesures de suspension temporaire pour ses abonnés récalcitrants.
Chez les artistes, la critique est moins vive : en mars, la Featured Artist Coalition (Blur, Radiohead…) s’était opposée aux poursuites préconisées par le gouvernement. On est loin du soutien apporté à Hadopi par certains artistes, arc-boutés sur leurs droits d’auteur au mépris des fondamentaux du droit constitutionnel.
Le Digital Britain Report préconise une législation qui ressemble fort au projet français, dans sa version censurée. Et qui tente, comme lui, de mettre au point un dispositif répressif mais pas trop, menaçant mais sans plus, s’acheminant vers une remise en cause inéluctable : “Pourquoi ces tentatives de contrôle semblent-elles si désespérées ?, analyse Robin Fry, avocat londonien spécialiste de la propriété intellectuelle. La législation sur le copyright n’est peut-être pas à la hauteur. C‘est un débat que nous devrions avoir, plutôt que de renforcer des lois édictées voilà des décennies, pour soutenir une industrie qui était différente.”
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