Ils étaient des centaines à faire la queue ce matin devant l’Apple Store d’Opéra (Paris) pour acheter l’iPhone 5. Une sortie de produit à peine perturbée par quelques manifestants, malgré l’appel à la grève lancé hier par le syndicat Sud.
Les yeux brillants et les mains tremblantes, Yassine nous présente sa nouvelle acquisition Apple, un iPhone 5, comme s’il s’agissait du Saint Graal. A première vue, le 5 ressemble au 4. Yassine s’insurge : « il est plus grand et beaucoup plus fin ! » Le jeune homme est venu spécialement de Casablanca, au Maroc, pour l’acheter :
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« Je suis un Apple addict. Je ne pouvais pas attendre, il me le fallait! »
Ils sont environ 300 à attendre en file indienne devant la boutique Apple située à Opéra (Paris) pour acquérir le dernier bijou technologique de la marque à la pomme. La circulation a été bloquée sur une rue, des dizaines de barrières installées. Comme à chaque sortie de produits Apple, l’engouement, démentiel, est difficilement compréhensible pour un non-aficionados de la marque.
Certains sont là pour faire un cadeau à un ami, d’autres sont envoyés par leur patron. Beaucoup sont venus de loin, comme George Soloviev, 20 ans, qui a pris un aller-retour Moscou-Paris pour acheter l’iPhone qui ne sortira, selon lui, qu’en décembre en Russie. Aux côtés de sa mère, qui ne parle pas un mot d’anglais mais semble heureuse de participer à l’aventure, il explique, visiblement très fier :
« Je vais être un des seuls en Russie à l’avoir. En plus, je suis vendeur chez Apple ! Mes collègues, eux, ne sont pas venus à Paris pour l’acheter. »
Mais George est un petit joueur. Il ne fait la file d’attente que depuis 9h ce matin alors que d’autres attendaient déjà hier à 10h et ont donc passé la nuit devant la boutique, souvent motivés par la peur d’une rupture de stock. Car personne ne sait combien d’iPhones sont en vente dans cet Apple Store, d’où le soulagement intense qui se lit sur les visages des clients qui ressortent du magasin iPhone 5 en main, sous les applaudissements des vendeurs.
Mais où est la grève ?
A l’ouverture des portes, ce ne sont pas des applaudissements mais des sifflets qui ont accueilli les clients à l’entrée de la boutique. Postés devant le magasin, les manifestants, principalement d’anciens employés de ICLG, ancien revendeur de produits Apple, licenciés en juillet dernier, ont crié leur colère à coups de « Apple, tes chômeurs sont dans la rue« . Ça a duré une petite demi-heure, et, depuis, plus rien.
A l’intérieur de l’Apple Store, un vendeur -qui préfère conserver l’anonymat- nous explique qu’il a décidé de ne rien faire pendant plusieurs heures, afin d’exprimer sa solidarité envers ses rares collègues grévistes :
« Les gens attendaient un mouvement de grève, mais on s’est divisés. Résultat : certains font grève, d’autres non, d’autres encore comme moi sont venus les mains dans les poches. »
A l’abri des regards de ses supérieurs, occupés à accueillir les clients, il ne mâche pas ses mots :
« Ce sont des crevards. Ils ne nous donnent pas d’iPhone 5, on n’a même pas de réductions pour en acheter ! C’est inadmissible pour une boîte aussi riche. »
Les salariés d’Apple réclament un certain nombre d’avantages comme un treizième mois, des tickets restaurants et des primes, auxquels ils n’ont pour l’instant pas droit.
Une contestation à l’image de la marque
Dehors, Thomas Bordage, responsable SUD chez Apple France, n’est pas déçu par le manque de mobilisation des employés, et va jusqu’à prendre ses distances avec les manifestants qui ont exprimé leur mécontentement le matin même :
« Ils prenaient la parole de manière virulente. On les a laissés faire mais notre façon de protester est plus silencieuse, plus cadrée. »
A l’image de la marque, en somme, dont Thomas Bordage est un passionné. Pas question pour lui de « gâcher la fête » en perturbant la sortie de l’iPhone :
« On cherchait surtout une symbolique, pour assurer une visibilité à nos revendications. On ne voulait pas perturber cette sortie de produit, qui est importante pour nos clients. »
Pour autant, le représentant syndical n’est pas d’accord avec la politique du silence mise en place par Apple, et dénonce le fait que les employés ne puissent pas exprimer leurs revendications dans la presse :
« Il faut qu’ils nous fassent confiance. On a envie de leur dire ‘laissez-nous une marge de manœuvre’, on sait ce qu’on doit dire ou pas ! »
A ses côtés, Stan, logo Apple tatoué sur le bras (comme d’autres ont le visage de Johnny tatoué sur le biceps), attaque l’entreprise autant qu’il l’a défend : « On aime la marque, mais pas les conditions de travail. Il faut vraiment faire un distinguo entre les deux. »
A son poignet se balade le fameux bracelet vert frappé du mot « Believe », symbole de la contestation repris par les salariés d’Apple aux quatre coins du monde.
Aux Etats-Unis, c’est Cory Moll, qui tweete régulièrement sur la contestation via son compte @CoryMoll, qui se charge de les distribuer. Ce salarié d’Apple, qui a créé le syndicat Apple Retail Workers Union afin de donner plus de poids aux revendications salariales, est à l’origine du mouvement de protestation, qui a démarré outre-atlantique en mai 2011. Première victoire en novembre avec une augmentation des salaires pouvant aller jusqu’à 25%. Les employés français, eux, n’en ont jamais vu la couleur.
Tout pourrait basculer avec cette contestation à demi-mots, qui a, en définitive, tout pour plaire à Apple, marque à l’esthétique épurée passée maître dans l’art du secret. On n’en saura peut-être jamais plus, car, chez Apple, même le service de presse n’est pas autorisé à communiquer sur le sujet.
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