Le lendemain de la mobilisation nationale des patrons de PME, le PCF a rassemblé une centaine de militants à Paris, qui ont défilé entre le siège du Medef et l’ambassade du Luxembourg en parodiant les slogans patronaux. Pierre Laurent appelle à une semaine de contre-mobilisations en riposte à l’offensive patronale.
“Chômeurs voleurs, salariés assistés !”, “De l’argent, il y en a, dans les poches du salariat !”, “Patrons de tous les pays unissez-vous, ils nous spolient !”. Ces slogans qui résonnent ce mardi 2 décembre devant le siège du Medef semblent émaner des éléments les plus déterminés de la manifestation patronale qui a eu lieu la veille. Il n’en est pourtant rien. Sous les chapeaux haut de forme arborés pour l’occasion, et derrière ces slogans irréalistes se cachent en réalité des militants communistes, reprenant le concept de « Manif de droite ». Ils seront une centaine, accompagnés par leur secrétaire national Pierre Laurent, réunis derrière une banderole : « Gattaz, 1er assisté de France ».
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Le but de la manœuvre : disputer le terrain de la rue au patronat, qui manifestait exceptionnellement la veille – la dernière mobilisation du genre datait d’octobre 1999 contre les trente-cinq heures -, et contester le discours des syndicats patronaux, jugé « mensonger ». Le moyen : l’humour, la parodie et la symbolique. En choisissant de défiler entre le siège du Medef et l’ambassade du Luxembourg, le PCF fait en effet d’une pierre deux coups : non seulement il comble le vide à gauche face à la mobilisation des chefs d’entreprises, mais il rappelle aussi le récent scandale financier « LuxLeaks« , des contrats d’optimisation fiscale passés entre le fisc luxembourgeois et de nombreuses multinationales.
S’opposer à la propagande du Medef
« Nous n’admettons pas que des pays servent de refuge à l’optimisation fiscale et que cela se passe dans la complicité la plus totale de l’ensemble des dirigeants de nos différents pays européens », affirme Pierre Laurent. Les logos des multinationales concernées ornaient d’ailleurs ostensiblement les chapeaux haut de forme des manifestants : Apple, Heinz, Pepsi, etc.
En riposte à la semaine de mobilisation des patrons de PME contre les contraintes qui « étouffent les entreprises », le PCF prend donc les devants et organise une « contre-semaine d’actions face au Medef et à la politique gouvernementale d’austérité ». « Nous ne voulons pas laisser le Medef envahir les ondes tout seul cette semaine et continuer sa propagande sans résistance à tous les mensonges qu’il déverse », affirme Pierre Laurent, obligé de hausser le ton pour couvrir L’Homme pressé de Noir Désir, diffusée par les enceintes de la camionnette du parti. Pendant qu’il répond aux journalistes, deux militants PCF profitent de ce promontoire pour effacer une autre propagande : celle du FN, dont une affiche collée à un arbre semblait narguer l’attroupement.
Selon le taulier du PCF, les faits sont têtus : « Quand le Medef dit que la fiscalité d’entreprise augmente, c’est faux. Les rendements de l’impôt sur les sociétés sont en baisse cette année et l’impôt sur les sociétés rapporte aujourd’hui six fois moins que la TVA : ce sont la majorité des Français qui payent les impôts et pas les entreprises ». Et de dénoncer « un état de sous-imposition du capital en France ». Il pourra en parler à Pierre Gattaz en personne le 11 décembre prochain, puisque celui-ci a accepté sa proposition de débat dans un tweet :
.@plaurent_pcf ok pour un débat d’idées avec vous. Je propose de le faire dans le journal @humanite_fr cc @CNPCF @medef
— Pierre Gattaz (@PierreGattaz) 20 Novembre 2014
Le contenu des échanges entre les deux Pierre sera publié dans L’Humanité le 12 décembre.
« On vit une drôle d’époque »
C’est désormais Argent, trop cher, de Téléphone, que crachent les enceintes et le cortège se met en branle en direction de l’ambassade du Luxembourg. Le discours du PCF est d’autant plus audible en cette soirée particulièrement fraîche qu’Emmanuel Macron a admis le jour-même sur Radio Classique qu’un faible nombre d’accords de branche avait été signé dans le cadre du Pacte de responsabilité. « Dans ‘pacte de responsabilité’, il y a ‘responsabilité’. […] Très peu d’accords de branche ont été signés. C’est un échec et c’est aussi le sien », a déclaré le ministre de l’Economie en visant Pierre Gattaz, le président du Medef engagé dans une course à la surenchère avec l’exécutif.
« Il ne suffit pas de reconnaître une erreur du pacte de responsabilité, il faut remettre en cause la logique qui a présidé à ce pacte et, à l’inverse de la politique gouvernementale qui encourage la surenchère du Medef, il faut protéger le travail et l’emploi », rétorque Pierre Laurent.
Le cortège arrive devant l’ambassade du Luxembourg. Personne ne peut la louper : à son entrée des militants ont déployé une banderole « Ici paradis fiscal ». Devant le noble bâtiment réservé à la diplomatie, elle fait son effet.
« On vit une drôle d’époque, commente Clara Cosquer, militante dans le 10e arrondissement : les patrons manifestent, les travailleurs ne se mettent pas en grève, un type de droite est à la tête d’un gouvernement de gauche, alors qu’on est censé avoir élu un socialiste… C’est une époque très étrange ». Avec ces slogans détournés et ces déguisements rudimentaires, le PCF a cherché à interpeller par l’absurde, interrogeant par l’occasion cette ère du temps indéchiffrable, marquée par la perte de repères politiques.
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