Une foule considérable a défilé ce samedi à Paris entre République et Nation pour protester “contre l’austérité, pour l’égalité et le partage des richesses”. Le rendez-vous unitaire fixé par la gauche altermondialiste a été un succès.
Des rouges en colère et des verts rouges de rage. C’est le visage de la foule bigarrée qui a défilé ce samedi 12 avril à Paris, pour la grande marche unitaire « contre l’austérité, pour l’égalité et le partage des richesses », organisée à l’appel du Front de gauche, du NPA, de la gauche d’EELV, d’une multitude d’associations (DAL, Attac, Droits devant, l’Union nationale des sans-papiers…) et de syndicats (CGT, Solidaires, FSU, SNES…). Le rendez-vous fixé par la gauche altermondialiste a été un succès: ils ont été entre 25 000 selon la police et 100 000 selon les organisateurs à battre le pavé entre République et Nation. La « vague bleue » qui a emporté les municipales, et la nomination consécutive de Manuel Valls à Matignon n’y est sans doute pas pour rien. A l’approche des européennes (le 25 mai prochain), la gauche non-gouvernementale espère offrir une alternative convaincante aux électeurs, et repartir sur des bases unitaires, alors qu’aux municipales les composantes du Front de gauche étaient parties séparées.
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« Il faut que la colère s’exprime »
Dans le carré de tête de la manifestation, Jean-Luc Mélenchon (PG) est apparu main dans la main aux côtés d’Olivier Besancenot (NPA), Pierre Laurent (PCF), Christian Picquet (Ensemble) et de responsables du Front de gauche. Alexis Tsipras, le leader de Syriza, la gauche radicale grecque, était également présent, comme l’ex-candidat à la présidentielle pour le NPA Philippe Poutou. Selon lui cette mobilisation a vocation à susciter une prise de conscience dans la population:
« On aimerait bien qu’un déclic se produise, que cette manifestation sonne le réveil du peuple de gauche. Il faut que la colère s’exprime, que l’on reprenne confiance en nous-mêmes, en nos propres forces. Nous avons besoin d’une victoire quelque part, pour que l’on prenne conscience que nous pouvons changer les choses. Une manifestation ne suffira cependant pas, il faut que l’on reconstruise une mobilisation sociale, un vrai mouvement de révolte et de contestation ».
Un vent de révolte a effectivement soufflé sur Paris cet après-midi. Chacun y est allé de son message. Ceux adressés à Valls et Hollande étaient particulièrement nombreux: « Envoyons Vallser l’austérité », « Hollande mets la barre à gauche », « Valls no pasaras », disaient les pancartes. Le mouvement des « sans » a également fait entendre sa voix: « Chômeurs, précaires, intermittents, intérimaires, avec ou sans papiers, solidarité! ». Le Droit au logement (DAL) a fait valoir ses revendications en réclamant l’application de la loi DALO (droit au logement opposable). Des militants d’Attac ont défilé déguisés en bagnards « condamné-e-s à l’austérité ». La convergence des luttes a pris quelque consistance.
« Il faut que l’on reprenne l’habitude d’être ensemble »
Philippe Poutou s’en félicite, et soigne le message unitaire recherché à travers cette marche :
« Il faut que la population se retrouve là-dedans. Le problème c’est que nous sommes éparpillés, fragilisés, chacun dans notre coin bien souvent, avec des réflexes sectaires ou boutiquiers. Il faut que nous réussissions à dépasser cela, que l’on reprenne l’habitude d’être ensemble. Nous savons que nous avons des idées communes, que l’on peut s’entendre sur une plateforme programmatique, contre l’austérité, contre les licenciements, pour l’égalité des droits. Mais il est très important que l’on recolle les morceaux pour y parvenir ».
Alors que la manifestation avait également pour ambition de reprendre la rue à la droite et à l’extrême droite, on entend derrière ce discours une nécessité d’union aux accents de front populaire.
Parmi les personnalités politiques présentes, certains écologistes d’EELV, qui avaient appelé à manifester contre “le productivisme et l’austérité”. Le parti écologiste était pourtant divisé sur cette participation. Bien qu’EELV soit sorti du gouvernement, et que 83% de leurs représentants se soient prononcés pour l’abstention au vote de confiance du nouveau gouvernement, Emmanuelle Cosse et Cécile Duflot par exemple avaient exprimé leurs réticences. Véronique Dubarry, adjointe EELV à la mairie de l’Île-Saint-Denis, était présente à la manif’: « Il y a des oppositions très claires au sein d’EELV, et des craintes que je peux comprendre. Mais je ne me considère pas comme étant à la manif’ de Mélenchon, je me considère comme étant dans une manif’ de gens de gauche qui disent “stop!”, cela me suffit ». Selon elle l’écologie et la lutte contre l’austérité s’articulent:
« La croissance comme dogme et comme réponse ultime et suprême est d’une débilité sans nom. Toutes les politiques d’austérité vont à l’encontre de ce qu’on pourrait faire en matière de transition écologique, de développement de nouvelles solutions. Les propos sur la désindustrialisation ne prennent pas en compte cette aspiration d’une partie des Français à une autre politique. Que les premières déclarations de Montebourg dans ses nouvelles fonctions soient liées à l’exploitation du gaz de schiste et à la réindustrialisation à outrance, cela prouve bien qu’il y a une incompréhension du projet écologiste, et de ce qui serait bon pour nous tous ».
Un peu plus loin dans le défilé ininterrompu de citoyens, un militant du PG arborait fièrement une pancarte affirmant: « le changement, c’est à Grenoble ».
La ville, remportée par l’écologiste Eric Piolle aux municipales sur une liste unitaire avec le PG et un réseau citoyen, fait office d’exemple à suivre. L’unité ce 12 avril a même débordé les espérances des organisateurs: l’économiste Liêm Hoang Ngoc, membre du bureau national du PS et député européen, était bras-dessus bras-dessous avec Jean-luc Mélenchon dans le carré de tête du cortège.
« @ArthurNazaret: Melenchon souriant avec 1 soc. #collector #etPoutou #manif pic.twitter.com/rYscmUtbXu » Liem Hoang Ngoc Économiste génial
— Néophyte atterré (@Neo_atterre) April 12, 2014
La “majorité alternative de gauche” à laquelle aspire l’autre gauche, encore embryonnaire, se dessine en tout cas à certaines occasions, comme lors de cette marche. A la “vague bleue” des municipales, la gauche altermondialiste a répondu ce samedi par une marée humaine rouge et verte. Reste à savoir jusqu’où elle ira.
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