Après Lomboy et Cracki Records, c’est Cléa Vincent et Midnight Special Records qui s’invitent dans la salle « Festival » pour le Paris Aéroport Music Workshop, une résidence d’une semaine au cœur de l’aéroport de Paris Orly. La jeune femme, auteure des tubes « Château Perdu » ou encore « Retiens Mon Désir » était venue travailler sur les ébauches de son deuxième album. Une rencontre que vous pouvez aussi retrouver en vidéo, réalisée entre les deux concerts qu’elle a livré au Terminal Ouest de Paris Orly le 30 juin dernier.
Pourquoi avoir accepté cette résidence un peu spéciale au cœur de Paris Aéroport ?
J’avais besoin de m’isoler pour finir des chansons pour lesquelles je n’avais jamais de temps à consacrer à cause des promos, des concerts…ça m’a permis d’écrire, ce qui était un luxe, tout en ayant une pression de l’équipe technique pour pouvoir avancer. J’étais loin de chez moi, il n’y avait donc pas de tentations, juste nous et les chansons et ça nous a fait beaucoup de bien. On a pu en plus les jouer en live et les mettre ainsi en perspective pour sentir les failles.
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Les résidences sont-elles un exercice auquel tu es habituée ?
Normalement je le fais pour du live, avec tout le groupe, les ingénieurs son et lumière. On travaille le show, et là c’était différent. C’était une résidence de création, chose que je n’avais fait jamais faite et que je referais car ça nous a vraiment permis d’avancer sur les morceaux. C’était très stimulant.
Tu as même réussi à composer deux chansons…
Avec Raphaël, nous avons réussi à finir sept chansons et à en présenter deux sur notre live dans l’aéroport. Un travail qui a payé !
Tu t’étais fixé un cahier des charges, des objectifs, avec cette semaine au Paris Aéroport Music Workshops ?
Nous sommes arrivés ici avec sept chantiers, et on s’est dit que nous voulions que les sept soient quasi finies. On a trouvé des idées, des développements, des refrains, des bridges. On a changé des tonalités, on a changé des tempos. Vraiment, on a atteint notre objectif.
L’aéroport est-il un endroit qui t’inspire en tant qu’artiste ?
Nous étions dans une pièce fermée, donc nous pouvions être un peu n’importe où, dans une bulle. Je trouvais ça assez amusant, quand nous sortions faire des pauses, de se retrouver dans l’aéroport, c’était exotique. Par contre, ça m’a sérieusement donné envie de monter dans un avion et de partir loin…
Tu travailles depuis longtemps sur ce deuxième album ?
Ca fait maintenant huit mois que mon premier disque est sorti, et c’est un travail de guerrier que de le défendre. On a manqué de temps pour développer les idées qu’on avait pour ce deuxième disque, et c’est pour ça que ça nous a fait à la fois plaisir et du bien d’avoir cette résidence. Même si le deuxième album n’est vraiment pas pour tout de suite, on a encore beaucoup de temps, on sait que ça passe vite et que l’on peut rapidement se retrouver la corde au cou. On avance donc le plus possible en amont.
Tu es perfectionniste quand tu composes ? Tu repasses beaucoup sur ta copie ?
Cette semaine par exemple, je pensais que certaines chansons étaient finies, mais en les chantant, je me suis aperçue qu’il y avait des textes qui ne me convenaient pas, du coup il va falloir repasser derrière. Je suis assez perfectionniste, mais je me fais confiance. Quand je chante la chanson et que j’assume c’est bon, mais quand je sus mal à l’aise c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Parce que les techniciens étaient là pendant la résidence et qu’on avait « un public », il y a des choses qui ne passaient pas, il fallait donc y retourner…
Est-ce que dans le processus de création, une partie te semble plus difficile qu’une autre ? La composition, l’écriture des paroles…
Là, j’ai l’impression que la structure, la mélodie, la production arrivent assez facilement. C’est sur les textes que je suis embêtée. Quand la mélodie est là, et il faut que tu dises quelque chose dessus, ça peut être difficile. Je bloque actuellement sur certains endroits, alors que ça ne m’était pas arrivée sur le premier album. Il va nous falloir du temps.
Pour le texte, tu écris toujours toute seule ou tu prends en compte les remarques de tes musiciens ?
Aujourd’hui nous sommes vraiment deux à écrire. Je le fais avec Raphaël Léger, le batteur du groupe avec qui j’ai commencé à écrire sur le premier album. Sur mes deux EPs j’étais toute seule, et en fait c’est tellement plus tranquille d’écrire à deux, j’adore ça.
Quand on travaille sur un deuxième album, est ce qu’on n’a pas envie qu’il soit radicalement différent du premier ?
Je joue certains morceaux du premier album depuis 2011. Je suis habituée à les chanter en concert. Là, tout à coup, je l’ai vécu à Orly, on chante de nouvelles chansons et c’est bizarre. Il faut arriver à s’extraire, à se les approprier et à les défendre avec autant d’assurance que les « anciennes ». Après, je ne vais pas dire que je suis confiante, mais nous avons passé un cap musicalement, et quoi qu’il advienne de ce deuxième album, nous faisons la musique qu’on aime. Nous n’avons pas l’impression d’être pris par le temps, ni de faire des compromis. Nous sommes dans quelque chose qui nous ressemble, et nous verrons l’accueil qui sera fait à ce nouveau disque, mais vraiment, je suis heureuse et bien dans mes baskets.
Tu sens que ton processus de travail a changé depuis le premier album ?
C’est toujours le même exercice, toujours aussi difficile, avec toujours autant de remises en questions et de prise de risques. La seule différence avec le premier album, c’est cette résidence, où nous les avons joué live avant de les enregistrer. Je pense que ça va bien les « pimper ». C’est toujours difficile de faire de la musique. Il faut être dans un état de faiblesse absolu, comme un oisillon. C’est très dur, et c’est ça qui fait que tu es aussi attaché, elles t’ont demandé un vrai effort. J’en écris peu, mais elles ont toutes une signification pour moi.
Tu vois déjà vers quelle direction ce nouvel album se dirige ?
Il y a des chansons qui sont ultra catchys, une parlera de féminisme… Il y a un vrai appel à la fête globalement, des titres assez forts et dansants, mais il y en a aussi des sombres. L’une d’entre elle, Nuit Sans Sommeil, je la trouve hyper triste, et je ne comprends pas vraiment ce que j’ai voulu, mais il y a une émotion dans cette chanson que je maitrise mal.
Tu élimines beaucoup de chansons quand tu tries pour ton album ?
Je n’aime pas trop éliminer des chansons. Si j’ai fait l’effort de les terminer, et vu le prix que ça me coute émotionnellement… En revanche, et c’est ce que j’ai fait sur Tropicléa, mon dernier EP, c’est que c’était des chansons un peu différentes du premier album. Lorsque j’en ai eu cinq qui se ressemblaient, je les ai rassemblés et sorties. Toutes les chansons qui ne se trouveront pas sur le deuxième album sortiront d’une manière ou d’une autre. Vraiment, c’est rare que nous développions une chanson pour ne rien en faire.
Tu as d’autres formations à côté : le travail n’est pas le même ?
Dans mon projet Garçon, ce ne sont que des reprises de chansons françaises, et dans mon projet Chansons de ma Tante, ce sont des reprises de Joy Giani. Le seul endroit où je compose, c’est dans Cléa Vincent.
Tu es plus live ou studio ?
J’ai 1000 fois plus de plaisir sur scène qu’en studio. Je crois que j’ai vraiment besoin du contact avec les gens, que chanter dans une cabine avec un casque je trouve ça contre nature. Je sais que je le fais parce que c’est un moyen de faire des concerts, mais ce n’est vraiment pas ce que je préfère. Tout à l’heure, nous avons joué pour la première fois une des chansons qu’on a terminé cette semaine, et il y a des filles qui nous ont demandé quelle était cette chanson et où on pouvait l’écouter, et ça c’est super d’avoir un échange avec quelqu’un sur ton travail, immédiatement.
Quand on t’a proposé de jouer dans un aéroport, est ce que ça t’a fait peur ?
Je n’ai jamais peur de dire oui à des propositions de concerts. C’est très rare que je n’accepte pas, je suis toujours prête à tester des choses. Le concert, c’est ce qui me fait vivre, pas seulement financièrement, c’est ce qui m’anime.
Après c’est plus pendant le concert qu’il faut assumer son oui. J’ai assumé un oui qui était assez particulier, donc je me suis accrochée car c’est difficile et étrange, il y a des gens qui partent et viennent parce qu’ils ont leurs avions et c’est bête, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que c’est parce qu’ils trouvaient ça nul. En fait, ils ont juste un avion à prendre. Mais j’ai quand même kiffé.
Tu te vois réitérer l’expérience ?
J’aimerai bien refaire une résidence ici, même si je pense qu’ils prennent de nouveaux groupes à chaque fois, mais je continue à penser que pour terminer un album, il faut s’isoler et être un minimum encadré. Je pense que les créatifs ont autant besoin de libertés que de contraintes. Lorsqu’on nous met des cadres horaires, ça nous fait du bien. Je vais essayer de retrouver cette expérience. Ça nous coute un peu, mais il en sort toujours des choses intéressantes.
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