Alors que les sites d’info peinent à survivre, tout semble sourire aux Français d’Owni, qui viennet d’être récompensés par les Online Journalism Awards. On est allé les voir dans leur soucoupe.
Ils n’en reviennent toujours pas. Et pourtant… Fin octobre, l’Association (américaine) des journalistes multimédias (Online News Association) a classé Owni parmi les meilleurs sites d’information du monde.
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Peu de temps avant, le site avait été contacté par Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, pour mettre en ligne les quelque 400 000 documents militaires sur la guerre en Irak et concevoir une interface pour leur consultation.
« Nous avions déjà mis en ligne des documents de WikiLeaks sur l’Afghanistan, raconte Nicolas Kayser-Bril, journaliste à Owni, qui a rencontré à Londres Julian Assange. Et contrairement à la plupart des médias français qui se sont contentés de publier des extraits des documents parus dans la presse américaine, nous avons effectué un vrai travail d’interface, en donnant notamment la possibilité aux internautes de les noter et de les commenter. »
C’est ce travail qui a décidé Julian Assange à faire appel aux Français, dans la mesure où il souhaitait cette fois-ci non pas publier intégralement les documents et les rendre disponibles en téléchargement libre (comme pour les précédents) mais organiser leur consultation pour leur donner plus de lisibilité et par là plus d’impact.
Une collaboration qui marque sans doute le début d’un vrai journalisme numérique transnational. A l’origine d’Owni, on trouve son fondateur, Nicolas Voisin, qui vient du peuple des bloggers et podcasteurs qui ont fait émerger le débat public sur internet. En 2007, il crée ainsi le Politic’Show sur Dailymotion, série d’interviews vidéo des candidats à l’élection présidentielle.
Mais là où tant d’initiatives originales se sont depuis noyées dans l’océan du net, cet entrepreneur a une conviction : la liberté médiatique passe par l’indépendance financière. Il crée donc une société, 22 mars, qui édite des sites web, développe des interfaces, et aide les médias sociaux à développer le « data journalism » (convertir des données chiffrées en images) qui en est encore à ses balbutiements en France.
Cette structure rentable lui sert à financer le média en ligne Owni, qui fonctionne donc sans publicité ni abonnement : une première dans le secteur des sites d’information. D’autant qu’Owni compte aujourd’hui une vingtaine de journalistes permanents qui travaillent dans le centre de Paris, dans une ambiance à la fois rigolarde et concentrée, où la densité des Mac au mètre carré évoque une start-up.
» Tous nos journalistes sont aussi éditeurs de contenu et pour la plupart associés au sein de la société, explique Nicolas Voisin. Environ 40 % des articles sont produits par la rédaction, le reste provient de notre réseau de bloggers, de journalistes, d’universitaires… »
Et outre son indépendance économique, le site progresse également en audience (plus de 250 000 visiteurs par mois) et en poids dans les médias : Xavier Niel, richissime patron de Free et un des sauveurs du Monde, vient de faire son entrée dans le capital d’Owni.
Dans la foulée, l’équipe a lancé le mois dernier trois déclinaisons du site : Ownisciences, Ownipolitics et Ownimusique, le tout pour que chaque entité forme un laboratoire de réflexion indépendant des autres.
Une organisation en forme de plaidoyer pour un journalisme numérique différent dont le credo selon Nicolas Voisin est » ne pas faire ce que font les autres ». Un modèle différent, qui reflète les aspirations d’une nouvelle génération de journalistes (la moyenne d’âge est de 27 ans), critiques envers des médias traditionnels qu’ils jugent sclérosés et qui en raison de la crise sont de toute façon plutôt réticents à leur ouvrir leurs portes.
Marjorie Philibert
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