La députée LFI, Clémentine Autain, nous explique pourquoi elle a signé une tribune parue dans « Libération » dénonçant la place subalterne réservée aux femmes dans la vie politique.
« Le masculin s’impose partout, surtout au sommet, là où se jouent les grandes décisions. » Une quinzaine de femmes politiques de gauche signent une tribune dans Libération pour dénoncer le sexisme qui gangrène les hautes sphères de l’État. A l’heure des campagnes #MeToo, elles appellent à inventer d’urgence « des façons nouvelles de faire de la politique. »
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« La place des femmes reste subalterne »
Députées, sénatrices, conseillère régionales ou municipales… Elles sont issues, entre autres, de La France Insoumise, Europe Ecologie-Les Verts ou Génération.s et se réunissent pour tirer la sonnette d’alarme : Pourquoi, de Cécile Duflot à Nathalie Kosciusko-Morizet en passant par Najat Vallaud-Belkacem celles « qui avaient réussi à compter » ont jeté l’éponge ?
« Dans l’espace politique, qui se doit de donner écho à la réalité populaire, nous constatons que la place des femmes reste subalterne. »
Malgré l’exigence d’égalité qui s’impose dans la société, le monde politique reste empreint de préjugés sexistes qui entravent les carrières des femmes dans la vie publique. Du Président au Premier ministre en passant par les chefs des grands partis, les postes les plus hauts placés sont encore aujourd’hui occupés par des hommes.
Un univers traditionnellement masculin, accepté par certaines en « silence » quand afficher son féminisme revient à prendre le risque de se marginaliser. Pourtant, « pour tenir et gagner notre juste place collective, nous devons parler, nous parler », estiment les signataires car « comment ne pas voir la difficulté, la fatigue, la dureté d’être une femme dans un univers façonné par et pour les hommes ? »
La question de la sororité est « essentielle »‘
« Il y a dix ans de cela, cette tribune aurait difficilement pu être signée par autant de femmes », nous explique Clémentine Autain, signataire. « Je pense que nous avons franchi un seuil critique qui nous permet désormais de prendre la parole collectivement, de ne plus cacher notre réalité et de mettre en place des mécanismes d’entraide. »
« C’est notre juste place collective que nous revendiquons »
« Aujourd’hui, grâce à la loi sur la parité, nous ne sommes plus marginales avec près de 40 % de femmes à l’Assemblée. La question de la sororité qui traverse notre tribune est essentielle car nous ne pouvons pas nous en sortir de façon individuelle. Il est important de comprendre que les codes masculins sont des habitudes depuis longtemps ancrées qui façonnent la politique. C’est notre juste place collective que nous revendiquons. »
Le nerf de la domination masculine
Une prise de position qui n’est pas seulement permise par une libération plus globale de la parole des femmes mais qui revendique une meilleure représentation de cette transformation au sein du monde politique.
« Dans un moment de grande mobilisation populaire, il serait bien de se rappeler que parmi les mobilisé.e.s, il y a des étudiantes, des cheminotes, des femmes qui prennent part à ces débats. Et cette diversité doit apparaître dans la sphère politique », poursuit la députée LFI.
« La politique est un lieu de pouvoir par excellence, s’attaquer à ses normes c’est toucher un nerf de la domination masculine. »
« Je n’en peux plus »
Pour les signataires, cette tribune est un appel à une première « prise de conscience », celle d’une souffrance qui a trop longtemps été étouffée : « C’est impressionnant le nombre de femmes politiques qui me disent ‘j’hésite à arrêter, je n’en peux plus », s’indigne Clémentine Autain.
Mais qui sert également de support de réflexion pour permettre « d’échanger sur nos expériences afin d’apprendre à gérer les injonctions incessantes sur la voix, la tenue ou la gestuelle qui ne sont pas des questions subsidiaires mais de véritables enjeux politiques », détaille-t-elle.
Et devrait donner lieu à une prochaine » initiative publique » qui dépasserait la sphère politique pour s’adresser aux « dizaines de milliers de femmes qui subissent un rappel à l’ordre sexiste quotidien. »
Refaçonner les normes politiques
La députée de Seine-Saint-Denis se félicite déjà des échos positifs dont bénéficie leur initiative.
« Nous avons eu plusieurs retours de femmes que nous n’avions pu solliciter qui regrettaient de ne pas avoir signé la tribune. C’est la preuve qu’il s’agit d’une colère massive », affirme-t-elle.
« Le nombre de témoignages et d’anecdotes sexistes que j’entends depuis plusieurs jours est incroyable. »
Elle tient, également, à souligner les messages de soutiens masculins. « Je pense en particulier à un homme qui m’a dit ‘Oui, ça nous ferait du bien que le monde politique sorte de cette virilité, de cette violence qui le caractérise' ».
« Le chemin sera long, avoue-t-elle, mais partager nos difficultés c’est aussi une façon de tenir et de gagner dans la durée. Car ce n’est n’est pas seulement un combat pour l’égalité mais un débat qui va nous permettre en dénonçant la virilité qui organise traditionnellement ce milieu, de repenser l’ensemble des normes politiques et de régénérer la vie publique. »
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