Cinquante ans de carrière et des millions de disques vendus: Johnny a pourtant longtemps vécu à crédit. En 2011, nous publiions ces révélations sur un flambeur “un peu pigeon”.
Mais dans l’entourage du chanteur, on recense plus de mauvais que de bons investissements. On se rappelle de l’achat, il y a quelques années, d’un petit avion, à part égale avec un pilote de Formule 1 belge. On se souvient surtout d’un yacht acheté 6,4 millions d’euros au milieu des années 2000. Gigantesque, ultraluxueux, l’engin était surtout très mal conçu. Au premier vent sérieux, il devait rester au port. Et même là, il coûtait cher : ses caractéristiques techniques imposaient la présence à bord en permanence d’un capitaine de la marine marchande, d’un capitaine en second et d’un ingénieur pour les moteurs. Puisque tous étaient embauchés à l’année, la facture mensuelle s’élevait à près de 30000 euros. Beaucoup d’argent pour un yacht dont Johnny ne se servait quasiment jamais.
Rendez-vous à Bercy chez le ministre du Budget
“L’argent, Johnny ne sait pas ce que c’est, dit un jour Jean Pons, son ancien imprésario. Il est l’un des rares hommes de spectacle à se comporter aussi peu en homme d’affaires.” Depuis le départ, Johnny se fait donc trimballer, manipuler. Au début des années 60, Johnny Stark prend 50% de tous les revenus du gamin mais il néglige de régler le fisc comme c’était convenu.
Plus tard, les comptables de la star oublient quatre millions de francs sur les déclarations de revenus des années 1971 et 1972. Une broutille qui vaudra à Johnny, outre une désagréable comparution devant la 11e chambre correctionnelle de Paris le 1er avril 1977, dix mois de prison avec sursis et 20000 francs d’amende.
Mais au rayon fiscal, le pire est à venir. Au tout début des années 90, la menace d’un avis à tiers détenteur pèse sur Johnny. Si la procédure se concrétise, ses revenus seront bloqués par le fisc et il n’aura plus que 3000 francs par mois pour vivre. Rendez-vous est donc pris un matin avec Michel Charasse, alors ministre du Budget.
Johnny, accompagné de son comptable, Joël Devouges, est inquiet quand il arrive à Bercy. Il sait que sa situation est extrêmement difficile. La Lorada, sa maison de Ramatuelle, est à peine terminée et il vient de perdre plusieurs millions dans des investissements périlleux à La Réunion. Il a aussi fait trois chèques en bois au fisc, pour un moment total de 9 millions. Au total, ses dettes s’élèvent à 30 millions de francs. La position de Charasse aussi est délicate. “Il n’était pas question de faire une fleur à Johnny, mais le mettre à la rue n’était pas souhaitable non plus”, se souvient-il. Les trois hommes mettent donc sur pied un plan d’apurement. Johnny paiera tout ce qu’il doit et s’il respecte l’échéancier, les pénalités lui seront épargnées.
Une obsession : comment payer moins d’impôts sans finir en taule ?
Entre Johnny et les impôts, l’histoire est compliquée, mouvementée, à la hauteur des sommes en jeu. Au début des années 2000, un conseiller fiscal calcule que la star, imposée à près de 65%, paie 120000 francs d’impôts par jour. Une question revient donc comme une obsession. Comment payer moins, sans finir en taule ?
Depuis le début de la carrière de Johnny, une dizaine de conseillers fiscaux ont étudié le dossier. Certains ont préféré assurer, travaillant en collaboration avec le fisc afin d’éviter une fâcheuse erreur au moment de remplir la déclaration de revenus. D’autres se sont montrés plus créatifs. Ainsi, en janvier 2006, on suggère à Johnny de demander la nationalité belge, dans l’idée de l’installer ensuite à Monaco. Johnny fonce. Mais la procédure s’avère longue, fastidieuse : Johnny se lasse, change de cap. Conseillé par son ami Daniel Hechter et cornaqué par Renaud Belnet, un avocat fiscaliste marseillais, il file vers la Suisse où l’attend un miraculeux forfait fiscal annuel de 607000 euros.
“C’était une grosse connerie, dit un proche de la star. Aujourd’hui, Johnny est doublement imposé, en Suisse et en France puisque le cœur de son activité est ici. Quand on fait un concert en France, on paie des impôts en France, c’est aussi simple que ça”
“Johnny estime qu’il n’a pas eu la carrière internationale qu’il méritait et, au fond, c’est bien le problème, complète un ancien avocat. S’il avait une carrière à l’étranger, il aurait eu de vraies solutions pour payer moins d’impôts… Là, il est coincé, il doit payer en France. C’est absurde de croire que ses amitiés avec Sarkozy ou d’autres le protègent. Au contraire, il est encore plus surveillé qu’un contribuable lambda.”
Les perquisitions effectuées par le fisc et la police en décembre 2010 chez Pierric Le Perdriel et Renaud Belnet nourrissent cette thèse.