A l’occasion du centenaire de la naissance du cinéaste, un documentaire tente de cerner la carrière atypique d’Orson Welles.
“J’ai commencé au sommet et après, je n’ai fait que descendre.” Lorsqu’au soir de sa vie, Orson Welles livrait dans un éclat de rire homérique ce bilan amer d’une carrière en dents de scie, tour à tour auréolée de succès puis grevée d’échecs commerciaux, de projets inachevés, parcours entravé par ses différends avec les studios d’Hollywood dont il finira par s’éloigner complètement, il entérinait en passant sa propre légende : celle d’un génie à la gloire précoce, inéluctablement condamné à la chute.
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Comme si, au fond, il n’avait cessé de faire corps avec le destin shakespearien de ces hommes puissants, ombrageux et secrets qui peuplent sa filmographie. Partir de très haut et d’autant mieux pressentir l’âpreté du bitume qui vous attend en bas.
De Citizen Kane à Falstaff
Ses films, Citizen Kane, Dossier secret (Mr. Arkadin), ne parlent que de cela. Mais ne serait-ce pas aller vite en besogne que de réduire la trajectoire serpentine du maestro à la pente déliquescente où glisse le plus célèbre de ses personnages, Charles Foster Kane, en proie à la déréliction, la chute, la solitude, l’abandon ?
D’autant que Welles lui préférait Falstaff, son dernier opus, et selon lui le meilleur de ses films, bien au-dessus de Citizen Kane qu’il jugeait imparfait, en dépit – ou peut-être à cause – de sa grammaire filmique virtuose (noir et blanc contrasté, plans décadrés hérités de l’expressionnisme allemand, montage rapide emprunté à Eisenstein, flash-backs en poupées russes, profondeur de champ, plongées/contre-plongées, plans-séquences…).
Visiblement impressionné par son sujet, dont il ne semble pas savoir sous quel angle l’aborder, le documentaire d’Elisabeth Kapnist n’échappe pas à l’écueil de l’hagiographie, effleurant le mythe, mais trop superficiellement les fêlures de l’homme, géant protéiforme, archétype du cinéaste-auteur, homme de théâtre, de radio, magicien, âme nomade éprise de voyage et de tauromachie…
Un docu plan-plan
Suivant un mélange sans surprise d’entretiens et d’archives, on survole ainsi la vie de Welles, l’enfance prodige auprès d’une mère qui l’initie au piano et à Shakespeare, ses débuts sur les planches et à la radio. La notoriété fulgurante qu’il acquiert à 23 ans, à la suite d’un canular radiophonique simulant une attaque extraterrestre (La Guerre des mondes), lui ouvre les portes d’Hollywood où, pour son premier film, on lui laisse les pleins pouvoirs, qu’on lui retire dès le second (La Splendeur des Amberson) en le privant du final cut.
Il en concevra toute sa vie une certaine amertume et un désir croissant d’indépendance, qu’il paiera cher au point de laisser une quantité phénoménale de projets dans les limbes… Anaïs Leehmann
Orson Welles, autopsie d’une légende documentaire d’Elisabeth Kapnist. Lundi 28, 22 h 35, Arte
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