Sa voix punchy booste notre réveil chaque matin à 8h30 sur France Inter. Bruno Duvic raconte l’exercice aussi spécial qu’incontournable de la revue de presse matinale.
Pour beaucoup, ces sept minutes sont aussi indispensables que le café-tartines. Bruno Duvic présente depuis six ans la revue de presse de la matinale d’Inter avec sa voix ferme, son phrasé rythmé, sa tonalité parfois légèrement corsée d’ironie. Mais comment personnaliser et renouveler un exercice radiophonique ancien, qui traite une matière elle-même vieillissante, la presse écrite ? Eléments de réponse de notre chercheur d’encre et papier : insister sur la spécificité de l’écrit (récit, analyse, profondeur…), inclure de plus en plus les sites internet, qu’ils soient pure players comme Mediapart ou prolongements électroniques des journaux papier. Et puis mettre du son.
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« Les pastilles sonores, j’aime bien, explique Bruno Duvic, c’est comme un coup de Stabilo sur une info, ça ajoute du relief. La revue de presse, c’est le même bonhomme qui cause pendant six ou sept minutes, le son permet de créer des ruptures. Il faut juste veiller à ne pas en abuser. Le son est aussi une façon de traiter l’évolution de la presse : avec les sites internet, la presse écrite devient aussi multimédia, elle produit du son et de l’image. »
Qu’est-ce qui définit une bonne revue de presse ? Les réponses sont aussi variables que subjectives. Il y a les passages obligés : citer les principales unes des journaux, les deux ou trois infos importantes du moment. Mais Duvic estime qu’il faut aller chercher ce qui ne sature pas déjà les ondes, les sujets ou angles originaux, les récits, construire sa revue elle-même comme une histoire, articulée sur une humeur, un mot-clé, « essayer d’ordonner le chaos de l’info et des multiples titres de presse, trouver un fil conducteur, une tendance ».
Au-delà de la qualité journalistique et dramaturgique d’une revue de presse, les ressorts d’attachement sont variés et plus indéfinissables. La façon dont est posée la voix est importante, mais l’habitude aussi. « Le propre de la radio, poursuit Duvic, c’est d’avoir rendez-vous tous les jours avec un ton. C’est particulièrement vrai le matin, un moment où l’auditeur est encore ‘dans ses plumes’. J’en sais quelque chose quand je remplace Patrick Cohen : ce n’est pas facile, avec une voix, une petite musique différentes qui rompent l’habitude. »
La question de la neutralité ou de l’orientation politique se pose aussi. Alors que sa consoeur d’Europe 1, Natacha Polony, élabore une revue-éditorial très marquée idéologiquement, Bruno Duvic s’efforce de rester neutre, par éthique journalistique et souci du service public. Il reçoit pourtant des réactions d’auditeurs qui se plaignent d’un ton trop droitier ou au contraire trop gauchobobo – ce qui montre que l’écoute est elle aussi très subjective.
« J’essaie surtout de ne pas dire ‘faut penser comme ci et pas comme ça’, ‘votez pour Untel ou Tartempion’. Mon regard, c’est une certaine sensibilité, difficile à définir, qui passe parfois par un peu d’ironie. Je vise la neutralité politique tout en étant conscient que l’objectivité n’existe pas. »
Un exercice prestigieux
Etre payé pour lire la presse, quel métier cool, penseront certains. Pas vraiment. Sélectionner des dizaines d’articles, les mettre en relation et en forme en un temps limité est un énorme travail. De plus, les horaires sont infernaux. Bruno Duvic se lève à 2 heures, prépare et rédige son billet de 3 à 8, dort de 11 à 14 heures, et bosse l’après-midi sur Le Monde, les hebdos, les mensuels, les mooks pour enrichir la matière des quotidiens du matin et des sites. « Ces horaires gênent un peu ma vie sociale, mais j’aime travailler au milieu de la nuit, dans un calme qui permet une concentration extrême. Ça laisse quand même du temps pour la vie privée ou pour faire d’autres choses, comme Le Supplément sur Canal+ auquel je collabore depuis deux ans. » Un tel sacerdoce est évidemment bien rétribué, ne serait-ce que symboliquement : « C’est un exercice prestigieux, passionnant, un rendez-vous radiophonique structurant, et puis avoir un espace à soi avec une liberté d’écriture totale, ça ne se refuse pas. De plus, à Inter, la lignée est belle après Ivan Levaï, Dominique Souchier, Pascale Clark… »
Bruno Duvic aime la revue de presse mais se voit bien évoluer à moyen terme. Alors qu’il remplace occasionnellement Patrick Cohen ( » un esprit laser », dit-il), lui succéder un jour fait partie des hypothèses qu’il caresse. Mais manettes du 7-9 ou pas, Bruno Duvic voit de toute façon son avenir à la radio : « J’aime ce média parce qu’on parle à beaucoup de gens ; mais c’est aussi très intime, on entre chez eux. J’adore le direct, l’immédiateté, et en même temps, singulièrement sur Inter, on a le temps de dire les choses plus en profondeur. » Quoi d’autre dans la revue de presse, Bruno Duvic ? Rien pour le moment. Merci et à demain matin.
revue de presse de Bruno Duvic du lundi au vendredi, 8 h 30, dans Le 7-9, France Inter
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