Le 24 février dernier un groupe de YouTubeurs diffusait une vidéo pour dénoncer le projet de loi El Khomri. Leur mot d’ordre, #OnVautMieuxQueÇa, est devenu l’un des étendards du vaste mouvement social qui s’est levé depuis. D’anciens membres du collectif publient aujourd’hui un manifeste.
C’est l’une des étincelles qui a mis le feu aux poudres. Le 24 février, un groupe d’une dizaine de YouTubeurs diffusait une vidéo coup de poing contre le projet de loi Travail, appelant les internautes à raconter sous le hashtag #OnVautMieuxQueÇa leurs expériences quotidiennes de galère, de précarité et d’humiliation au travail, ou dans leur recherche d’emploi. Elle a depuis été vue près de 300 000 fois sur YouTube, et 1,5 million de fois sur Facebook. Des centaines de témoignages ont depuis afflué sur les réseaux sociaux et sur la plateforme mise en place pour les relayer: sexisme, impayés, surcharges de travail et autres situations plus kafkaïennes les unes que les autres sont ainsi remontées à la surface.
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Du clic au pavé
Un vent de révolte numérique qui a, en partie, engendré le 9 mars, une manifestation massive (Olivier Besancenot y voyait déjà s’esquisser « notre mouvement des Indignés »), à laquelle s’est ajoutée l’occupation de la place de la République à partir du 31 mars, dont on ne savait pas si elle allait durer une heure ou un mois. Depuis, la Nuit debout continue à cogiter sur plusieurs places de France, sur les conditions d’une souveraineté populaire réelle, ébauchant ainsi une convergence des luttes inédite. A Paris, on y croise souvent Ludo, de la chaîne YouTube Osons causer, ancien membre du collectif #OnVautMieuxQueÇa. Du clic au pavé, le pas est donc vite franchi.
Ce 27 avril, un collectif composé de « vidéastes, internautes et citoyens » – dont les membres de chaînes YouTube Osons Causer, Le Fil d’Actu, Le Stagirite et Fokus – publie un manifeste sous le titre éponyme #OnVautMieuxQueÇa aux éditions Flammarion. Un texte court et percutant d’une quarantaine de pages aux voix multiples, réunies par le même sentiment que « la politique ne se réduit pas au jeu des partis avec leurs batailles de chefs, ni à mettre un bulletin dans l’urne ». Pour ce groupe informel, la loi El Khomri a servi de détonateur. A l’instar de Frédéric Lordon lors de son discours place de la République le 31 mars, ils remercient donc cette réforme de flexibilisation du code du travail, qui leur a redonné « le sens du commun et de l’affirmation ».
« Prenons conscience qu’on n’a pas besoin d’eux »
Le prologue est explicite :
« Jusqu’ici on a été sympa, on n’a rien dit. Et, avec le temps, ils ont fini par croire qu’on n’existait plus. Mais ce livre est une adresse, un cri du cœur. Il invite à briser les chaînes du silence et de l’impuissance, des humiliations et de la culpabilité au quotidien. Prenons conscience qu’on n’a pas besoin d’eux. Nous sommes restés silencieux bien trop longtemps. Nous allons leur montrer nos vies et nos rêves. Nous allons leur montrer que nous avons le droit d’être dignes et fiers. Nous allons leur montrer qu’ensemble, on veut mieux que ça. »
Corroborant des anecdotes quotidiennes et personnelles sur le monde du travail, la pression à la rentabilité et la perte de sens, les différents chapitres martèlent un message: cette génération ne veut plus être objet, mais sujet de la politique. Elle ne souhaite plus être réduite à une statistique brandie dans un haussement de sourcils par des « experts » à la télévision, ni être grimée en « coût du travail » trop élevé pour que la France soit compétitive. « Ce n’est pas nous qu’ils voient, mais une équation qu’ils équilibrent », écrit le collectif.
Un joli mois de mai à l’horizon ?
Au-delà du message politique, ce petit pamphlet matérialise aussi l’histoire d’une convergence. Celle de vidéastes engagés qui ont pris le parti de s’unir pour être mieux entendus et montrer qu’il n’y a pas de fatalité à encaisser les coups sans jamais se rebiffer. « Nous commençons à comprendre, écrivent-ils : nous ne sommes pas seuls, nous sommes le monde qui tourne, nous sommes déjà ensemble. En en prenant conscience, en nous reconnaissant dans l’autre, nous devenons plus qu’une somme d’individus esseulés. Nous devenons une force créatrice ». Cette force s’active sur de multiples places en France, toujours dans l’incertitude du lendemain, mais avec une conviction : « Ceux qui voudraient que les désirs égoïstes fassent tourner le monde ont déjà échoué ».
On Vaut Mieux que ça, ouvrage collectif, éd. Flammarion, 3 €
Mise à jour : Le collectif #OnVautMieuxQueÇa nous a fait savoir qu’il n’était pas associé à ce livre, dont il découvre l’existence ce 26 avril. Ce sont d’anciens membres du collectif qui en sont à l’origine. Ils n’en font plus partie car « ils avaient une vision plus politisée, qui donnait l’impression de s’élever au-dessus des gens », nous ont fait savoir les membres du collectif.
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