Après le “volontourisme”, le “honeyteering” inquiète les ONG humanitaires. Mélange de honeymoon (lune de miel) et volunteering, cette nouvelle tendance voit des couples fraîchement mariés utiliser leur premier voyage matrimonial pour faire du volontariat. Ou se donner l’impression d’en faire. La fausse bonne idée Des sites comme Projects Abroad proposent depuis plusieurs années d’allier tourisme […]
Après le “volontourisme”, le “honeyteering” inquiète les ONG humanitaires. Mélange de honeymoon (lune de miel) et volunteering, cette nouvelle tendance voit des couples fraîchement mariés utiliser leur premier voyage matrimonial pour faire du volontariat. Ou se donner l’impression d’en faire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La fausse bonne idée
Des sites comme Projects Abroad proposent depuis plusieurs années d’allier tourisme et volontariat. Le principe: partir en couple, entre amis ou en solitaire pour découvrir un pays et apporter son aide aux populations locales. Un processus qui fait plus de mal que de bien selon les médecins et responsables d’ONG qui tirent la sonnette d’alarme.
Libération a interviewé sur le sujet Sébastien Marot, directeur de Friends International, lancé au Cambodge en 1994. “Quand on est sérieux, il faut regarder quel est notre impact réel, prendre du recul”, assène-t-il, particulièrement choqué du le sort réservés aux enfants par ces initiatives humanitaires temporaires. “L’enfant est devenu une attraction touristique. Imaginez un turn-over permanent de Japonais, un flux d’adultes inconnus qui viendraient dans nos écoles pour apprendre des chants aux petits Français, enseigner leur langue, leur offrir du riz et les photographier avant de repartir.”
« C’est raciste, colonialiste »
Au Cambodge, depuis la fin de la guerre dans les années 70, le nombre d’enfants intégrés dans des orphelinats est passé de 7 000 à 47 000. Selon l’Unicef, 74% d’entre eux ont pourtant des parents. “Les volontaires étrangers veulent tous ouvrir des orphelinats. Seulement, il faut les remplir ! Alors, croyant bien faire, ils retirent les enfants aux familles cambodgiennes pauvres, expliquant que c’est mieux, qu’ils ne savent pas s’en occuper, explique Sébastien Marot. C’est raciste, colonialiste. Et si on retirait aux Français leurs enfants au seul motif qu’ils sont trop pauvres ?”
Faire du business de la bonne volonté
Projects Abroad propose d’aider les migrants arrivés en Italie, les enfants des crèches sud-africaines ou encore les jeunes handicapés boliviens. Tout ça dans la joie et la bonne humeur, et pour seulement 2 000€ les 15 jours.
Créée en 1992 en Angleterre, l’entreprise se revendique aujourd’hui d’être l’une des plus grandes organisations de volontariat au monde, et décrit son objectif comme étant “de donner à un maximum de personnes l’occasion de passer un certain temps en immersion dans un pays en voie de développement ou émergeant”. On va donc faire du volontariat pour soi, pour se sensibiliser aux conditions de vie des populations dans le besoin, pour choisir sa carrière professionnelle (selon Libé, de nombreux futurs étudiants en médecine vont se tester dans ce genre de voyage), ou juste pour se sentir utile, ce qui n’est pas forcément le cas.
Les deux tiers des volontaires ont moins de trente ans, le minimum est de 16 ans pour partir faire un stage qui va des soins infirmiers aux cours de langues, sans aucune qualification. Au-delà des capacités limitées de ces jeunes volontaires, “le marché du travail souffre, avec toute cette main-d’œuvre qui paye pour venir travailler”, selon Pierre Hanscutter, président de Service volontaire international, interviewé par Libé. Par ailleurs, pour les volontaires eux-mêmes, le voyage tourne souvent au cauchemar, lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ne pourront pas changer le monde. Ce sera quand même l’occasion de repartir avec une belle photo de profil Tinder.
{"type":"Banniere-Basse"}