316 tatoueurs, des litres d’encre, des kilomètres de film plastique: du 7 au 9 mars, la Grande Halle de la Villette accueillait la deuxième édition du Mondial du tatouage. Reportage. Quand on entre dans la grande halle de la Villette, on est frappé par le son: 300 machines qui gravent en chœur les œuvres des 300 […]
316 tatoueurs, des litres d’encre, des kilomètres de film plastique: du 7 au 9 mars, la Grande Halle de la Villette accueillait la deuxième édition du Mondial du tatouage. Reportage.
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Quand on entre dans la grande halle de la Villette, on est frappé par le son: 300 machines qui gravent en chœur les œuvres des 300 meilleurs tatoueurs du monde. Les mâchoires sont crispées et le heavy metal en fond sonore masque les gémissements des plus douillets. A chaque stand, un valeureux tatoué subit patiemment la gravure des aiguilles sur sa peau.
Le meilleur des quatre coins du monde
Parmi les 25 000 visiteurs, certains sont venus de loin pour avoir la chance de se faire piquer par l’un des plus grands du métier. Et ce week end, les places se faisaient rares. La plupart des tatoueurs étaient complets un an à l’avance.
David, trente ans et déjà 5 tattoos a fait le voyage depuis l’Italie pour rencontrer son tatoueur préféré, le Danois Henning Jorgensen : « J’avais été le voir au Danemark pour réfléchir à mon projet de tatouage, il m’a dit qu’il allait venir ici, donc je me suis dit, Paris c’est joli, donc pourquoi ne pas venir pour un week end ? » raconte-t-il. Sous le cellophane, sa peau est encore rougie par l’œuvre de Jorgensen : des motifs végétaux, au style oriental.
En tout, trente nationalités sont représentées. Certaines avec des techniques très particulières, comme le tatok, une méthode de tatouage artisanal de Borneo : à même le sol, le tatoueur inscrit ses motifs en tapotant un bâton au bout duquel une aiguille est fixée, alors qu’un autre tatoueur veille à ce que la peau soit toujours bien tendue. Un peu plus loin, un artiste japonais remplit les motifs d’une grande pièce dorsale avec la méthode du tebori : à l’aide d’une aiguille plate de la largeur d’un doigt, il semble gratter horizontalement la peau, sur laquelle le sang se mélange à l’encre rouge.
Quelques stands plus loin, Thierry Manao, qui a grandi en Polynésie, tatoue une grande pièce sur le dos d’un jeune homme qui serre les dents. Chaque motif représente un aspect de la vie de la personne, ce qui en fait des pièces toujours uniques.
Needles, blood and Rock’n’Roll
Mais s’il fallait retenir une grande influence de ce mondial, c’est sans aucun doute le rock que l’on choisirait.
Jean, retraité de 66 ans, est venu au Mondial grâce à Miami Ink, une émission consacrée au tatouage de la chaîne 23. Il est venu au tattoo par les Rolling Stones. Sur son bras droit trône la fameuse langue rouge : « Ma femme et moi on s’est connus à un concert des Stones, c’est pour ça qu’on s’est tout les deux fait tatouer ça. »
Greg Briko, 39 ans, 17 ans de tatouage derrière lui, a commencé le tatouage très jeune. « Mon premier tatouage je l’ai fait à l’école, au compas, c’était un petit « mort aux vaches, » mais ça compte pas. Pourquoi j’ai fait ça ? Je sais pas, j’étais punk à l’époque. Je le suis toujours, dans l’état d’esprit. Le tatouage fait partie du mode de vie. A la base c’est une façon de se rebeller, puis ça devient une passion. » C’est la deuxième fois qu’il participe au Mondial, qu’il voit comme l’occasion de pouvoir retrouver ses homologues qui sont devenus ses potes, au fil des conventions.
A l’opposé des motifs Old School aux couleurs vives de Greg Briko, le style de Guy, du salon Metal o Kult, est beaucoup plus sombre : têtes de mort, flammes, images religieuses. Pour lui, le Mondial du Tatouage est un événement professionnel, avant d’être un truc de passionnés. « Pour nous, être ici, c’est avant tout de la publicité. C’est vraiment une façon de s’ouvrir vers les gens. Puis il y a le côté rencontre avec les professionnels qui est important, on est confrontés au travail des autres tatoueurs, à leur avis, c’est un peu un coup de pied au cul. » Venu de Bienne, en Suisse, il est accompagné de Katharina, sa shop manager.
Katharina, elle, a un avis plus mitigé sur ce genre d’événements: « Il faut que ça se calme, toute cette hype autour du tatouage, parce que les gens ont l’impression que c’est pour tout le monde. Mais il faut le mériter son tatouage. Il faut accepter la douleur, y mettre le prix. Ca reste un luxe. Parfois, j’ai l’impression que les gens se font tatouer dans l’urgence. »
Une convention de tattoo addicts
Daxo, tatoueur de la banlieue parisienne qui est venu « baver d’envie », avec son épouse, tatoueuse elle aussi, sur les différents stands. Pour lui, cet effet de mode n’est pas forcément quelque chose de négatif : « Il n’y a plus autant de clans qu’avant dans le tatouage, ça s’ouvre de plus en plus et c’est ça qui est chouette. Il n’y a plus de vieux stéréotype du tatoué, maintenant l’avocat comme le petit étudiant peuvent avoir des pièces énormes. » La mode du tatouage permet à certains de mettre un premier pied dans cet univers et à aller parfois beaucoup plus loin.
Car le tatouage, ce n’est pas une expérience qu’on tente une fois pour ne plus y revenir. Pour beaucoup, c’est une drogue : « quand je me fais un nouveau tatouage, parfois je ne regarde pas le dessin mais le trou qu’il y a à côté », sourit Greg Briko. Dans les allées du Mondial, nombreux sont les passionnés qui portent leurs œuvres jusqu’au visage. On croise des hommes et des femmes au corps couvert de motifs, qu’ils arborent fièrement, en petite tenue.
A la source du tatouage, il y a aussi un sentiment très personnel, presque irrationnel. « Mes tatouages sont mes phrases et ma peau est mon cahier », philosophe Dorine, une perceuse de 21 ans, venue avec son frère et sa soeur se faire tatouer. Robert Atkinson, venu tout droit de Los Angeles pour participer au mondial, a été happé par cet univers : « je n’ai pas choisi le tatouage, c’est lui qui m’a choisi ». Alex Sasha, un grand tatoueur aux habits de viking, voit dans le tattoo un cheminement presque inconscient : « Le tatouage c’est rendre visible, ce qui ne l’est pas. On le fait sortir de soi, mais il est déjà là, sous la peau. »
Caroline Debray
Photos: Clément Appéré
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