L’Institut du Monde Arabe ouvrait hier ses portes au monde de la nuit : le projet Arabic Sound System promettait du rêve avec un programme pas comme les autres, entre musique électronique et culture orientale. Petite virée nocturne au musée, avec à la clé un set brûlant d’Acid Arab. Acid Arab : tout est dans […]
L’Institut du Monde Arabe ouvrait hier ses portes au monde de la nuit : le projet Arabic Sound System promettait du rêve avec un programme pas comme les autres, entre musique électronique et culture orientale. Petite virée nocturne au musée, avec à la clé un set brûlant d’Acid Arab.
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Acid Arab : tout est dans le nom (ou presque), dans cette façon de marier l’acid house et la musique orientale, les pratiques électroniques et celles instrumentales. Il y a presque une évidence entre les deux genres – qui pourtant pourraient sembler à deux extrémités non reliées du spectre musical -, c’est celle des circonvolutions sonores, des entortillements suraigus donnant le vertige, qui rendent fou, s’enroulent et montent au ciel comme des cheveux frisés sur le dancefloor. Duo composé de Guido Minisky et Hervé Carvalho, Acid Arab a le vent en poupe.
Depuis quelques mois, on les a vu un peu partout sur les affiches (notamment sur celle des Trans Musicales de Rennes), en club (ils ont leurs ronds de serviette Chez Moune), en premières parties de concerts (récemment : Omar Souleyman à la Machine du Moulin Rouge), alors même qu’ils viennent seulement de sortir leur premier album, qui s’appelle Collections et rassemble leurs premiers enregistrements, déjà bien rodés face au public. A Paris, c’est aussi le bouche-à-oreille qui est en train de faire d’eux un phénomène en puissance, finissant d’asseoir un projet aussi bien pensé que lancé.
Hier soir, c’est au dernier étage de l’Institut du Monde Arabe qu’ils mettaient le feu. Projet ambitieux, la soirée Arabic Sound System promettait de faire la teuf au musée, et de tordre le cou aux clichés, aux évidences, aux barrières entre les différentes pratiques culturelles. En arrivant, c’est l’émerveillement : il y a trois scènes à trois étages différents, chacun proposant une ambiance et des surprises particulières. Au deuxième sous-sol, il y a notamment La Mamie’s, collectif de DJ talentueux et prometteurs, qu’on a connu sous des ambiances bien moins luxueuses, quoique pas beaucoup moins folles. Au 4ème étage, c’est La Bulle, soit un projet d’architecture sonore et visuelle, plongé en plein cœur de l’Institut, espace à ciel ouvert ; les individus y accèdent au compte goute, ouvrent de grands yeux ronds (c’est beau), dansent un peu (avec Nazal, SKNDR, Renart…), puis repartent assez vite (tout de même, il fait froid). Entre les étages, dans les escaliers et les quelques ascenseurs en service, on se perd complètement. Et comme il est tard et qu’on est à l’Institut du Monde Arabe, on se laisse aller à cette déambulation insouciante, on joue à être là, à mimer la normalité d’une soirée où tout est mieux que d’habitude. Les filles et les garçons se suivent, se courent après ; certains mentent délibérément en indiquant le chemin ; d’autres sont assis dans un coin et, malins, commentent tout ce qu’ils voient. Globalement, tout le monde s’amuse.
La folie attend au dernier étage. Le lieu est beaucoup trop beau pour faire la fête, la vue sur Paris beaucoup trop impressionnante. Et puis en fait : non. On s’habitue très vite, on profite à fond de ce décor exceptionnel, de cette soirée irréelle surplombant la Seine et la nuit parisienne. Trop longtemps, la fête a eu des comptes à rendre aux clubs, à leurs politiques des publics, et aux idées reçues sur ce que danser veut dire – et dans ce cas de figure, pas grand chose. Des formats rigides, passéistes, dont a souffert la culture électronique française, et qui heureusement se réinventent depuis quelques années. Du plus cool des squats crasseux au plus beau des musées, du hangar de banlieue au plus central des petits spots, on trouve actuellement, à Paris, de quoi repenser largement la teuf, et croire qu’enfin l’émergence de cette sous-culture puisse la faire parler en son nom, s’épanouir, s’inviter au débat culturel et mettre fin à des décennies de rejet politique.
La nuit dernière, on a presque oublié toutes ces questions. Le public était beaucoup trop chaud. On a vu des yeux clos et des bras en l’air. Chacun secouait son corps comme si la vie et la mort en dépendaient. Acid Arab : rares sont les artistes si forts pour provoquer la transe, pour faire couler la sueur, pour rendre fou en persuadant que le bonheur est là, dans la perte de contrôle, le relâchement total, le pur instinct de la danse. C’est cette magie que maitrise le duo : faire entrer l’orient non seulement sur le dancefloor mais aussi dans les têtes, avec toute la charge symbolique et culturelle que ceci implique, la musique permettant souvent, et comme rien d’autres – pas même les mots -, de faire flotter le vrai et de se placer à l’avant-garde des idées. Celle à l’origine du projet Arabic Sound System restera un précieux succès : comme toutes les meilleures choses, on a hâte de recommencer.
Maxime de Abreu
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