Arnaud Montebourg est de retour. Sans se présenter officiellement pour 2017, l’ancien ministre de l’Économie a lancé lundi depuis le mont Beuvray, un “appel” pour “bâtir” un “grand projet alternatif pour la France”. Crédible ?
Au loin, malgré la brume, on peut apercevoir les cimes enneigées du Mont-Blanc. Mais Arnaud Montebourg a décidé de ne pas grimper si haut. Du moins pour l’instant. Pour annoncer devant un parterre d’irréductibles fidèles sont souhait d’un “projet alternatif” pour 2017, l’ex-ministre de l’Economie a choisi les 821 m du mont Beuvray, dans le parc du Morvan, qu’il arpente chaque lundi de Pentecôte depuis 2004.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Je lance un appel aux économistes et aux syndicalistes, aux innovateurs, aux chercheurs et aux créateurs, aux scientifiques et aux artistes, aux citoyens engagés et tout simplement aux Français qui souhaitent peser sur le destin de notre nation et de notre continent : je vous propose de bâtir dans les mois qui viennent un grand projet alternatif pour la France », a-t-il expliqué dans un discours de politique très générale d’une demi-heure.
C’est en “citoyen libre mais engagé” qu’Arnaud Montebourg s’est présenté, lundi 16 mai, avec sa compagne, l’ex-ministre de la Culture Aurélie Filippetti, face à 200 militants et – surtout – 50 journalistes venus de Paris. Depuis son éviction du gouvernement au lendemain de la Fête de la Rose de Frangy en 2014, l’ancien trublion du gouvernement (qui se qualifie désormais de « petit entrepreneur ») fuyait les médias. Mais à moins d’un an de la présidentielle, le régional de l’étape a décidé d’appuyer sur l’accélérateur, et ne se refuse donc pas le plaisir de louvoyer devant les caméras. C’est devant celles de France 2 qu’il avait annoncé, le 8 mai, “être prêt à prendre ses responsabilités”. Cet après-midi, Arnaud Montebourg, jean et chaussures de marche aux pieds, a posé la deuxième pierre de l’édifice qu’il souhaite bâtir pour la présidentielle.
Le système politique est devenu « une grande machine à trahir »
Principale cible: François Hollande – sans toutefois jamais le nommer : “ceux qui étaient censés rendre [les valeurs de gauche] encore plus fortes, (…) les ont abandonnées, les ont mêmes parfois piétinées. » L’ancien député, président du conseil général puis ministre a fustigé un système politique devenu, selon lui « une grande machine à trahir” . Puis, dans une assez foutraque anaphore en 12 points, il a rappelé ce que signifiait “être de gauche”, invoquant pêle-mêle Colbert, Joseph Schumpeter, Florence Aubenas, le pape François ou Jean-Pierre Chevènement. Arnaud Montebourg a conclu en appelant à l’alternance face à “la pensée unique qui a fusionné la droite et la gauche”. Pas d’annonce toutefois d’une éventuelle candidature, ni sur les modalités de la future plateforme participative sur internet ou chacun pourra venir y déposer une idée. On saura juste que son lancement est « imminent ».
Si l’ascension du mont Beuvray – où jadis Vercingétorix a unifié les tribus gauloises – ne présente pas de difficulté apparente – 200 mètres de dénivelé –, convaincre les militants de rallier à la cause du chantre du made in France est une tout autre paire de manches.
Jean, soixante-dix printemps, vit à 500 mètres. Cet ancien parachutiste qui a servi en Indochine fait régulièrement la montée. S’il est là aujourd’hui, c’est pour soutenir « Nono », qu’il connaît bien:
“Sa famille venait chercher le lait chez une cousine. C’est un peu grâce à nous s’il est gaillard comme ça aujourd’hui.” Son adhésion à l’enfant du pays demeure pourtant cahin-caha : “Qu’il se présente à la présidentielle ? C’est possible oui, dit-il en souriant. Après, il est passé au gouvernement, Arnaud et… On ne sait pas bien ce qu’il a fait à cette époque”.
Même constat pour Corinne, 42 ans, au PS depuis vingt-cinq ans. Armée de bâtons de marche, elle attend de voir pour juger:
“C’est toujours facile de dire qu’on a changé. Mais on voit ce qu’Hollande et Valls sont en train de nous préparer. La loi travail ne faisait pas partie du programme pour lequel j’ai voté en 2012, colère cette femme aux longs cheveux noirs. Alors aujourd’hui, je reste méfiante, même si je reconnais beaucoup de qualités à Arnaud, comme son charisme.”
“On ne gagne jamais contre le peuple”
Si Arnaud Montebourg peine encore à faire l’unanimité, François Hollande et Manuel Valls font consensus, mais contre eux. Bras dessus, bras dessous lors de la montée – où aucune question n’était permise – les députés Philippe Baumel et Christian Paul s’en sont ensuite donné à cœur joie lors de leurs discours.
C’est le premier député de la Saône-et-Loire qui ouvre les hostilités. L’adoption de la loi travail grâce au 49.3 a quelque chose de “consternant et méprisant, tance-t-il à la tribune. On ne gagne jamais contre le peuple”. Le député de la Nièvre Christian Paul n’a lui pas ménagé ses critiques envers Manuel Valls : “Il ne faut jamais renoncer à un outil constitutionnel, même à contre-cœur”, a-t-il déclaré, paraphrasant le Premier ministre qui justifiait l’usage du 49.3.
Mercredi dernier, la motion de censure déposée par la gauche a échoué à deux voix – 56 voix alors qu’il en fallait 58. Si Patrice Prat et Laurent Baumel, présents aujourd’hui, ont bien voté cette motion, Philippe Baumel s’est abstenu « pour laisser une chance au président de la République de se rétracter. » Mardi matin pourtant, François Hollande a répété qu’il « ne cédera pas » sur la loi travail.
La primaire obligatoire pour le camp Montebourg
Cette terre du Morvan, fief que chérissait tant François Mitterrand, apparaît aujourd’hui plus rebelle que socialiste. Les militants d’une section PS de Saône-et-Loire ont même décidé de rompre leurs relations avec Solférino en ne payant plus aucune cotisation. Le sujet est au cœur des discussions lors de la montée, peut-être plus que l’échéance présidentielle de 2017. L’urgence locale de la situation conjuguée à l’absence d’annonce d’Arnaud Montebourg – les « frondeurs » ont poussé pour une candidature qui n’est pas venue – ont rendu cette journée plutôt terne malgré le soleil. Tout juste a-t-on eu la confirmation, de la part du camp Montebourg, que le seul moyen de se confronter à Hollande était de le retrouver lors d’une primaire ouverte à l’ensemble de la gauche. Les « frondeurs » (les « fidèles » pour Christian Paul, leur chef de file) maintiendront-ils leur soutien à Montebourg sans primaire ? Pas de réponse cet après-midi au mont Beuvray.
Le chemin paraît encore bien long pour Arnaud Montebourg. D’autant que cet homme de symboles ne semble pas avoir encore bien appris sa nouvelle partition du candidat de la société civile (un concept repris aussi bien à droite par Bruno Le Maire et François Fillon à droite). A la fin de ses discours, vers 14 h, Arnaud Montebourg a rapidement quitté le sommet du mont pour s’engouffrer dans une Clio. Les militants eux, sont redescendus à pied.
{"type":"Banniere-Basse"}