Pour le think tank Futur 404, la technologie, la mode et la conscience planétaire ne font qu’un. Rencontre avec sa fondatrice, Noémie Balmat.
Noémie Balmat, 30 ans, est la tête pensante de Futur 404, une structure qui conseille et accompagne des marques de mode dans une démarche vertueuse et inclusive. C’est aussi un média en ligne reflétant un courant liant pensée utopiste quasi New Age et progrès technologique, afin d’introduire un rapport plus respectueux à la Terre et à autrui.
Pourquoi et comment vous êtes-vous lancée dans la technologie ?
Je travaillais dans la publicité et j’étais très frustrée par les contraintes professionnelles. De fil en aiguille, j’ai développé un blog sur la technologie, et surtout sur le futur et le progrès dans la mode, où je voulais parler de développement durable et des jeunes designers.
Futur 404, c’est une agence ?
Je dirais que c’est plutôt un think tank, avec une forme qui pourra évoluer. Ses réflexions se matérialisent autour de trois activités : les médias (newsroom) ; l’intelligence (le consulting, qui nous rémunère) ; l’évangélisation (conférences et training pour les entreprises). Ces sujets doivent passer par une forme d’éducation pour que les acteurs de la mode comprennent bien ce qu’est l’innovation, et ce que l’on doit faire avec les outils technologiques. Pourtant, le mot “tech” est limité et peut dire tout et n’importe quoi. Aujourd’hui, tout est digitalisé, même l’humain – connecté, cartographié par ses recherches –, alors que, pour moi, c’est surtout un outil pour observer et entraîner des changements vertueux dans l’industrie de la mode.
Vous venez de sortir un ouvrage, .Futur : _Reliques, disponible sur papier – il ressemble d’ailleurs à un livre d’art – et avec un mode réalité augmentée. Pourquoi avoir conservé le format papier ?
Beaucoup de gens disent que la presse papier est morte, mais je ne le pense pas. Ce support laisse une trace et donne du temps aux gens pour penser, et on en a besoin. Comme de renouveler ce qu’on nomme “magazine mode”. D’un côté, ce livre est hybride. De l’autre, son contenu met en avant des problématiques sociales, intimes et environnementales.
Quel lien avec la situation climatique actuelle ?
Le problème avec le climat, c’est qu’on a paniqué les gens sans donner de solutions. Il faut les inciter au changement. Je pense qu’on peut être optimiste. Les jeunes changent les choses. Ma génération est déjà dépassée, mais justement c’est son rôle d’aider à faire le lien entre les générations et les causes. Aujourd’hui on est dans l’illusion que tout va bien, donc les gens sont en compétition ; quand ça n’ira plus, on se soutiendra.
C’est assez philosophique, finalement ?
Oui, je pense que les écrits d’Edgar Morin ou de Bruno Latour illustrent bien l’idée d’un monde où tout est imbriqué, intra et inter-connecté, et que parfois, même en pensant bien faire, on oublie les répercussions de la moindre action. On ne contrôle pas tout. Il faut accepter le rythme et le cycle de la nature, et s’y adapter, et non l’inverse. Un certain lâcher-prise est capital. On a perdu les considérations de long terme. On peut aussi évoquer l’écoféminisme : on traite la Terre comme on traite les animaux et les corps des femmes, uniquement en matière d’exploitation et de capitalisation de toute fertilité.
Des opportunités de changement existent-elles ?
Le monde est fait de fausses croyances et de mythes, et c’est d’ailleurs cette capacité à se projeter dans un espace fictif qui nous rend humain. Il faut de toute urgence réécrire des fantasmes, des histoires, des récits solidaires et égalitaires, qui viendraient contrer l’hégémonie dominante, capitaliste et écrasante. En mode, ça s’appelle le storytelling, mais je vois là une possibilité bien plus vaste d’un rêver-ensemble pour un futur vertueux.
Propos recueillis par Pauline Malier