Temporairement sorti de Grigny le temps d’un café dans le 18e, Plaisir Bahamboula, aka OhPlai, a pour nous pris le temps de lever le voile sur son histoire et ses projets.
« Hé j’ai checké ! Les Inrocks, vous avez déjà interviewé Booba ! » Pluie d’étoiles dans les yeux de celui qui vient tout juste de prendre place à la table d’une brasserie parisienne, bien loin des circonvolutions architecturales de La Grande Borne, sa cité de Grigny.
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Parcours météorique
A 26 ans, le mystérieux OhPlai peut se vanter d’avoir déjà (presque) tout fait. Car si beaucoup le connaissent aujourd’hui via ses tribulations Snapchat, c’est pourtant sous son vrai nom que Plaisir Bahamboula se fait connaître grâce au football. “J’ai toujours été passionné par le foot, j’ai appris à jouer dans la rue » lance celui que l’on qualifiait il y a encore quelques années d’espoir du foot français. A 14 ans, il entre en centre de formation. De 16 à 18 ans, il s’entraîne à Sochaux, puis au centre de formation de l’équipe de France.
“A Grigny, c’est le foot qui m’a permis de ne pas sombrer dans la violence, explique OhPlai, qui se rappelle des caïds de La Grande Borne qui le tenaient à l’écart dès que les choses se corsaient, pour ne pas me voir ‘gâcher mon avenir’ puisqu’avec le foot, j’en avais un« . Pourtant, après avoir signé à l’international, le milieu de terrain en restera là.
“J’ai tout stoppé pour un problème très personnel dont je ne veux pas encore parler. Maintenant, je suis le foot à travers l’évolution de mes deux petits frères jumeaux, Dolan et Dylan, qui jouent à Dijon et Monaco.”
Mais alors, comment passe-t-on de footballeur professionnel à star des réseaux sociaux ? Parmi ses onze frères et sœurs, OhPlai avoue s’être complu dans le rôle de l’éternel farceur et comme souvent, tout a été une question de timing pour le garçon, qui a « toujours été le meilleur pour raconter des histoires et changer l’ordinaire en extraordinaire« . C’est à l’été 2015, alors que Snapchat n’en est encore qu’à ses balbutiements français, l’entourage du garçon le pousse à partager son phrasé chantant et son goût du rocambolesque sur le réseau social.
Des bays et de la bonne humeur
Il suffira de quelques mois de bouche-à-oreille pour enflammer le compte du jeune homme, qui ne s’y attendait pas. « A part mes potes et ma famille, j’avais du mal à savoir qui ça pouvait intéresser. Mes histoires, c’est 100 % moi, je ne change rien. » En quelques semaines, ses stories atteignent les dizaines de milliers de vues. L’occasion pour lui de démocratiser son mode de vie, mais aussi celui de sa ville, qui lui a tout appris.
“On me demande souvent comment j’ai inventé certaines de mes expressions, comme les ‘bays’ ou ‘chacal’ alors que c’est du pur Grigny. Là par exemple, on fait ‘un bay d’interview’.”
A le voir faire, difficile de ne pas comprendre l’engouement qu’il suscite. Sous ses airs cool, OhPlai manie le verbe, le suspense et la rythmique essentiels aux meilleurs conteurs, parsemant ses phrases d’expressions typiques du 91, jusqu’en janvier 2015, où quelques heures passées en garde à vue propulsent le jeune homme au rang de star du web. « Comme je dis souvent, ‘j’ai pas le permis mais je me permets’… A la sortie de ma GAV, j’ai tout raconté sur Snap. En 24 heures, mon compte a explosé » se rappelle OhPlai, qui flirte désormais avec les 150 000 vues pour chacun de ses posts réalisés grâce à l’application d’Evan Spiegel.
Autant d’amateurs de sa bonne humeur contagieuse : “Je cultive la joie de vivre, qu’importe la situation. En même temps, quoi de plus évident quand on s’appelle Plaisir ?”
Agrégateur de talents
Aujourd’hui, cette notoriété nouvelle a donné à OhPlai les moyens de ses ambitions, et l’Essonnien s’est découvert slasheur, cumulant à la fois Snapchat et le reste de ses réseaux sociaux, la création d’une radio, le lancement de sa ligne de vêtements, des clips musicaux et même un projet de web-série.
“Avec KBV Radio [pour ‘Kel Bay Vous’, son expression phare], j’ai envie de donner la parole à ceux que l’on ne voit jamais. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, il faut déjà être une star pour apparaître dans les médias. Avec KVB, j’ai envie de changer la donne.” L’idée ? Combiner ses talents vidéo et ses connexions en banlieue pour mettre en lumière les talents qui y sommeillent. Et ses aspirations n’ont échappé à personne… Après La Femme, Charlotte le Bon ou Kaaris, OhPlai était il y a quelques jours l’invité de Clique, la revue culturelle de Mouloud Achour.
Pour Samir, 21 ans, il est le visage d’une nouvelle génération métissée, qui plaît aux cités mais aussi à ceux qui ne la connaissent pas : “Ce que j’aime chez lui, c’est son rôle de porte-parole : il met en avant des expressions qui, en banlieue, nous font tous rire depuis des années, mais qui étaient restées invisibles » même s’il avoue qu’il a parfois le sentiment que malgré un univers positif, certains l’envisagent comme quelqu’un qui « entretient le fantasme actuel sur la cité, entre le poulet braisé des mamans et les gardav’ ».
Rien d’alarmant pour OhPlai, qui ne s’envisage pas comme une personnalité à visée politique et souhaite surtout rester authentique. « Mais je suis amené à évoluer, à travailler sur des formats plus ‘pro’, aussi. Évidemment, je grandis… j’ai même eu le permis ! » place un OhPlai hilare. Le bon moment pour nous de lui demander l’origine de ce surnom qui ne le quitte plus. « C’est vraiment tout bête : on m’a toujours surnommé ‘Plai’. Quand on m’appelait depuis la fenêtre des HLM, tout le monde criait ‘Oh Plai’ ! »
Il est midi. OhPlai se lève. 1,90 mètre au compteur. On se rappelle soudain de sa carrière éclair de footballeur. En espérant que côté humour, le petit gars de Grigny passera très vite pro.
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