Le 17e Independent Games Festival a couronné l’outsider « Outer Wilds », ex-projet étudiant devenu un jeu d’exploration spatial étonnant. Au-delà des prix, sa sélection regorge de pépites atypiques, de l’arcade rétro au dispositif conceptuel en passant par la fiction interactive.
Et l’Independent Games Festival couronna un jeu pas encore terminé. Ce n’est pas la première fois – Monaco (2010), entre autres, avait déjà reçu le Seumas McNally Grand Prize dans ces conditions – mais c’est un signe loin d’être anodin alors que quatre autre des titres nommés dans la catégorie reine (80 Days, The Talos Principle, This War of Mine, Metamorphabet) sont disponibles dans leur version définitive et que le cinquième (Invisible, Inc.), sorti en « accès anticipé » sur la boutique en ligne Steam, n’en est plus très loin. Mais le jury de la plus grande manifestation du genre, organisée à San Francisco dans le cadre de la GDC (Game Developers Conference), a choisi les promesses, l’aventure et une certaine vision, joyeuse et accueillante, de la radicalité.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La hype de l’odyssée spatiale
Outer Wilds, tel est donc le jeu qui succède à Papers, Please au palmarès d’un festival qui compte parmi ses anciens lauréats des titres aussi importants que Minecraft ou Fez. Un jeu né d’un projet d’étudiants de l’USC qui ne l’ont pas abandonné une fois leur diplôme obtenu et dont le principal auteur, Alex Beachum, a expliqué au site Gamasutra qu’il était né de deux envies : « retrouver l’esprit de l’exploration spatiale » sur lequel reposent des films comme 2001 et « concevoir une expérience de monde ouvert dans laquelle le seul but de l’exploration est de répondre aux questions que pose ce monde ». « En particulier, ajoute-t-il, je voulais éviter de donner aux joueurs de objectifs explicites, sans que le jeu donne le sentiment d’être dépourvu de but. »
L’originalité d’Outer Wilds vient aussi de sa structure qui s’inspire en partie de celle de Majora’s Mask, l’épisode le plus expérimental de la saga Zelda : chaque partie ne dure que 20 minutes, au cours desquelles l’univers évolue de façon importante . Mais il est possible de se replonger dans cette boucle temporelle autant de fois qu’on le souhaite pour découvrir d’autres lieux, observer d’autres phénomènes, chercher d’autres réponses. Alors que les amoureux de l’espace et du jeu indé ont déjà la tête à No Man’s Sky, Outer Wilds séduit aussi par sa proposition aux antipodes du titre de Hello Games : l’émotion du petit rien plutôt que le vertige du grand tout. La version du jeu disponible pour le moment (sur PC et Mac, et gratuitement) est encore un peu bancale et délicate à prendre en mains, mais elle mérite déjà d’être essayée.
Après avoir récompensé ces deux dernières années des jeux aux points de vue résolument politiques et ouverts sur le monde – Cart Life en 2013, Papers, Please l’an dernier –, l’Independent Games Festival prend ainsi en 2015 le parti de l’expérience – tant pis pour le jeu de survie anti-guerre This War of Mine. Alors que la frontière entre la scène indépendante et le jeu mainstream semble parfois perdre en netteté, le jury a aussi choisi de mettre en avant une certaine marginalité. La liste des titres nommés, lauréats et candidats malheureux mêlés, en particulier pour le Nuovo Award et la catégorie récompensant la meilleur narration, est d’ailleurs un assez bon guide de voyage pour amateurs de jeux bizarres.
Les cinq perles de la GDC
On en a retenu cinq qui, tous valent le détour. D’abord, le génialement énervant / frustrant / enivrant Desert Golfing (Captain Games, iOS et Android, 0,99 €) avec son parcours de golf minimaliste sans fin et sa physique pas si facile à dompter. Son idée un rien perverse : on ne revient jamais en arrière et nos erreurs passées restent à jamais inscrites dans notre score.
Quant à Become a Great Artist in Just 10 Seconds (Andi McClure et Michael Brough, PC et Mac, gratuit), tiendra-t-il ses promesses ? D’ailleurs, êtes-vous sûr de savoir ce que vous faites en manipulant votre clavier pour modifier les formes et couleurs à l’écran ? Et si non, est-ce que c’est grave, tant que c’est beau ?
A peine moins étrange, Elegy of a Dead World (Dejobaan Games, PC et Mac, 14,99 € est un jeu d’aventure futuriste et d’exploration spatiale (oui, encore) dont vous écrivez l’histoire. Littéralement : en tapant des phrases que vous laissez dans les lieux parcourus et que les prochains visiteurs pourront lire si vous n’avez pas honte du résultat.
Côté fictions interactives, difficile de ne pas succomber au Coming Out Simulator 2014 (PC, Mac, mobiles, gratuit) largement autobiographique de Nicky Case, toute petite chose délicate et drôle et émouvante.
Mais notre chouchou s’appelle Three Fourths Home ([bracket]games, PC et Mac, 3,99 €). C’est une conversation téléphonique entre une jeune femme et ses parents chez qui elle est revenue vivre après une rupture amoureuse. Elle est en voiture. Il pleut de plus en plus fort. On parle même d’une tornade. Des choses sont dites, d’autres sont tues. Ça dépend en grande partie de nous. On n’en dira pas plus.
{"type":"Banniere-Basse"}