Autoréférencé, décalé, le streetwear actuel crée une mise en abyme géante avec les années 2000
Le dragon virevolte dans les airs et crache des flammes depuis les années 2000, période de sa montée en gloire comme symbole populaire. En quelques coups d’ailes écaillées, il atterrit sur une omoplate sous la forme d’un tatouage ; sur une carte Dragon Ball Z, sur la carrosserie d’une voiture tunée.
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Là, il orne une casquette signée Avnier, label de streetwear minimaliste et unisexe lancé par le rappeur Orelsan et son compère styliste Sébastian Strappazzon. L’animal mythologique les a tant inspirés qu’ils lui ont dédié une capsule entière (de T-shirts et bombers).
A la fois ornemental et toujours porteur d’une multitude de symboles en 2017, le dragon Avnier est apposé sur des pièces du vestiaire sportswear français évoquant les années 2000 (joggings et sweats à logos…). Résultat : une mise en abyme aux nombreuses références, parfois contradictoires mais toujours assumées ; un méta-sportswear repensé mêlant détails kitsch et lignes ultramodernes.
Ensemble peau de pêche et jeux de logos
Applecore procède de la même façon. Ses ensembles en velours peau de pêche suggèrent une “youth culture”, des moments qui n’ont pas été vécus (les bas de jogging pelucheux de Jennifer Lopez, ou Paris Hilton, signés Juicy Couture).
En établissant un rapport nostalgique avec une référence à peine vieillie, le label prouve son extrême contemporanéité.Quant à Nattofranco, marque franco-japonaise, ce sont de vieux logos de grandes surfaces, de la nourriture pour enfants, des cartoons qui viennent rhabiller ses créations urbaines.
De fait, le label rappelle à la fois l’explosion du streetwear japonais, et renvoie aux souvenirs de sa jeune fondatrice, Noémie Sebayashi (à peine 25 ans aujourd’hui), lorsque celle-ci s’intéressait plus aux bacs à sable qu’aux baskets.
Thug life et caillera style
Pour Cottweiler, griffe britannique, c’est un autre jeu de miroirs qui est mis en place : ses “tracksuits” invoquent la culture dite “chav”, ou “racaille”, de la jeunesse ouvrière anglaise. En défilant dans des friches industrielles ou en décorant ses catwalks de chariots de ménage, la marque rapproche deux mondes, et fait voyager ses pièces entre les classes sociales.
A l’heure des débats autour de l’appropriation culturelle dans le luxe – particulièrement du recyclage de codes dits de rue –, ce streetwear conscient de ce qu’il cite ne grime pas en “caillera” ou en “thug” celui qui le porte. En élevant ces signifiants au rang d’ornements détournés, il évite de les imiter trop littéralement. Cette distance, créative et éveillée, permet de s’inspirer sans piller.
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