Ou pourquoi le biceps féminin (et stylisé) est un signe d’émancipation.
Cette femme n’est ni maigrichonne, ni en surpoids, non, elle est aussi athlétique que férocement féminine. Une parure faite d’attaches de randonnée, un maillot de bain en filet de pêche, un anneau grandiose au travers du septum : voici les ornements urbains qui accompagnent notre héroïne sportive à travers sa conquête du quotidien.
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Là, elle trône dans les backstages du catwalk sur lequel elle apparaîtra quelques minutes plus tard, pour Chromat, marque conçue et fabriquée à New York. Lancé en 2010 par l’urbaniste Becca McCharen, ce label promet de “vêtir les femmes fortes de maillots de bain, lingerie et vêtements athlétiques et architecturaux (…) et d’imaginer des expériences structurelles pour le corps humain”.
Détails guerriers
Ainsi, à travers des impressions 3D, des matériaux industriels, le tout incarné par des mannequins-amazones visiblement musclées, Becca McCharen met en avant une nouvelle cartographie du corps féminin. Là une bretelle devient un harnachement ; ici un corset se transforme en armure : ces pièces subliment des épaules fortes, une poitrine fière comme des pectoraux, des cuisses guerrières.
En transformant des pièces de l’intime ou du fonctionnel en vêtements d’extérieur, en remplaçant les matériaux délicats par des détails bondage voire guerriers, elle repense stylistiquement et symboliquement la place de la femme dans l’espace public.
Binarité entre le dominant et la dominée
De nombreuses écrivaines, dont Virginie Despentes ou Gayle Rubin, ont dévoilé que la société hétéronormée demandait à la femme de prendre le moins de place possible, physiquement comme socialement.
Ainsi naît une binarité entre le dominant et la dominée, le sujet et l’objet, “elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est l’Absolu, elle est l’Autre”, écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe (1949) – et ce à commencer par l’apparence.
Occuper la même place que l’homme
La femme fièrement musclée (“la hors-la-loi du genre”, selon la sociologue Kate Bornstein) fait donc preuve de transgressions multiples.
Elle se consacre à son corps comme le veut la féminité classique, certes, mais de façon tout à fait subversive : elle l’entretient non pas pour le faire remarquer par l’homme, mais pour occuper la même place que lui.
Prise de pouvoir
Devenant son égal corporel, elle n’est qu’à un pas de devenir son égal social, comme semblent le dire ces combinaisons mi-rugbyman mi-lingerie signées Chromat.
A l’heure où les médias sont peuplés de nouvelles icônes championnes olympiques, comme la boxeuse Claressa Shields ou la demi-fondeuse Caster Semenya, il semblerait que le contrôle du corps annonce le début d’une prise de pouvoir revendicatrice.
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