Ceci n’est pas une paire de testicules (mais occupe le même rôle symbolique).
La jeune femme ci-dessus porte un bijou d’entre-jambe qui simule la présence de testicules. Le nom de l’œuvre ? Balls, pour ne pas y aller par quatre chemins.
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Il est dessiné par Sari Rathel, créatrice de bijoux diplômée du prestigieux Royal College of Art à Londres, et appartient à une collection entière, “Gender Blender” (ou “remix de genre”), visant à simuler les différences biologiques entre les genres.
Un trouble stylistique
Parure-seins, collier-pomme d’Adam, ceinture-hanches à poser sur une taille masculine : graphiques et minimales, ces inventions suggèrent l’organe sans chercher à l’imiter littéralement.
Un trouble stylistique dans le genre qui lui vaut de recevoir le grand prix d’accessoire du concours de mode italien ITS, à Trieste en juillet 2016, attribué par un jury dirigé par le très en vogue Demna Gvasalia, directeur artistique du collectif Vetements et de la maison Balenciaga.
Une construction sociale
Cette jeune styliste se situe dans une vision “post-Butler” : elle se dit marquée par le livre Trouble dans le genre (paru aux Etats-Unis en 1990) de la papesse des Gender Studies Judith Butler, qui conçoit le genre comme une performance, une construction sociale méticuleusement apprise et répétée dès la naissance.
Pour Sari Rathel, ce n’est pas seulement le comportement et le vêtement qui seraient performatifs, mais le corps même, artificiellement investi et sexualisé. Elle ne nie pas les différences biologiques évidentes entre homme et femme, mais les décharge de leur pouvoir symbolique, social, sexualisé, en quête d’une nouvelle égalité. “Je cherche à révéler le pouvoir imaginaire attribué aux différences, et imaginer un vestiaire où le genre s’enlève, se rajoute, ne devient plus qu’un élément esthétique et ludique”, dit-elle.
“Une forme de carnaval”
En transformant ces zones érogènes en accessoires, elle les rend très littéralement accessoires, secondaires, non essentielles à l’être. Ces prothèses sublimées suggèrent une égalité malgré les variations, où l’identité n’est pas binaire mais démultipliée.
“Chez Sari Rathel, le genre devient, par le biais de la mode et du style, une forme de carnaval où l’on rejoue pour mieux déjouer les attributs physiques : on transcende l’a priori immuable et on rappelle que la symbolique d’une paire de couilles est socialement construite”, explique Betül Yarar, sociologue spécialisée dans la sociologie du corps et intervenante en Gender Studies à Paris 8. De quoi se faire des couilles en or ?
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