Héroïne brutale et hantée, Jessica Jones crève l’écran et met l’univers Marvel sens dessus dessous.
Dans le déferlement d’images Marvel qui inonde les écrans en tout genre depuis des années, je demande la bonne surprise. Quelques mois après l’inégale Daredevil, Jessica Jones est la deuxième série inspirée de la maison mère des comics à être lancée par Netflix. Deux autres suivront à partir de 2016, Luke Cage et Iron Fist, avant le grand mashup The Defenders pour les plus courageux. Mais la seule héroïne du lot mérite déjà une attention particulière, en direct des rues sombres de New York.
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Son histoire est librement adaptée d’une publication assez récente, Alias, vingt-huit volumes sortis entre 2001 et 2004, créés par Brian Michael Bendis (scénario) et Michael Gaydos (illustrations). Miss Jones est une ancienne superhéroïne reconvertie en détective privée, toujours hantée par l’emprise de l’odieux Kilgrave, cet homme à l’accent anglais si charmant qu’il est capable de diriger les actions des autres simplement par la parole – jusqu’à les obliger à tuer.
Attributs glamour
Du comics original, Jessica Jones a surtout conservé une tonalité, une noirceur psychologique qui détonne. La série se range dans la tradition réaliste que Daredevil touchait déjà du doigt, elle ne met pas en scène les pouvoirs fulgurants de son personnage principal comme des attributs glamour. Le seul uniforme de Miss Jones ? Un jean et un blouson de cuir, une touche de rouge à lèvres bien rouge.
La créatrice Melissa Rosenberg est une habituée du monde hollywoodien depuis plus de quinze ans. Elle a écrit notamment la saga Twilight mais avait fourbi ses armes dans les salles d’écriture de La Vie à cinq, Boston Public, Ally McBeal et Newport Beach – un CV solide et désirable. Elle construit ici un monde largement féminin (dont une boss lesbienne en plein divorce, interprétée par la revenante Carrie-Anne Moss) autour d’une héroïne revêche, indépendante et en lutte permanente pour sa liberté.
Drama ambitieux
Alors qu’à l’autre bout du spectre, celui de l’entertainment pop, Supergirl (issue de DC Comics) vient de faire son apparition en arborant un féminisme contemporain de celui d’icônes comme Taylor Swift, Jessica Jones s’attaque à des sujets plus adultes de manière frontale. Dans l’univers Marvel, la sexualité de cette brune incendiaire fait office d’exception.
Quand elle croise la route de l’imposant et musculeux Luke Cage, le lit ne tient pas très longtemps sous leurs coups de reins. Elle ne s’excuse jamais de désirer et c’est la moindre des choses. Quand elle va mal, sa part sombre surgit sans prévenir. Il est question ici d’alcool, de stress post-traumatique et de viol. Sans périphrases. Ce qui range Jessica Jones au côté des dramas les plus ambitieux du moment.
Femme en mouvement
Même si une certaine dose de fun se glisse çà-et-là dans les sept premiers épisodes – ceux que nous avons pu voir avant la mise en ligne de l’ensemble de la saison qui en compte treize –, la série se concentre d’abord sur sa véritable aventure. Une aventure figurative : le portrait d’une femme en mouvement, tradition qui a inondé aussi bien le cinéma que la télévision depuis un siècle.
L’actrice Krysten Ritter, vue dans Breaking Bad où elle interprétait la malheureuse petite amie junkie de Jesse Pinkman, a quelque chose de l’insolence séduisante de Christina Ricci. Elle paraît toujours en fuite, angoissée par le passé comme par le futur. La caméra la suit partout, de dos, de profil, de face, comme pour rappeler en permanence que malgré les dialogues, les rebondissements, les sentiments, il est d’abord question de ce corps. Un corps qu’on a envie de regarder pendant des heures sans fermer les yeux.
Jessica Jones saison 1 avec Krysten Ritter, Carrie-Anne Moss, treize épisodes sur Netflix à partir du 20 novembre
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