Ce 3 juillet, après le Congrès réuni à Versailles par Emmanuel Macron, qu’ils ont boycotté, les députés de la France Insoumise ont expliqué leur démarche lors d’un rassemblement place de la République.
« Macron pose des symboles. Nous aussi ! » Ce 3 juillet, vers 18 h 30, le symbole est manifeste, quand Jean-Luc Mélenchon prononce ces mots devant une foule de sympathisants, place de la République à Paris. Quelques heures avant, c’est dans le faste de la salle du Congrès, à Versailles, qu’Emmanuel Macron livrait les grands axes de son « projet progressiste » devant les deux chambres parlementaires qu’il avait convoquées. Les dix-sept députés de la France Insoumise manquaient à l’appel, par choix. Pour eux, pas question de ratifier le passage à une « dimension pharaonique de la monarchie présidentielle », dixit Jean-Luc Mélenchon. Ils ont préféré appeler à un rassemblement contre le « coup de force démocratique » de celui qu’ils ont rebaptisé « Jupiter 1er » – comme les parlementaires communistes, qui se sont rassemblés de leur côté devant l’hôtel de Ville de Versailles.
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JL Mélenchon et les députés #FranceInsoumise arrivent à République pour le rassemblement suite au #CongresVersailles pic.twitter.com/IuEBwjXsJO
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) July 3, 2017
« C’est ballot pour lui, beaucoup de riens qui ont fait leur rentrée parlementaire »
Code du Travail à la main – celui qui « n’est fait que pour embêter 95% des entreprises », selon Murielle Pénicaud –, le député du Nord Adrien Quatennens explique que les députés LFI n’ont pas chômé pour autant : « Pendant que Macron endormait la cour à Versailles, les élus de la France Insoumise travaillaient sérieusement ». Ceux-ci se targuent en effet d’avoir rédigé 132 amendements au projet de loi d’habilitation permettant au gouvernement de valider les ordonnances modifiant le code du Travail – ils avaient jusqu’à 17 h le jour-même pour les déposer. Un record. « Il y a les frémissements d’une conscientisation dans le pays. Il faut l’accélérer pour avoir la plus forte et lourde mobilisation contre la réforme du code du Travail », lance encore de jeune député du Nord.
Comme pour illustrer ses dires, ce frémissement a parcouru la foule sous un soleil pourtant brûlant quand le député de la Réunion Jean-Hugues Ratenon, « smicard il y a encore quelques semaines », a répondu à la petite phrase d’Emmanuel Macron sur « les gens qui ne sont rien » : « Emmanuel Macron veut instaurer en France l’apartheid social, il est de notre devoir de résister. Nous ne sommes rien, nous sommes tout, et nous allons résister ! », a-t-il proclamé devant quelques pancartes : « Je suis rien », suscitant des acclamations. « C’est ballot pour lui, il y a beaucoup de riens qui ont fait leur rentrée parlementaire dans la semaine », ironise aussi la députée insoumise Caroline Fiat, aide-soignante de profession.
« Il faut que vous vous prépariez à agir en interaction avec vos parlementaires »
Fidèle à sa doctrine rebelle, et épaulé par la philosophe Chantal Mouffe – qui a théorisé le « populisme de gauche » –, c’est sans cravate et même sans écharpe tricolore que Jean-Luc Mélenchon s’est présenté à ses sympathisants. Les symboles, encore. Citant Jaurès (« La grande révolution a fait les Français rois dans la cité, il les a laissés serfs dans l’entreprise »), le député des Bouches-du-Rhône a mis au centre de son discours la lutte à venir contre la réforme du code du Travail. « On parle de 150 ans de luttes sociales, pas du code de la route ! 132 amendements seront discutés 132 fois par 17 personnes », a-t-il promis, appelant ses soutiens à manifester le 12 juillet, jour du vote du texte.
Sur le fond comme sur la forme, c’est la philosophie du groupe LFI à l’Assemblée qu’il a souhaité illustrer : « Il faut que vous vous prépariez à agir en interaction avec vos parlementaires, qu’il y ait une osmose entre le mouvement de masse et la représentation politique que nous sommes ». Raillant la supposée « pensée complexe » d’Emmanuel Macron, brandie comme un argument par son entourage pour justifier qu’il ne donne pas de traditionnelle interview le 14 juillet, la députée du Val-de-Marne Mathilde Panot situe l’action du groupe LFI à l’exact opposée :
« Nous on pense que les gens sont intelligents, que notre pensée n’est pas trop complexe pour eux, et on leur donne les armes citoyennes pour lutter. On n’est pas une élite éclairée, on porte la parole de 7 millions de personnes qui ont voté pour un programme. C’est important de montrer à Macron qu’on ne participe pas à sa mascarade. »
« Nous sommes ici par la force de ceux qui n’étaient rien »
Cette abstention consciente au Congrès n’a pas échappé au président de la République. Devant les députés et sénateurs, il a adressé une pique à Jean-Luc Mélenchon lors de son discours : « Il est toujours préoccupant que des représentants du peuple se soustraient aux règles de la Constitution qui les a fait élire. Sieyes et Mirabeau ne désertèrent pas, je crois, si promptement le mandat que leur avait confié le peuple. »
L’intéressé a répliqué : « Si M. Macron parle de Sieyes et Mirabeau, c’est sans doute qu’il s’identifie à Louis XVI. Nous lui souhaitons une meilleure fin ». Et d’ajouter, en référence à une fameuse citation de Mirabeau (« Nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes »), et à L’Internationale (dont le refrain a été entonné en conclusion, après La Marseillaise) : « A notre tour nous sommes ici par la force de ceux qui n’étaient rien. Nous ne sommes rien ? Soyons tout. »
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