Il y a beaucoup d’éléments de rupture dans la séquence dure et folle que nous vivons ensemble. Il y a ces lieux familiers, proches, que nous ne pouvons plus sillonner alors même qu’un insolent beau temps nous y invite. Il y a ces gens, aimés, ou simplement connus, et même inconnus (puisque toute proximité humaine est maintenant pour chacun un danger sanitaire), qui tout à coup sont éjectés physiquement de nos vies (même si leur présence, numérique, téléphonique, est évidemment accrue : on n’a jamais autant technologiquement communiqué que depuis le début du confinement). Il y a ces activités auxquelles il nous faut renoncer (travail pour certains, loisirs pour presque tous). Il y a évidemment cette peur de la maladie, de la contamination, de la mort qui se trame désormais à nos gestes les plus usuels. Tant de choses se sont rompues il y a un peu plus d’une semaine.
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Quel monde allons-nous retrouver à l’issue de cette imprévisible séquence ? Sortirons-nous de ce tunnel, constitué·es de la même façon que nous y sommes entré·es ? Probablement pas. A n’en pas douter, la crise sanitaire engendrera une crise politique, amplifiera le tumulte social, et générera de vraies perturbations dans l’ordre économique actuel. Depuis le début du confinement, nous demandons quotidiennement à un·e expert·e en sciences humaines, économiste, philosophe, sociologue, mais aussi à des artistes, musicien·es, cinéastes, de répondre depuis son champ à la question de ce à quoi ressemblera le monde d’après. Quelles forces vont-elles être renforcées ? La répression ou l’entraide ? Le capitalisme numérique ou le souci du collectif ? Des puissances d’émancipation s’en trouveront-elles libérées ? Les dispositifs de solidarité spontanés qui émergent un peu partout vont-ils déposer des germes durables ?
Ces contributions éclairantes, virulentes, nous les réunissons dans ce numéro, le premier que nous réalisons à des fins exclusives de diffusion numérique. Un numéro dédié dans un premier temps entièrement à cette question. Puis qui se prolonge en chroniques de disques, films, livres, BD, séries disponibles en digital dans cette période où il faut, hélas, faire le deuil de jouir de l’art collectivement. Faire de l’art une affaire absolument collective, ayant fédéré sur des décennies et des générations, véhicule d’une joie et d’une fantaisie inentamées, c’est ce qu’ont accompli symétriquement Albert Uderzo et Manu Dibango. C’est donc par une retraversée émue de leurs univers que nous entamons ce numéro.
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