Ecouter Leonard Cohen pour s’abstraire d’un monde dans lequel Donald Trump bientôt président des Etats-Unis, un monde qui n’est que “solitude, désolation” pour Virginie Efira.
C’était vers la fin de l’été. Je venais tout juste de recevoir au journal You Want It Darker, le nouvel album de Leonard Cohen, et, après plusieurs écoutes religieuses et pas franchement rassurantes (ce “I’m ready my Lord” m’inquiétait tout particulièrement), je songeais pour la toute première fois à ce que pourrait être le monde sans celui qui fut ici, aux Inrockuptibles, l’un de nos précieux guides.
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Souvenez-vous de sa photo en couverture du premier numéro de l’hebdo, avec sa toge de moine zen et ses Nike de running, la vache. Cohen le disait lui-même, il se sentait prêt : à quitter le jeu, la table – appelez ça comme vous voulez, il se sentait prêt. J’ai appris sa mort dans la nuit du 11 au 12 novembre. Un texto signé d’une amie de Montréal : “Mon Dieu, Leonard”, suivi d’un smiley à petite larme, j’ai compris tout de suite. Sa mort fut pour moi comme pour d’autres la cause d’une tristesse infinie.
Jamais je n’ai autant écouté Leonard Cohen
Quelques jours avant sa disparition, dans la nuit qui avait conduit à la victoire de Donald Trump, de retour d’une soirée “élections américaines” organisée au Carreau du Temple, à Paris, je me souviens avoir écouté quelques-uns de ses titres, comme ça, les yeux dans le vide, tout seul sur un banc, mon casque sur la tête et la musique à fond.
Trump venait d’être élu président des Etats-Unis et ces chansons de Cohen étaient alors pour moi comme le seul refuge. Le fait de savoir qu’il était encore là, quelque part, était pour moi un gage de paix, voire de sécurité. Je ne pensais pas le perdre trois jours plus tard.
Après l’annonce de sa mort, jamais de ma vie – je vous jure – je n’ai autant écouté Leonard Cohen. Tous ses disques, les premiers comme les derniers, les meilleurs comme les plus discutables – ceux où il y a un peu trop de saxophone, vous voyez. Je pensais devoir faire “sans” Cohen, et j’ai curieusement appris à faire “avec”, autrement.
Virginie Efira, notre héroïne 2016
En réécoutant Chelsea Hotel #2, je suis brutalement retombé sur ces mots : “We’re ugly but we have the music.” Comprenez : “Le monde est moche, mais il nous reste la musique.” C’est une consolation à la fois maigre et sublime, certes, mais c’est pourtant ce pour quoi nous nous battons chaque jour dans le journal que vous tenez entre les mains : découvrir, avant tout le monde, ceux qui ont décidé d’aller, avec la lumière qui est la leur, contre la lente marche du monde.
Un monde qui, comme le rappelle très justement notre héroïne 2016, Virginie Efira, n’est que “solitude, désolation”, mais un monde que nous ne cesserons jamais, comme elle, de vouloir changer, à notre modeste mesure. Par un combat incessant pour la culture.
2017 sera une année décisive, et l’élection présidentielle sera à n’en pas douter, après les mouvements droitiers observés au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, un événement pivot. Il nous reste cinq mois pour renoncer à cette fatalité. Le monde est moche, mais il nous reste la musique. Notre musique.
Le best-of 2016 avec nos héros de l’année et les classements des meilleurs disques, films, livres, jeux video est disponible à partir du 14 décembre en kiosques et ici:
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