Mis en examen pour un ouvrage et une chanson intitulés Nique la France, Saïdou, rappeur, et Saïd Bouamama, sociologue, se réclament d’une longue tradition pamphlétaire. Ils sont soutenus par une pétition.
NTM, Sniper, La Rumeur, Youssoupha… Les artistes hip-hop passent devant la justice depuis que le monde est rap.
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Dernières cibles : le chanteur Saïdou du groupe ZEP (Zone d’expression populaire) et le sociologue Saïd Bouamama se voient mis en examen pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » sur une plainte de l’Agrif (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne), association située à la droite du FN. L’Agrif s’intéresse de près au « racisme anti-Blanc », récemment piqué dans l’argumentaire d’extrême droite par Jean-François Copé.
En cause, un ouvrage et une chanson du même nom, Nique la France, sortis conjointement en 2010 dans une démarche intellectuelle et artistique commune : « On vise deux publics différents, l’idée était de les faire converger. On voulait sortir un outil nouveau, mêlant recherche et art », expliquent le rappeur et le sociologue.
>> Signer la pétition « Devoir d’insolence »
Pour eux, ce titre provocateur n’est pas une fin en soi. Leur collaboration reflète cette intention. Pour Saïdou le musicien, « c’était à l’époque une réponse à ‘la France, tu l’aimes ou tu la quittes’ et au ministère de l’Identité nationale créé par Nicolas Sarkozy.
Nique la France incarne une expression populaire, spontanée et politique. Qu’on le veuille ou non, elle existe et on l’entend tous les jours dans les quartiers, alors pourquoi ne pas en faire une chanson ? » Saïd Bouamama complète : « Nous voulions comprendre ce que les jeunes veulent dire à travers cette expression. Et ce qu’ils expriment, c’est le sentiment d’être méprisés et insultés. Derrière, (…) il y a une demande d’égalité. »
S’inscrivant dans une longue tradition pamphlétaire d’artistes engagés contre l’État français – la « nation de porcs et de chiens » d’André Breton, « le temps que j’baise ma Marseillaise » de Léo Ferré, le « votre République, moi j’la tringle » de Renaud -, Saïdou et Saïd Bouamama ont choisi d’assumer un Devoir d’insolence, nom de leur comité de soutien. Car l’inégalité dont il est ici question concerne aussi la liberté d’expression. Le sociologue l’interroge ainsi : « Pourquoi Jean-Pierre peut-il dire qu’il n’aime pas le drapeau et pas Mohamed ? » Du côté de l’Agrif, porter plainte contre des oeuvres touchant à l’identité française et chrétienne est devenu un véritable fonds de commerce. Généralement déboutée par les tribunaux, l’Alliance s’est déjà attaquée au cinéma, avec une plainte contre Amen de Costa-Gavras, aux Guignols de l’info, à la presse, en visant à cinq reprises Charlie Hebdo, ou encore à des oeuvres littéraires, des associations ou des hommes politiques.
Le comité de soutien Devoir d’insolence lance une pétition qu’il est possible de consulter et de signer sur le site des Inrockuptibles. En attendant de connaître la date du procès des deux Saïd, des collectifs se constituent un peu partout en France, afin d’éviter que ne s’installe « une liberté d’expression à deux vitesses ».
Basile Lemaire
Ils ont déjà signé la pétition
La Rumeur, Youssoupha, Casey, Zebda, Scred Connexion, Rachid Taha, Mathieu Kassovitz, Amazigh Kateb, Les Ogres De Barback, La Rue Kétanou, Guizmo (Tryo), Imhotep (IAM), Les Ramoneurs De Menhirs, HK & Les Saltimbanks, La Compagnie Jolie Môme, Dub Inc, Elli Medeiros, Archie Shepp, Slimane Dazi, Axiom, Oai Star, Maître Madj, Première Ligne (Skalpel, E.One et Akye), Siné, Raphaël Confiant, Judith Butler, Rokhaya Diallo, Pascal Blanchard, Éric Fassin, Laurent Levy, Pierre Tevanian, Christine Delphy, Élie Domota, Olivier Besancenot, Houria Bouteldja, Eva Joly, Noël Mamère, Sergio Coronado, Hervé Poly, Xavier Mathieu, Clémentine Autain, Garcin Malsa…
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