Télé Poche, bible du téléspectateur averti, annonçait « Le gendre idéal 2 » ce soir sur TF1. En lieu et place, c’est Nicolas Sarkozy qui a squatté l’antenne deux heures durant face à onze français. Des citoyens triés sur le volet qui, si l’on en croit les paroles du Président « font tous partie d’une grande famille ». Une famille formidable ?
« Une nation c’est comme une famille, Rex, si on ne se parle plus, si on ne s’écoute plus, si on ne prend plus le temps de discuter, quand on se réveille dix ans plus tard, eh ben c’est trop tard ». La phrase est de Nicolas Sarkozy s’adressant directement à Rex, habitant de Villiers-le-Bel quelque peu dubitatif quant au débat sur l’identité nationale.
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Cette comparaison entre les membres de la nation française et un lien familial voire intime, Sarkozy la convoquait déjà quelques minutes plus tôt, face à une Laurence Ferrari fort courtoise malgré un ton présidentiel mi-agressif mi-condescendant. « C’est comme dans un couple quand on ne se parle pas quand on ne se dit plus rien un jour on se réveille 10 ans plus tard et c’est une catastrophe ». Compris Laurence ?
[attachment id=298]Chacun appréciera la métamorphose du président de la République en conseiller conjugal. Reste que cette idée de dialogue, évidente et intouchable, aura été le fil rouge de la soirée intitulée « Paroles de Français », un peu comme Paroles de poilus (ce recueil de lettres de soldats de la première guerre mondiale) mais avec des Français quoi. Un syndicaliste, une comptable, une auto-entrepreneuse, un habitant de banlieue, une infirmière, un professeur de lycée, un chef d’entreprise, une salariée dans la grande distribution, un retraité etc. Tous choisis sur le même critère « par les journalistes de la rédaction » : leur apparition antérieure dans un sujet du JT de la chaine.
Des ambassadeurs (peu représentatifs) de nos « belles régions » comme l’a rappelé à plusieurs reprises un Jean-Pierre Pernaut pourtant relégué au rôle de passeur de plats. Une sorte d’Evelyne Thomas de la Nation coincé dans un décor en carton-pâte type cafet’ sinistre ou réu du pôle emploi. Des tables de bar disposées en rond et un triste Jean-Pierre naviguant derrière, essayant parfois de se caler maladroitement une fesse sur un rebord, sans jamais penser à payer sa tournée de binouzes.
De cette « réunion de famille » on retiendra surtout la présence d’un certain Pierre Le Ménahès, ouvrier dans l’automobile et syndicaliste CGT. Sorte de Bernard Lavilliers de l’industrie automobile et caution-opposition, il sera le seul vraiment capable de l’ouvrir quand on ne lui demande rien. C’est le tonton engagé à qui Sarkozy répondra « Je vais pas moi me mettre de la cendre sur la tête en disant je suis pas ouvrier chez Renault » (texto) ou « Je veux pas vivre dans le modèle de l’Union soviétique ». Certes.
Parce que oui, l’URSS ça craint et d’ailleurs, tous les problèmes actuels c’est la faute aux 35h. La critique du partage du temps de travail restera le leitmotiv de la soirée, et les cadreurs se seront appliqués à ne pas montrer à l’écran Jean-Pierre Pernaut opinant du chef. Concernant les intervenants, le cadrage aura lui été plus facile à réaliser, en témoignent les nombreux sourires complices filmés en gros plan entre Sarkozy et ses poilus… euh Français.
A part ça, grande famille oblige, Nicolas Sarkozy aura fait le choix d’appeler la majorité des intervenants par leurs prénoms (Pierre le syndicaliste et Jimmy Bils le chef d’entreprise n’y auront pas eu droit). Du Nathalie (dont un notable « pour rester une minute sur Nathalie »), Samir, Rex, Marguerite, Bernadette, Martine ou Elodie à gogo. Avec des questions personnelles posées systématiquement sur leur vie en début d’intervention, alors même que la chose a souvent déjà été précisée dans leur présentation, Nicolas Sarkozy est concerné, il plisse des yeux et s’intéresse à la vie de ses concitoyens.
Parce que ça a été ça, pendant un peu moins de deux heures, chacun aura raconté sa life, égrainant ses problèmes souvent incompréhensibles pour le commun des mortels. Vers 21h17 l’audience de M6 qui diffusait Star Wars I – La menace fantôme aura d’ailleurs probablement vécu un pic alors que Sarkozy et une certaine Sophie Poux débâtaient de la production de lait en France en des termes hyper détaillés. Le Président avait visiblement bien bossé ses fiches.
Car Sarkozy est dans l’empathie, il comprend et entend, d’ailleurs il est venu pour ça : « voir des français discuter simplement au-delà de leurs différences de ce qu’il convient de faire et de ce qu’on est en droit d’attendre ». Il n’est pas coupé du monde : « Vous savez j’suis un français comme les autres, bon, il se trouve que pour cinq ans j’ai été élu président de la République ». Incroyable mais vrai.
Alors en tant que Président , Nicolas se bat contre l’injustice : « Moi j’aime pas ça l’injustice » ou « vous savez, Rex, je déteste les injustices ». Mais du haut de son mandat, seulement deux ans et demi après sa prise de fonction, il n’a concrètement pas de solution à donner face à l’avenir si ce n’est des promesses et des encouragements : « nous ne laisserons tomber personne » « vous êtes tellement sympathique que c’est pas possible que vous n’y arriviez pas » ou « Nathalie je suis sûr qu’elle va s’en sortir ».
On croise les doigts. En tous cas, l’envie est là. En témoigne la conclusion du Président : « Moi ce que je veux c’est qu’y ait aucun d’entre vous qui se sent tout seul ». C’est votre dernier mot Nicolas (Sarkozy). Générique de fin. A l’exception de Pierre le syndicaliste, tous affichent des mines complices et des sourires soulagés. Rendez-vous dans dix ans ?
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