Le chef de l’Etat est contesté à l’UMP, où personne ne s’enhardit encore à préconiser une candidature alternative en 2012.
« Si Fillon le dit… » Ce député UMP se fait ironique en évoquant la longue interview accordée par le Premier ministre au Figaro samedi. « Non seulement il est le seul, mais il est le meilleur candidat possible », clamait François Fillon à propos de Nicolas Sarkozy. Une petite phrase dynamitée l’après-midi même par la publication d’un sondage Harris Inter-active pour Le Parisien, qui donnait pour la première fois Marine Le Pen en tête des intentions de vote au premier tour de la présidentielle, avec 23% des voix, devant Nicolas Sarkozy et Martine Aubry, à égalité, avec 21%.
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L’offensive de Matignon aura donc fait long feu. Et la peur mine lentement la confiance des élus UMP dans celui qui était leur chef incontesté depuis sa prise de contrôle du parti en 2004.
« On n’est plus du tout dans l’état d’esprit de 2007. Nicolas Sarkozy a tellement déçu, on entend beaucoup de gens nous dire qu’ils voteront Front national, ou même à gauche », se désole un député.
Chacun garde en mémoire les « putschs » de la riche histoire de la droite, appel des « 43 » en faveur de Valéry Giscard d’Estaing, contre Jacques Chaban-Delmas, en 1974, démarche d’Alain Juppé auprès de Jacques Chirac en 1994 pour le faire renoncer à sa candidature, dissidence d’Edouard Balladur en 1995…
Mais, quand on interroge les parlementaires de la majorité sur la possibilité d’une candidature alternative à droite – Fillon, Juppé, Copé -, ils ne franchissent pas le pas. « César est faible mais Brutus ne s’est pas encore dévoilé », souligne l’un d’eux. Avant de reconnaître que l’empressement de François Fillon à assurer Nicolas Sarkozy de sa solidarité « couvre à peine le bruit des couteaux qu’on aiguise ».
Jérôme Chartier, député du Val-d’Oise, proche du Premier ministre, réplique que ce débat autour d’une candidature « recours » n’existe « vraiment pas du tout ». « On n’est pas encore entré dans l’ère de la campagne présidentielle, c’est beaucoup trop tôt », insiste-t-il en estimant que Nicolas Sarkozy doit « poursuivre son travail centré sur les réformes » et ne pas se laisser entraîner vers une entrée en scène prématurée. « Il dira s’il est candidat en janvier 2012, pas avant, et peut-être même après », ajoute Jérôme Chartier.
S’il ne rebondit pas, il mène l’UMP à sa perte
Une étude menée par deux chercheurs, Bruno Jérôme et Véronique Jérôme-Speziari, maîtres de conférences à Paris II et auteurs d’une Analyse économique des élections, chez Economica, devrait contribuer à nourrir le débat, même camouflé, à l’UMP. Ils ont appliqué au cas Sarkozy la froide logique des analyses macroéconomiques. Et il ressort de leurs données que si le chef de l’Etat « ne rebondit pas, il mène la majorité à sa perte ».
« Avec un socle de 31% d’opinions favorables dans le dernier Ifop-JDD, il totalise cinq points de moins que Giscard en 1981, avant la défaite face à François Mitterrand. Giscard était tombé à 36% de satisfaits. Bien sûr, on ne peut pas indexer automatiquement la popularité sur les intentions de vote mais il y a un seuil au-dessous duquel il ne faut pas descendre », souligne Bruno Jérôme.
« A titre d’exemple, François Mitterrand était descendu à 22% d’opinions positives avant les législatives du printemps 1993, qui avaient essoré le Parti socialiste. » Pour les deux chercheurs, l’image de Nicolas Sarkozy s’est » singulièrement dégradée depuis deux, trois ans », notamment « dans l’électorat de la droite populaire ».
Le « bling-bling », la soirée du Fouquet’s sont toujours cités mais, plus inquiétant pour le président, ce sont désormais sa crédibilité et sa compétence qui sont mises en doute. Selon Bruno Jérôme, « cet ensemble lance les spéculations sur une alternative à droite en 2012 ». « D’où l’idée de tester aussi le potentiel électoral de François Fillon », poursuit l’universitaire. Or « le Premier ministre fait mieux que le président au second tour en métropole et, pour les législatives, la majorité devancerait en sièges la gauche. Avec un Nicolas Sarkozy, même réélu, la gauche est à cinq sièges de la majorité absolue. La majorité perdrait près de 80 sièges d’emblée ! »
« Il vous répond toujours qu’il est le meilleur en campagne »
S’installe aussi le débat sur les futurs thèmes de campagne de Nicolas Sarkozy. Lorsqu’il est intervenu solennellement à la télévision le 27 février pour enrober son remaniement ministériel avec un discours alarmiste sur le risque de « flux migratoires incontrôlables », le chef de l’Etat a clairement laissé entendre qu’il privilégierait en 2012 les questions de sécurité et d’immigration.
« Ce n’est pas la meilleure solution pour rebondir. L’important, c’est la situation économique, estime Bruno Jérôme. Il espère refaire le coup de Chirac en 2002 mais, Marine Le Pen se recentrant dans le même temps, cela rend cette stratégie hasardeuse. Il ne faut pas oublier qu’à la différence de son père, Marine Le Pen veut gouverner. »
C’est la raison pour laquelle Dominique Paillé, ex-porte-parole de l’UMP, appelle Nicolas Sarkozy à évoluer et se montrer « rassurant, apaisant, rassembleur et pas clivant ». Avec un espoir limité d’être entendu car le président n’est pas un adepte de l’autocritique. « Il vous répond invariablement qu’il est le meilleur en campagne, que, même à 20 %, il est le meilleur. »
Hélène Fontanaud
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