Il a donné la date de l’annonce de sa candidature à Eva Joly, rencontré Chirac, Besancenot et DSK. Pourtant, personne ne semble convaincu que, cette fois, il ira.
« Nicolas fait quand même un peu curé »
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En novembre 2010, Hulot est invité aux assises fondatrices d’EELV à Lyon. Il prend la parole sans notes, un grand discours qui lui vaudra des « Avec nous ! » mais dans lequel il prend à partie Cohn-Bendit, qui l’a « qualifié de catastrophiste entre autres gentillesses, rejoignant dans le vocabulaire quelqu’un qui n’est pas mon camarade, Claude Allègre ».
« J’ai oublié deux choses », dit-il à Cécile Duflot en descendant de l’estrade. « La présidentielle et quoi d’autre ? », blague Denis Baupin à côté.
« Il savait très bien ce qu’il avait dans la tête quand il est venu, apparemment par surprise, à Lyon, s’amuse Noël Mamère. Il n’est pas venu en visiteur mais en candidat à la candidature. »
Hulot reconnaît effectivement auprès de journalistes qu’il n' »exclu(t) rien » pour 2012. Côté Eva Joly, on fait la tronche. Yannick Jadot s’engueule avec Pascal Durand et Jean-Paul Besset : « On ne peut pas faire un pas sans devoir répondre sur Nicolas Hulot.
« Il n’était pas obligé de dire aux médias qu’il réfléchissait ! » Le dernier soir, un téléscopage voudra que la bande d’Hulot arrive dans un resto où celle de Cohn-Bendit est déjà attablée. Ils se choisissent des tables bien éloignées. Il n’échappe à personne que les deux stars écolos ne se parlent pas.
« C’est normal qu’Hulot et Duflot s’entendent bien, blague Cohn-Bendit pendant le repas, un catho de droite et une catho de gauche… » « Leur truc, c’est pas encore fait », confie Hulot à des proches au retour de Lyon à propos de la fusion EELV.
Hulot se serait bien vu plébiscité. Il accepte maintenant l’idée de primaires et la possibilité de ne pas en sortir vainqueur. Ses hommes ont réussi à les repousser à septembre. L’idée a mûri chez les écolos, qui y voient une belle affiche pour le mouvement.
« Je défends les primaires parce qu’ils en ont besoin tous les deux, assure Cohn-Bendit. Eva Joly doit s’affirmer autrement que comme une juge intraitable. On ne fait pas de la politique en disant ‘C’est scandaleux’. Nicolas Hulot est un candidat qui doit se positionner contre ceux qui sont aux manettes aujourd’hui, rappeler que son discours n’est pas celui de Borloo. Si Hulot est candidat, il ne pourra pas gagner la primaire s’il dit ‘Le second tour, je m’en fous’. »
En écoutant Cohn-Bendit partager ses conseils politiques au café, en le regardant demander de la confiture, plonger avec gourmandise sa tartine trop grande dans sa tasse de café trop petite, en l’entendant pronostiquer le match de foot du soir, on ne peut pas s’empêcher de penser que le succès d’Europe Ecologie aux européennes, c’était aussi ça, l’image joyeuse d’une écologie ronde et pas casse-bonbon. « Nicolas fait quand même un peu curé. L’écologie est facilement caricaturée et Nicolas s’y prête », dit un de ses partisans côté associatif.
« Ce que Nicolas sait faire le mieux, c’est expliquer »
Son image est aujourd’hui un peu brouillée. « Hulot est partagé entre faire du lobbying et la radicalisation de son discours », observe Olivier Besancenot, qui se sent « des convergences » avec lui. Pour ceux qui ont travaillé avec Hulot, Le Syndrome du Titanic a rendu visible un virage déjà amorcé. Sa pensée est devenue plus alter, anticapitaliste à la Stiglitz sans être forcément sociale. « Ce côté prophète de l’apocalypse était déjà là dans le texte écrit quatre ans plus tôt, mais c’est la puissance de l’image qui a frappé les gens de plein fouet », confirme Ronald Blunden, son ancien éditeur chez Calmann-Lévy. « Il n’a pas perçu qu’avoir à la fois un avis planétaire et une fondation qui dit de fermer le robinet, c’était un grand écart pas facile à combler. Il y a une grande générosité dans cet aveuglement, il aurait été plus confortable de rester dans sa position antérieure », dit un proche qui a travaillé sur ces questions avec lui.
« Ce que Nicolas sait faire le mieux, c’est expliquer », dit de lui Cohn-Bendit. A ses amis, Hulot promet « une campagne collective de concertation et pédagogie ».
Chez EELV, on lui reconnaît le mérite d’avoir désenclavé l’écologie, d’avoir aidé à sortir des préjugés sur les Verts qui veulent revenir à la chandelle, d’associer, comme le dit Dominique Bourg, « le côté raisonnable des solutions au diagnostic non édulcoré ».
Bourg fait partie de la vingtaine de chercheurs qui entourent et prennent au sérieux celui qui a démarré comme photographe de plage et se prétend « bac moins trois » (une coquetterie, il a son bac). Jusqu’à son année sabbatique, tous se réunissaient dans les locaux de la fondation. De la photosynthèse au cycle du carbone, ils répondaient à ses questions. « Il était très curieux de mieux connaître l’écologie scientifique », se souvient Marc Dufumier, de l’école d’ingénieurs AgroParisTech. « Ce n’est plus du tout ‘J’ai rencontré les gorilles et je suis ému qu’ils puissent disparaître’. »
Un de ces experts a claqué la porte en 2002 : Christian Huglo, avocat spécialiste de l’environnement. « L’objectif semblait être de mettre en scène Nicolas Hulot. Mon expertise ne doit pas
servir à faire de la communication », se justifie l’avocat, qui se trouve aussi être monsieur Corinne Lepage, ancienne candidate présidentielle. « Je ne pouvais pas ne pas être aux côtés de ma femme. »
Une icône peut-elle faire de la politique ?
Les petits mondes d’Hulot sont bien cloisonnés. Chirac (grâce à un « béguin » de sa fille Claude, selon les confidences d’Hulot à Bérengère Bonte) s’est pris d’amitié pour lui. Il assume. Début février, ils déjeunaient ensemble dans un restaurant japonais. Les deux hommes ont gardé l’habitude de se voir.
Politiquement, Nicolas Hulot aime être inclassable. Il sait aussi que c’est dans ce rôle qu’il est populaire.
Thierry Libaert, spécialiste de la communication environnementale, rappelle que les cinq sondages conduits à l’époque de ses hésitations de 2007 lui prêtaient entre 7 et 15% des intentions de vote. Son plus bas sondage (pour Le Nouvel Obs) précisait dans la question que Hulot représentait le mouvement écologique. Autrement dit, Hulot marche mieux quand il ne porte pas de marque politique.
Les électeurs potentiels de Nicolas Hulot ne sont pas ceux d’Eva Joly : « Elle semble avoir un électorat de gauche traditionnel. Celui de Nicolas Hulot est plus apolitique. Il vient même du centre et du centre droit. On y compte aussi des déçus de Sarkozy », analyse Bruno Jeanbart, le patron d’OpinionWay.
Une icône peut-elle faire de la politique ? Peut-on gagner la primaire d’un parti en se voulant au-dessus des partis ?
« Il a un côté chevalier vert. Il sait qu’il a une force de frappe médiatique qu’il peut mettre au service de ses convictions. Mais il pêche par orgueil quand il pense pouvoir révolutionner le positionnement politique en France », dit de lui la députée Aurélie Filippetti, PS et ancienne Verte.
« Ce sera difficile à gérer s’il est candidat, reconnaît Jean-Paul Besset. Il ne rentrera pas forcément dans les disciplines collectives. » Pendant le sommet de Copenhague, son ami Gérard Feldzer admet que le problème d’Hulot s’il rejoint Europe Ecologie, « c’est qu’on va lui demander des gages de gauchitude et qu’il ne les donnera pas ». Depuis qu’il tâte le terrain, il les donne effectivement à reculons.
S’il était candidat, serait-il disposé à appeler à voter pour un représentant du PS au second tour, lui qui était resté neutre en 2007 ? A un proche, il a dit que Strauss-Kahn lui plaisait. Mais a précisé qu’il aurait du mal à rallier Royal si elle gagnait les primaires du PS. Il parle d’elle avec un mot qui rime avec « agace », ne lui pardonne pas d’avoir torpillé la taxe carbone ni de lui avoir trouvé la carrure d’un ministre de l’Environnement en 2007 pour dire aujourd’hui de sa candidature que « la politique, c’est du sérieux », pas comme la télévision.
François de Rugy lui a demandé sa réponse pour ceux qui voudront savoir s’il accepterait d’être ministre de DSK. Hulot a botté en touche. Chez les Verts, Placé regrette aussi de ne pas avoir eu plus de réponses aux questions qu’il lui a posées sur ses rapports avec Sarkozy. « Il m’a dit qu’il en parlerait à sa façon, j’attends de voir. »
Ses supporters l’estiment révolté par le détricotage du Grenelle, par « L’environnement, ça commence à bien faire » lâché par Sarkozy l’an dernier au Salon de l’agriculture. Mais à un proche, Hulot l’a promis : « Sarkozy a tenu tous ses engagements en matière d’environnement et je le dirai. »
Lobbyiste ou conseiller ? C’est lui qui annonce aux journalistes la nomination, en mai 2007, de Juppé à l’Environnement. C’est sur les conseils d’Hulot qu’un énarque et ancien de sa fondation, Ghislain Gomart, arrive au cabinet de Juppé puis de Borloo. L’an dernier, Borloo l’emmenait encore dîner au ministère du Développement durable avec Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture, pour évoquer le sort du thon rouge. Certains lui reprochent d’avoir pris goût à la proximité du pouvoir.
« A Copenhague, je lui ai dit : ‘Nicolas, tu ne peux pas accompagner Sarkozy à sa conférence de presse finale. Ces gens-là ont tout fait échouer’, raconte Yannick Jadot. Il y est allé quand même. »
« Il y perdra des plumes »
L’autre interrogation tient à son image. « La question de la popularité de Nicolas Hulot, c’est est-ce qu’on l’aime comme animateur télé davantage que comme personnalité politique ? », décortique Bruno Jeanbart d’OpinionWay, qui s’interroge sur sa capacité à transformer cette notoriété en intentions de vote.
Un sondage BVA indique que 49% des Français interrogés souhaitent qu’Hulot ait plus d’influence sur la vie politique, ce qui le place deuxième derrière DSK, l’autre absent. » Du jour où vous choisissez d’entrer dans l’arène, où vous devenez un combattant, vous n’êtes plus celui qui informe le monde et donne à voir pour faire comprendre », prédit Noël Mamère, qui est avant lui passé de la télé à la politique. « Il perdra des plumes et ce qui fait de lui une des personnalités préférées des Français. »
Ça « ne donne pas envie de sauter le pas », écrivait-il dans un SMS à de Rugy après la publication dans Le Canard Enchaîné d’un article qui lui avait déplu. Ceux qui parient sur une marche arrière de dernière minute lui prêtent un épiderme trop fin et un instinct de survie trop fort pour se laisser écorcher dans une bagarre politique.
« Il n’aime pas prendre des coups. Il faut voir dans quel état l’a mis l’échec de son film », dit encore Noël Mamère. Le Syndrome du Titanic enregistre 250 000 entrées, bien moins que ce qu’espéraient Hulot et son producteur. A la même époque, Le Syndrome du Titanic 2 sort en librairie. Il s’en vend 25 000, huit fois moins que le premier. Peu après, Hulot annonce qu’il prend un an de recul et que seuls ses proches amis auront son numéro de téléphone. Retraite chorégraphiée ? Dans ce cas, « il surestime l’effet de son arrivée », diagnostique Jadot, rappelant qu’Europe Ecologie, après ses scores aux européennes et aux régionales, ne se cherche plus d’homme providentiel comme en 2007.
« Je ne fais pas partie de ceux qui l’attendent comme le roi mage, lâche le venimeux Jean-Vincent Placé. Et pour résoudre leurs problèmes, les Français n’attendent pas quelqu’un qui n’arrive pas à résoudre les siens. »
Guillemette Faure
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