Depuis lundi, la ville de Nice teste une application qui permet aux citoyens de filmer les incivilités ou les délits dont ils sont témoins, les données étant ensuite transmises en temps réel aux services de police. Ce système baptisé Reporty n’a pas tardé à faire polémique.
En plus des (quasi) 2000 caméras de surveillance installées un peu partout à Nice, ce sont désormais les habitants qui, flanqués de leur smartphone, pourront alerter par un appel vidéo les forces de l’ordre des infractions dont ils sont témoins. Ceci grâce à l’application mobile Reporty, via laquelle images, son et géolocalisation parviennent directement au centre de supervision urbain (CSU). Une patrouille de police est ensuite dépêchée sur le lieu de l’incident.
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Mis en place lundi 15 janvier, le dispositif est en phase de test pour une durée de deux mois. Reporty est une application développée par la start-up d’Ehud Barak, ancien Premier ministre israélien, et censée représenter “la nouvelle génération de la sécurité publique”. Pour le maire de la ville, Christian Estrosi (Les Républicains), il s’agit d’un système “révolutionnaire”, estimant que “chacun d’entre nous doit devenir un citoyen engagé, acteur de sa propre sécurité et donc de la sécurité collective”.
2000 testeurs accrédités
Le contact direct entre la police et le citoyen a toujours existé par le simple appel téléphonique. Mais l’application offre une nouvelle dimension.“Par exemple, quand une personne renverse un cycliste, [le témoin] est paniqué et avec seulement l’audio, ne peut parfois pas donner sa position ou décrire la gravité de la situation” assure Serge Massierra, directeur des systèmes d’information de la ville de Nice à France Info.
Pour le moment, l’outil est testé par un échantillon de 2000 habitants qui n’ont pas été choisis au hasard : il s’agit d’agents municipaux et de membres de la réserve civile et citoyenne, de comités de quartiers ou du groupe Voisins vigilants. Des manuels de déontologie leur ont été distribués. Christian Estrosi est formel : “Les gens qui utiliseront cette application et qui ne respecteraient pas la charte déontologique ou qui encombreraient le CSU par leurs appels inutiles se verront retirer leur accréditation.”
“Délation généralisée”
Cependant, ce type de signalement citoyen interpelle sur le plan éthique. L’opposition municipale dénonce un “processus de délation généralisée”. Dans un communiqué de presse, Xavier Garcia, secrétaire fédéral du PS des Alpes-Maritimes, s’insurge contre cette expérimentation. “Face à des comportements inciviques déplorables, on a tous pu un jour être tenté de prendre une photo et de partager son indignation. Mais faire de simples citoyens des auxiliaires de la police à plein temps est une démarche autrement plus pernicieuse.” Il s’inquiète également des conséquences de ce genre de pratique sur le long terme et annonce qu’une “mobilisation citoyenne est absolument nécessaire pour le dire avant qu’il ne soit trop tard”.
Invité sur RMC hier soir, Mathieu Zagrodzki, chercheur en science politique spécialisé dans la sécurité quotidienne et la police, alerte également des dérives possible : “Le risque est de faire remonter des comportements suspects de personnes qui ne sont absolument pas délinquantes. Il y a aussi un problème moral et celui d’un encombrement des services de sécurité.”
Des apprentis justiciers en puissance ?
Dans un communiqué du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) qu’il préside, Cédric Michel estime “qu’il n’est jamais bon de déléguer un service public de sécurité à des citoyens”. Il insiste également sur le risque de voir des citoyens se sentir “investis d’une mission”, voulant “traquer le délit” jusqu’à parfois se mettre en danger eux-mêmes.
“Si nous constatons des problèmes, nous la stopperons mais si ça marche, ça sera un outil intéressant” indique le maire de Nice. Reporty pose aussi question en termes de protection des données et de respect de la vie privée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a reçu la semaine dernière une demande de conseil de la part de la mairie de Nice à ce sujet. Son instruction est en cours.
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