Un petit renard bondissant s’en va explorer des mondes au style très cartoon et c’est tout le jeu de plateforme en 3D des années 1990 et 2000 qui se rappelle à notre bon souvenir. Et si la joie que procure « New Super Lucky’s Tale », nouvelle version très améliorée d’un jeu paru à l’origine sur Xbox One et PC, n’était pas seulement nostalgique ? Et aussi : la superbe version Switch d' »Alien : Isolation » et les bonheurs de la rénovation d’appartement avec la très bonne surprise « Tools Up ! ».
« Come on ! » Visiblement pressé d’y aller, le petit renard à la cape bleue nous apostrophe, tourné vers nous. Ce n’est pas si fréquent de découvrir un héros de jeu vidéo, et en particulier de jeu de plateforme 3D, dans cette position au début d’un niveau. Sonic, Mario, Crash, Spyro et les autres ont plutôt l’habitude de nous présenter leur dos, déjà prêts à s’enfoncer dans les mondes cartoonesques qui s’offrent à eux. Mais pas Lucky : lui, c’est nous qu’il regarde, qu’il appelle, qu’il invite à le suivre. Notre première tâche, alors, sera de le remettre dans le sens de la marche, de le faire se retourner. Ensuite, comme les autres, c’est son dos qu’il nous montrera. Mais on n’oubliera pas son premier regard comme ça.
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Revenant
Il faut dire que ce renard est un revenant. Avant New Super Lucky’s Tale, il y eut Super Lucky’s Tale tout court, un jeu édité par Microsoft sur Xbox One et PC qui fut assez fraîchement accueilli à l’automne 2017. Pour ses auteurs du studio texan Playful, son adaptation sur la Switch a visiblement été prise comme une seconde chance et ils ne se sont donc pas contenté d’un « portage » technique. D’où le changement de titre : avec sa maniabilité revue et corrigé – notamment, mais pas seulement, avec une caméra que l’on dirige désormais comme on l’entend – ses parcours repensés et l’intégration des niveaux disponibles en DLC sur l’original, New Super Lucky’s Tale ressemble effectivement à une nouvelle aventure, bien supérieure à la précédente.
Par son design, son univers et sa philosophie ludique, c’est aussi un jeu qui (re) vient de nettement plus loin : d’une certaine période, finalement assez brève, entre le milieu des années 1990 et celui des années 2000, où, dans le sillage de Super Mario 64, le jeu de plateforme en 3D était roi. C’était la grande époque de Banjo-Kazooie et de Crash Bandicoot, de Rayman 2 et de Donkey Kong 64, d’Ape Escape, de Pac-Man World ou de Sly Raccoon. De tout un tas d’autres héros animaliers plus ou moins glorieux et plus ou moins oubliés, aussi – coucou à vous, Croc le crocodile, Kao le kangourou, Ty le tigre de Tasmanie, Gex le gecko…
Automates
Au même titre que, ces derniers mois ou années, les très recommandables Yooka-Laylee et A Hat in Time, New Super Lucky’s Tale est le fruit d’une volonté non dissimulée de renouer avec cette approche joviale et colorée bien différente de celle qui devait lui succéder au sommet des charts – en caricaturant à peine : les FPS gris-brun et les émules de GTA. Ce pourrait n’être qu’un exercice de style nostalgique assez vain. Le premier Yooka-Laylee donnait ainsi par moments le sentiment de tellement vouloir être Banjo-Kazooie à la place de Banjo-Kazooie que ça en devenait presque embarrassant. New Super Lucky’s Tale n’échappe pas complètement à cet écueil et peine un peu, malgré quelques niveaux spéciaux bienvenus (énigmes à base de pièces de jeu de société à déplacer et défis d’adresse à la Super Monkey Ball) et des passages en 2D (ou plus exactement en « 2,5D« , avec des effets de profondeur), à dépasser, en termes d’objectifs ludiques, l’injonction à rechercher et ramasser tout un tas de trucs et de machins (pages d’un livre, lettres formant le nom « Lucky », pièces de monnaie…) dissimulés et / ou déposés dans des lieux qui semblent d’abord hors de notre portée. On n’oubliera cependant pas que tout trouver n’est absolument pas une obligation : la dissémination des trésors est d’abord un moyen de pousser le joueur à explorer des mondes qui constituent la véritable richesse du jeu.
Dans New Super Lucky’s Tale, ces mondes sont au nombre de six, qui répondent aux doux noms de « Sky Castle », « Veggie Village » ou « Gilly Island » (où, dans une chouette ambiance de station balnéaire rappelant un peu celle de Super Mario Sunshine, on a notamment pour tâche de détruire les enceintes diffusant de manière plutôt envahissante une musique pas super). Entre deux niveaux, on y trouvera aussi pas mal de personnages avec qui bavarder. Ou, plutôt, des créatures que l’on écoutera nous livrer les quelques phrases enregistrées dont ils sont porteurs et qu’ils débitent comme des automates. Ceci n’est pas un reproche mais, au contraire, un élément clé de ce qui fait aimer ce New Super Lucky’s Tale aux modes d’interaction (marcher, sauter, grimper…) heureusement limités – car sa grande et précieuse affaire, ce serait plutôt les plaisirs ordinaires du jeu vidéo.
Vitrines
A l’approche de Noël, les vitrines de certains grands magasins se parent traditionnellement de saynètes animées que touristes et clients potentiels viennent tout aussi traditionnellement admirer. Derrière la vitre, on voit des mondes féeriques aux ambiances variées et peuplés, donc, d’automates beaux ou rigolos. New Super Lucky’s Tale, c’est un peu ça : une collection de vitrines savamment aménagées et décorées – cet art s’appelle le level design – qui se présentent successivement à nous. Ces mondes ne cherchent pas à paraître vrais. Tout juste se veulent-ils cohérents, mais on pourrait presque se passer, au moins sur le plan narratif car c’est une toute autre affaire au niveau architectural, de cette cohérence. L’essentiel est dans le pouvoir évocateur de leurs éléments et dans la manière dont on peut se les approprier. L’essentiel est dans le style et l’agencement de ces scènes que le jeu de Playful Studios nous fait traverser.
« Come on ! » insiste Lucky. Rejoins-moi à l’intérieur de cette vitrine qui, je suis sûr, te fait bien envie. Tu vas voir que c’est encore plus chouette en volume, quand on tourne autour et qu’on saute dessus. Pas « en vrai », bien sûr, car rien ne l’est et rien n’a vraiment besoin de l’être ici. Ce qui importe, ce sont d’abord les formes et les textures, les matières et les couleurs, et puis la voix, le tempo des automates, qu’ils soient ennemis ou alliés, de ce parc d’attractions de poche. Ce qui compte, c’est d’en faire partie. Aujourd’hui comme en 1996, avec le même entrain, le même sourire, allons-y.
New Super Lucky’s Tale (Playful Studios / PQube), sur Switch, environ 40€. Disponible en téléchargement depuis le mois de novembre, le jeu est sorti en version « boîte » cette semaine.
Et aussi :
Alien : Isolation
L’une des meilleures adaptations de la saga Alien est de retour cinq ans après dans une superbe version Switch. S’intercalant entre le film de Ridley Scott et celui de James Cameron, Alien : Isolation nous confie le destin de la jeune Amanda Ripley, qui recherche sa mère mais se retrouve vite confrontée à la même menace que cette dernière. Ici, la peur est d’abord celle de l’invisible alors que l’on cherche à s’orienter dans les couloirs d’une station spatiale en cherchant à découvrir sur ce qui s’y est passé. Le jeu mérite d’être essayé en mode portable, où le côté grand spectacle s’efface au profit d’une expérience plus intime et viscérale.
Sur Switch, The Creative Assembly / Sega, environ 35€
Tools Up !
Proche de l’excellent Overcooked, Tools Up ! en transpose le principe de la cuisine à la rénovation d’appartements. Seul ou – et c’est fortement conseillé – à plusieurs, nous voilà chargé de repeindre les murs, changer la moquette et bien d’autres choses (parfois assez fantaisistes) encore, le tout en temps (très) limité et sans oublier d’accueillir les livreurs et de nettoyer derrière nous après avoir terminé. Le tout sera de garder la tête froide quand les tâches et les contraintes se multiplient. Aussi simple (dans son principe) qu’inventif (dans sa mise en œuvre), Tools Up !, qui vient ainsi rejoindre la noble et belle famille des jeux de nettoyage et de rangement (Little Inferno, Wilmot’s Warehouse…), est l’une des meilleures surprises de cette fin d’année.
Sur PS4, Xbox One, Switch et Windows, The Knights of Unity / All in ! Games, environ 20€
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