Reine de la simulation de basket depuis l’époque de la Dreamcast, la saga “NBA 2K” fête son vingtième anniversaire légèrement en avance mais en beauté avec son épisode 2019. L’occasion de revenir sur l’histoire d’une série qui, avec les années, n’a cessé de s’enrichir sans jamais perdre de vue l’essentiel.
A l’époque, le meilleur marqueur de la NBA s’appelle Allen Iverson et Michael Jordan a officiellement pris sa retraite (qui ne sera que provisoire) quelques mois plus tôt. Tony Parker, 17 ans, est le meneur remplaçant du PSG Racing et Frank Ntilikina, son héritier désigné, vient de fêter son premier anniversaire. A l’époque, on joue sur la première PlayStation, la Nintendo 64 ou la Dreamcast dont, malgré une ludothèque épatante (Shenmue, Rez, Crazy Taxi, Soul Calibur…) l’échec commercial va précipiter le retrait de Sega du marché des consoles. A l’époque comme aujourd’hui, le jeu de sport est un genre éminemment stratégique et le roi de l’arcade qu’est encore Sega peut, dans ce domaine, s’appuyer ses propres titres spectaculaires et nerveux destinés à l’origine aux cafés et aux salles spécialisées. La Dreamcast aura donc droit à des adaptations de Virtua Tennis ou de Virtua Striker mais, étrangement, pas de Virtua NBA, le jeu de basket de la gamme qui restera confiné aux sales d’arcade.
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Étrangement ou pas vraiment, car Sega vient de faire l’acquisition d’un studio de développement qui, après plusieurs collaborations avec Electronic Arts sur ses jeux de sport, a développé un vrai savoir-faire en la matière. Le studio s’appelle Visual Concepts et Sega croit tellement en ses compétences que le géant japonais préférera rompre avec EA (qui, refusant toute concurrence, allait finalement bouder la Dreamcast) et ainsi se priver de titres aussi porteurs que FIFA ou Madden plutôt que de renoncer à développer ses propres simulations sportives. Lesquelles allaient radicalement transformer la manière dont se conçoit un jeu de sport.
“Le basket est une culture”
“Plus que tout autre sport dans le monde, le basket est une culture, en particulier le basket américain. C’est une fusion avec la musique, le style. Les gens s’intéressent aux chaussures que portent les joueurs. Il y a le look, les sensations et les fanfaronnades qui vont avec, plus que dans tout autre sport, et c’est ce que nous essayons de capter dans notre jeu”, expliquait il y a quelques années Erick Boenisch, l’un des producteurs de la série NBA 2K, au site Polygon. Ne pas s’arrêter à ce qui se passe sur le parquet mais saisir tout un monde, une esthétique et une manière d’être. Une économie et un show. Un sport qui possède une histoire, des légendes et des mythes. Qui est une affaire individuelle, profondément intime (pour les fans, pour les jeunes joueurs) et, en même temps, suscite un perpétuel élan collectif.
Un sport aux nombreuses dimensions que, depuis ses débuts à l’automne 1999 et toujours plus d’année en année jusqu’au tout frais volet 19 qui s’affiche un rien abusivement comme celui du 20e anniversaire (alors que, donc, le premier est sorti il y a 19 ans), NBA 2K s’attache à représenter dans toute sa richesse, sa complexité et ses contradictions. Avec les années, Visual Concepts a changé de propriétaire, passant de Sega à Take-Two (qui possède aussi Rockstar Games, l’éditeur de Red Dead Redemption et GTA). Il a mis (provisoirement ?) de côté le hockey, le baseball et le football américain et s’est lancé dans le catch avec les jeux WWE 2K. Mais le basket, lui, n’a jamais quitté le devant de la scène.
Un modèle nommé… Dragon Quest
Dans le même entretien donné au site Polygon, Erick Boenisch revenait sur l’une de ses idées qui allait donner naissance au mode “Ma Carrière”, aujourd’hui l’un des plus populaires de NBA 2K. “En grandissant, j’ai beaucoup joué à Dragon Quest et j’adorais la manière dont, à chaque montée en niveau, je me sentais plus fort qu’avant. Je voulais que les gens retrouvent ça dans le cadre du basket.” Ainsi, donc, NBA 2K est, entre autres choses, presque devenu un jeu de rôle : à nous d’amener jusqu’au sommet de la NBA un jeune espoir qui, au début de l’épisode 19, tente se faire remarquer dans le championnat chinois après n’avoir suscité l’intérêt d’aucun club lors de la draft. Et à qui, comme dans un RPG, donc, on fera gagner des compétences (en dribble, rebonds, tir à trois points…) au fil des matches et des missions remplies ou non (marqué tant de points, effectuer tant de passes décisives à tel ou tel joueur…) Ce mode très scénarisé et à la mise en scène quasi cinématographique, change aussi la manière dont les choses se passent sur le parquet car, ici, c’est un seul basketteur, le nôtre, que l’on dirige et non une équipe entière. Il ne faut pas chercher plus loin le modèle de “L’Aventure” footballistique que propose la série FIFA depuis 2016.
NBA 2K est donc (un peu) devenu un RPG. Mais c’est aussi un jeu de gestion (d’équipe, à la manière de Football Manager), une simulation de basket de rue (avec un mode dédié dont le principal concurrent, NBA 2K Playgrounds 2, arrivera en octobre chez le même éditeur) ou un jeu de cartes à collectionner dans lequel Pikachu et Bulbizarre s’appelleraient Stephen Curry ou LeBron James (choisir l’option “Mon Équipe”). C’est un jeu connecté au réel qui, dans l’un de ses innombrables modes de jeu, propose de reproduire chez soi, éventuellement en simultané, les matches du moment de la vraie NBA. C’est un jeu qui va très loin dans son exploration de la “culture” évoquée par Boenisch, de l’invitation à créer ses propres chaussures (oui, vraiment) à la manipulation de l’“ADN” des joueurs.
A chacun son « NBA 2K »
C’est aussi, sur un registre moins réjouissant, un titre qui épouse les tendances abusivement mercantiles de l’industrie vidéoludique en incitant parfois un peu lourdement les joueurs ayant déjà acheté le jeu à repasser à la caisse par le biais de ses micro-transactions à l’issue plus ou moins aléatoire. C’est un jeu, sinon total, du moins multiple, dont l’expérience se révèle totalement paramétrable – allez faire un tour dans les menus : c’en est presque effrayant. Quand deux personnes affirment qu’elles jouent à NBA 2K, il est toujours envisageable que leurs expériences respectives soient bien différentes. Qu’elles ne parlent, au fond, pas tout à fait du même jeu.
Sauf qu’au centre de NBA 2K19 comme de tous ceux qui l’ont précédé depuis 1999, c’est toujours le même cœur qui bat. La même quête du bon geste, dans le tempo, du trois points ou du lay-up ou du alley-oop parfait, du mouvement juste et beau et vrai. Une affaire de circulation du ballon, de décollages insensés et de ballets improvisés qui suspendent l’écoulement du temps, relient les époques et nous réchauffent au-dedans. Le reste, c’est le décor, la charpente, le cadre idéal. Mais le chef-d’œuvre est là.
NBA 2K19 (Visual Concepts / 2K Sports), sur PS4, Xbox One, Switch et PC, de 50 à 70 €
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