Depuis le 22 juillet, l’Ocean Viking, un navire humanitaire de l’association SOS Méditerranée, est détenu par les autorités italiennes. Bloqué à quai en Sicile, il ne peut plus mener ses missions de sauvetage en mer.
Presque 94 000 personnes ont déjà signé la pétition lancée par l’association SOS Méditerranée. L’objectif : obtenir la libération de l’Ocean Viking, un navire humanitaire dont le but est de secourir les migrants traversant, au péril de leur vie, la Méditerranée. Depuis son lancement en juillet 2019, le remplaçant de l’Aquarius a sauvé plus 2 000 personnes d’après cette association créée en 2015.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mercredi 22 juillet, les autorités italiennes ont placé le bateau en détention après une inspection de onze heures menée par les garde-côtes italiens dans le port de Porto Empedocle, en Sicile. En cause selon ces derniers : des “irrégularités techniques et opérationnelles” (voir ce papier de l’AFP). Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée, elle, parle plutôt de “déficiences mineures”. “C’est toujours le cas avec la panoplie énorme de règles à respecter”, déclare-t-elle aux Inrockuptibles.
Pour la cofondatrice de l’association, la vraie raison de ce blocage à quai est à chercher ailleurs. “L’Italie essaie très probablement de bloquer les navires de sauvetage. Elle se sent isolée, laissée seule en première ligne par les Etats européens face aux rescapés de Méditerranée centrale. Avec le Covid-19 et les frontières fermées, c’est le cas.” Car si selon elle les irrégularités soulevées par l’inspection ont été immédiatement corrigées, “l’argument de fond des autorités italiennes est que les navires humanitaires transportent plus de ‘passagers’ que le nombre prévu par leur certificat de sécurité”. Dans un communiqué publié le 22 juillet, SOS Méditérranée disait en effet ceci : “Le principal motif de détention notifié par les garde-côtes italiens s’énonce comme suit : ‘Le navire a transporté plus de personnes que le nombre autorisé par le certificat de sécurité pour navire de charge’”.
>> A lire aussi : Réfugiés : “En 2019, il y a eu une véritable détérioration de la situation en mer Méditerranée”
“Le bateau le plus contrôlé du monde”
Et c’est là que la nuance intervient. Comme nous l’explique Sophie Beau, selon le droit maritime, les personnes secourues grâce aux missions de sauvetage en mer ne doivent pas être considérées comme de simples « passagers », mais comme des « rescapés » ou des « naufragés ». C’est ce que disait leur communiqué du 22 juillet : “En menant des opérations de sauvetage, conformément à l’obligation qu’a tout capitaine de navire de porter assistance aux personnes en détresse en mer, l’Ocean Viking se retrouve dans la situation de devoir transporter plus de personnes que le nombre spécifié dans les documents de sécurité du navire. (…) Selon le droit maritime, (ces personnes) doivent être considérées comme des rescapés, des personnes secourues d’une situation de détresse extrême, et en aucun cas comme des passagers.” La directrice de l’association rappelle par ailleurs que “les Etats côtiers ont l’obligation de procéder au débarquement le plus vite possible des rescapés”. Pourtant, Sophie Beau alerte sur une situation qui semble devenir monnaie courante en Italie : “Depuis un an et demi ces procédures ne sont pas respectées. On n’est pas les seuls, trois autres bateaux d’ONG sont à l’arrêt.”
Cette détention étonne d’autant plus que l’Ocean Viking en est à sa quatrième inspection depuis son départ de Pologne, en juillet 2019. “C’est à peu près le navire le plus contrôlé du monde !, s’exclame-t-elle. Normalement, il y a un contrôle annuel, quatre ce n’est pas mais alors pas du tout la norme.”
>> A lire aussi : Open Arms : bloqué au large de l’Italie, le navire humanitaire est à la dérive depuis deux semaines
Les missions en mer mises en péril par la pandémie
Cette immobilisation de l’Ocean Viking intervient dans un contexte difficile. La pandémie de Covid-19 a eu pour conséquence l’arrêt des missions de sauvetage pendant plusieurs mois, et la reprise n’a pas été de tout repos. “La situation était extrêmement tendue”, dit aux Inrockuptibles la directrice générale de l’association.
Après quatre sauvetages effectués en zones maltaise et italienne fin juin, le navire humanitaire s’était retrouvé sans endroit sûr pour débarquer. Avec à son bord des personnes en grande détresse, le bateau avait dû attendre onze jours pour se voir attribuer un port. Après six tentatives de suicide de rescapés, l’Ocean Viking avait fini par déclarer l’état d’urgence mais avait dû attendre encore 48 heures avant de pouvoir effectuer le débarquement de 180 personnes à Porto Empedocle. “La sécurité n’est pas un argument majeur pour les autorités italiennes”, se désole Sophie Beau. Le navire-ambulance avait ensuite été mis en quarantaine pour une quinzaine de jours, avant l’inspection fatidique.
Face à cette immobilisation à durée indéterminée, SOS Méditérranée a donc lancé une pétition pour alerter l’opinion. “Lever les foules à ce moment de l’année ce n’est pas simple, mais c’est le moyen qu’on a trouvé pour manifester notre exaspération parce qu’on nous empêche clairement de sauver des vies en mer en ce moment !”
Même si l’issue est encore incertaine, Sophie Beau ne désespère pas de voir la situation évoluer : “Le droit finira par nous donner raison, mais quelle est la temporalité du droit, je ne sais pas…”
>> A lire aussi : Etats-Unis : “Il y a un lien entre questions policières et questions féministes”
{"type":"Banniere-Basse"}