Alors que cela fait un mois que Steve Maia Caniço a disparu après une violente intervention policière le soir de Fête de la musique, ses proches ont su fédérer la foule quai Wilson, où était organisée, ce samedi, une chaîne humaine.
L’émotion est palpable. K-ro, animatrice et collègue de Steve Maia Caniço, disparu depuis bientôt un mois, vient de s’adresser à la foule rassemblée quai Wilson à Nantes pour décrire son ami. Sa voix tremble, des larmes perlent, comme la dernière fois en fin de manifestation du samedi 29 juin, lorsqu’elle avait pris le mégaphone avant que ne déferlent quelques bribes de puissants rythmes techno et de sons synthétiques distordus appréciés de Steve. Mais à la fin de sa prise de parole, on sent chez ses proches et dans la foule beaucoup plus de détermination et de colère que d’abattement.
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Grosse émotion quai Wilson à Nantes #OùEstSteve pic.twitter.com/YVHTsbXzIO
— Nicolas Mollé (@N_Molle) July 20, 2019
« Comment les caméras, et notamment celle au niveau de la grue grise Titan, peuvent-elles tout filmer et ne pas permettre de compter précisément le nombre de personnes tombées à l’eau ? », remarque K-ro. « On a des questions à poser aux politiques, on espère qu’ils seront là ». Ça tombe bien, des élus PS de la mairie de Nantes, se remarquent justement dans la foule. Et ce alors que la maire Johanna Rolland, régulièrement interpellée sur l’affaire du quai Wilson par ses citoyens, vient d’écrire pour la seconde fois aux autorités, cette fois à Christophe Castaner, qui a répondu qu’il ne fallait pas polémiquer et a renvoyé aux enquêtes en cours. Bassem Asseh, adjoint à la maire, trouve la réponse « évidemment politicienne et insatisfaisante, surtout quand on voit l’état d’esprit des Nantais autour de cette affaire ». Bassem Aceh ajoute même concernant Emmanuel Macron qui pointait qu’il fallait tenir compte « du contexte de violence dans lequel notre pays a vécu », que « oui, effectivement, il y a toujours un contexte, mais que, là, c’était un contexte festif ».
Les prises de parole s’enchaînent quai Wilson à Nantes #OùEstSteve pic.twitter.com/uQpgaNtUqZ
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Les violences policières pointées du doigt
Reste que les gilets jaunes sont très présents. On aperçoit Jérôme Rodrigues accompagné de proches, qui balance quelques diatribes en direction des caméras et qui filmera ensuite lui-même les prises de parole. « Depuis le mouvement gilets jaunes, il y a une violence d’État inacceptable et impunie », souligne Mark, ami de Steve. « On veut que les citoyens le comprennent même si de mon côté, je suis aussi tombé sur des gilets jaunes agressifs qui m’ont empêché de circuler. » Se revendiquant gilet jaune, « depuis le début », Cécile Mezon vient de Toulouse et veut être là « au nom de la convergence des luttes » car elle considère qu’il s’est passé à Nantes « quelque chose de pas net ».
Moncef Guedouar, militant des quartiers populaires et ex du Mib (Mouvement pour l’immigration et les banlieues), lui, se désole de la régression de la société : « Le 1er mai 2017, nous avions invité Emmanuel Macron pour fleurir la tombe de Brahim Bouaram, à l’époque, il nous avait parlé d’égalité. Actuellement, je pense que l’égalité va dans le mauvais sens, ce gouvernement nous tire tous vers le bas. Désormais, les violences policières ne sont plus limitées aux jeunes de quartiers mais commencent à concerner tous ceux qui ne sont pas dans le moule, qui ont des boucles d’oreilles pas comme les autres ou écoutent une musique différente. Et puis, ces violences à l’égard des gilets jaunes, je n’en reviens pas. Même sous Ben Ali, les manifs n’étaient pas aussi dures, on arrêtait et on brutalisait les gens chez eux mais pas dans la rue, devant les caméras. »
La police présente mais discrète
C’est bien l’ampleur d’un dispositif apparaissant comme largement préparé qui choque encore aujourd’hui les gens rassemblés ici : maître-chien, lanceurs de balles de défense (LBD), taser, grenades lacrymogènes et de désencerclement, matraques prestement dégainées. Une violence qui contraste avec la fraîcheur et la jeunesse des citoyens qui s’expriment debout sur les rochers en tee-shirt blanc estampillé « Où est Steve ? » et font s’asseoir le public rassemblé pour chanter Get Free de Major Lazer. Juste avant, une chaîne humaine est organisée dans un esprit bon enfant, qui passe très vite sur deux niveaux face à la densité de la foule. Une foule bigarrée, de tous les âges, de toutes les générations.
Tellement de monde que deux lignes se sont constituées quai Wilson à Nantes #OùEstSteve pic.twitter.com/4ipDjfIINN
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Au milieu, comme pris entre deux feux, les objectifs des caméras, des smartphones et des caméras se télescopent. Un peu plus tard, la foule sera invitée à former en lettres aériennes un « Où est Steve ? » destiné à être immortalisé par un drone. Civil, le drone. Sur le quai Wilson, aujourd’hui, pas l’ombre d’un uniforme. De source policière, on était prévenu que les agents seraient présents mais discrets. Ce sont donc des fonctionnaires en civil qui scrutent le terrain. Ce qui n’empêche pas des sympathisants du jour au premier rang de la foule de penser à haute voix et de laisser exprimer leur rage. « Des lâches, ils s’en sont pris à eux avec des armes », grogne un quinquagénaire. « Ni oubli, ni pardon envers ces gens dépourvus d’humanité », peut-on aussi entendre. « Nous n’étions là que pour danser, chanter et oublier le temps d’une nuit ce système ». On recroise Moncef Guedouar : il est rassuré, il y avait du monde.
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