Aujourd’hui l’on ne se contente plus de passer sa vie sur le net. On y naît et on y meurt aussi.
Notre vie se déroule de plus en plus dans le cybermonde, et il n’y a aucune raison pour que l’anténatal et le post-mortem échappent à cette tendance lourde. Ainsi l’essence virtuelle précède l’existence. Pour les femmes enceintes, il n’existe aucune contreindication à surfer sur internet.
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Conséquence désastreuse : leurs photos prénatales pullulent par téraoctets sur le web : 23 % des échographies sont en ligne, soit un quart des prochains bébés. Pas mal. Mais pas grand-chose comparé aux 81 % de nouveau-nés fichés sur le web. De nombreux sites se sont même spécialisés pour les accueillir.
Qu’en disent les intéressés ? Souvent pareil : « Eh oui, c’est moi Matheo, c’est ma tendre et douce maman qui a décidé de faire un joli blog de moi pour vous montrer toutes les jolies bêtises que je fais depuis maintenant 25 mois ».
Prenons encore Anaïs (une connaissance personnelle), venue au monde et sur Facebook il y a deux ans. Des séries d’albums lui sont déjà consacrées, de « My baby love » à « Un an déjà ! ». Les diaporamas à son effigie se succèdent, toujours sous-titrés des mêmes légendes : « trop belle », « toujours aussi belle », « vraiment belle », etc. Les 192 amis de maman y vont chacun de leurs petits gouzis-gouzis 2.0..
La belle cumule ainsi les paires de clics sans broncher, comme des millions d’autres gamins dans son cas. Jusqu’au jour où la petite souris passe enfin entre leurs mains. Dès lors, à eux, enfin, la grande vie d’Explorer : adresse e-mail, panier eBay, recherche Google, compte Paypal, boutique Amazon, pseudo Messenger, vidéos youtube, lecteur Deezer, conseils Doctissimo, info Wiki, CV Monster, contacts Viadeo, amours Meetic et devoir amical sur Facebook.
Un site sur lequel, tôt ou tard, il arrive aussi que l’on meurt. Pas de panique pour autant. Même face à ce genre de pépin, le réseau social a tout prévu. En joignant un certificat de décès, les proches ont le choix entre clore le compte concerné ou le transformer en mémorial.
« Certaines informations sont alors masquées et l’accès au profil est limité aux amis confirmés du défunt », indique l’entreprise. Selon Stéphane Koch, spécialiste du web, sur son demi-milliard de membres, le site compterait plus de 3 millions de morts. Dont un bon paquet non signalés.
Le plus grand cimetière du monde est donc aussi le plus cool : peuplé de web-zombies, les poches remplies de photos et de vidéos à partager encore entre potes. Bien sûr, les vraies nécropoles existent également sur la toile. Memoiredesvies.com souhaite « redonner son sens et sa place à la mort, en transformant l’écran de chaque ordinateur en autel des ancêtres ». Les épitaphes y poussent comme des champignons au pied des tombes électroniques.
Même principe pour lecimetière.net et son carré RIP/VIP réservé aux célébrités. Les moeurs évoluent, les morts aussi. L’héritage numérique permet désormais de transmettre son patrimoine virtuel : aux Etats-Unis, legacylocker.com conserve les souvenirs de ses clients (login, photos, etc.) dans des coffres-forts en ligne, jusqu’à remettre les codes d’accès aux héritiers.
Edeneo.fr propose ce service en France depuis la rentrée (pour 29,90 euros par an). Le portail compte déjà plus de 200 membres et répond à « un vrai besoin qui nous concerne tous », affirme un de ses fondateurs, Gaël Perdriau. Chez foruforever.net, lancé en novembre, on parle d’un « Album de vie personnel ». Une sorte de journal intime qui ne s’ouvrira qu’après la mort…
Plus direct, thelastemail.com sonne l’adieu post-mortem. Avec un ultime courriel envoyé depuis l’au-delà, ou presque, par le défunt (qui l’aura rédigé de son vivant). Gratuit pour un message, ou 18,99 euros par an pour un nombre d’e-mails illimités. Différentes options restent possibles, mais pas d’accusé de réception pour l’expéditeur…
Alexandre Seba
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