L’ancienne ministre UMP Nadine Morano a créé la polémique, lundi, après avoir posté sur sa page Facebook la photo d’une femme voilée sur la plage. Selon elle, il s’agit d’une atteinte à « notre culture ». Zvonimir Novak, auteur de « Tricolores », spécialiste en image politique, analyse la portée visuelle de ce coup de com.
Comment analysez-vous cette photo juxtaposée d’une couverture du Figaro Magazine avec Brigitte Bardot et d’une photographie de femme voilée accompagnée d’un long commentaire postée par Nadine Morano sur sa page Facebook ?
Zvonimir Novak – Cette juxtaposition est très forte car elle fonctionne sur un contraste optimum. Il y a d’abord l’opposition entre le corps de Bardot, libre et épanoui et de la silhouette recroquevillé de la femme voilée. L’ouverture opposée à la fermeture en somme, la métaphore idéale entre la liberté et la soumission. Derrière la femme voilée il y a certainement quelqu’un, un mari, un frère ou un membre de la famille ? Derrière Bardot, il y a personne. Mon corps m’appartient, semble-t-elle dire, belle et alanguie. Cette confrontation photographique fonctionne comme un déclencheur émotif. Il touche au psycho-affectif. Nadine Morano navigue entre propagande et radicalité idéologique
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Est-ce nouveau que la droite ou l’extrême droite utilisent la « défense du féminisme » comme un rempart de la laïcité ?
Oui et non, c’est à géométrie variable et tout dépend du courant politique. Pour le Front national version Marine, il ne s’agit pas de féminisme, c’est pour eux un gros mot, mais de coller à la réalité de la France populaire de souche française. C’est connu, son électorat d’aujourd’hui est plutôt laïque, modeste et a intégré la libération de la femme. Pour l’extrême droite radicale, la femme de race celte est par essence une femme de caractère, libre et courageuse. Le Mouvement Terre et peuple (groupuscule néo-paien d’extrême droite – ndlr) de Pierre Vial ne cesse d’exalter la liberté historique de ces femmes au fort tempérament. A l’époque du FN version Jean-Marie, les intégristes catholiques et protestants étaient nombreux et tenaient une place importante dans les structures du parti. Marine le Pen les a dégagés et a pris la voie populiste, c’est-à-dire la pensée dominante en matière religieuse et sociétale, pour finalement s’éloigner de l’idéologie conservatrice archi rebattue.
Que représente la figure de Brigitte Bardot pour la droite aujourd’hui ?
C’est une icône, une résistante au politiquement correct de la gauche. Celle qui s’est attirée les foudres pour ses propos un tantinet racistes contre le rite musulman et ses fréquentations douteuses avec des membres de l’extrême droite. Bardot est donc la digne représentante de la Française libre d’esprit, grande gueule et qui défend la France d’avant.
Pensez-vous que ce geste soit réfléchi ou que Nadine Morano ait agi de manière instinctive ?
Il est impossible de croire qu’un ancien ministre rompu à l’exercice du compromis et du silence, ne puisse pas contrôler ses actes. Ce sont des tests, des missiles qu’elle envoie pour provoquer et ramener à la grande maison UMP, les brebis égarés chez Marine. Ce rôle était le sien pendant l’époque Sarkozy : faire la jonction avec les sympathisants du FN.
Entre deux photos d’elle postées sur sa page Facebook, Nadine Morano relaie régulièrement des photos de François Hollande grimaçant ou dans des positions peu esthétiques. Cette utilisation de la photo pour caricaturer un adversaire politique est-elle nouvelle ?
Non absolument pas! Depuis les années 30 et dans tous les bords, on utilise les photos physiquement gênantes pour humilier son adverse. Prise de vue en contre-plongée pour accentuer la gorge porcine de Jean marie le Pen, angle méchant pour accentuer la face écrasée de Raffarin. Du NPA en passant par les Jeunesses communistes et le Front national de la jeunesse, qui n’a pas attaqué l’adversaire sous l’angle de l’aspect physique ? Mais il y a une nouveauté depuis l’intrusion du Net dans la propagande politique, le montage photographique est devenu un jeu national ouvert à tous. Le grand défoulement a commencé avec la cible Sarkozy, alimenté par des équipes du Mouvement des jeunesses socialistes, elle prend aujourd’hui une ampleur considérable avec François Hollande. tout le monde s’attaque à son physique, le Front de gauche comme les Jeunes populaires. Nadine Morano ne fait que suivre le courant. C’est comme ses selfies.
Propos recueillis par David Doucet
Zvonimir Novak, Tricolores, une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite, L’Echappée, 2014.
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