Si l’on ne sait pas grand-chose de ce que nous réserve l’année qui vient, il y a en revanche quelques rendez-vous musique, cinéma, séries, livres, scènes et arts que l’on peut d’ores et déjà caler. Tout ce qui fera l’année 2024, c’est par ici !
Idles
Idles, en quêtes. Voilà une première idée de titre, si le quintette de Bristol décidait un jour de publier une biographie autorisée, ou même une autobiographie tout court. Quête s’écrirait au pluriel, bien sûr. Quête de sens, quête de son, quête politique, quête existentielle, quête spirituelle : les Anglais ont exploré et éprouvé la psyché de leur groupe, jusqu’au breakdown parfois, comme peu d’autres avant eux. Raison, entre autres, du succès toujours plus grand de ce désormais fleuron du rock made in UK.
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Après l’inaugural Brutalism (2017), Idles avait connu la consécration avec Joy As an Act of Resistance l’année suivante, avant de remettre tout à plat pour Ultra Mono (2020), finalisé en un temps pandémique, puis d’enchaîner avec Crawler (2021), nouvelle rupture dans une discographie exemplaire qui n’a jamais cessé de s’aventurer en dehors des cadres et des zones de confort d’une formation constamment sur la route, tête d’affiche des plus gros festivals du monde.
Dans le même temps, dès les débuts du groupe, peu après la sortie de Brutalism – disque qui épinglait les excès du capitalisme, la violence sociale et les turpitudes d’un pays, le Royaume-Uni, en proie au conservatisme le plus mortifère –, s’est constitué l’AF GANG, un fan-club de groupe pas comme les autres. Parlons plutôt de communauté connectée à l’international. Ou de franc-maçonnerie, mais sans intrigues ni rites secrets.
Porté·es par le message d’inclusivité de la bande à Joe Talbot, les aficionado·as se sont ainsi réuni·es en groupuscule d’entraide et de partage, avec la participation occasionnelle du band, mais surtout en marge de celui-ci, de façon autonome et au long cours, qu’Idles ait ou pas une actualité brûlante. Une actualité, il y en aura en 2024, puisque les cinq dévoileront le 16 février prochain Tangk, leur cinquième album, avant de remplir le Zénith parisien le 7 mars.
Produit par Kenny Beats (collaborateur du groupe depuis Ultra Mono), Mark Bowen (le guitariste en robe à fleurs) et Nigel Godrich (quasi-membre de Radiohead, au palmarès impressionnant), ce nouveau long format comptera également au générique James Murphy et Nancy Whang (LCD Soundsystem) et se voit résumé ainsi par Joe.
“J’avais besoin d’Amour/Donc je l’ai fait/J’ai distribué l’Amour à travers le Monde et c’était magique/Ceci est notre pouvoir de gratitude en album/Tout en chansons d’Amour/Tout est Amour.” Si le propos semble toujours avoir été le même, la forme, elle, en mouvement permanent, promet de nouveaux pas de côté, de nouvelles formes d’expression, une autre façon de mettre sur la table les sujets qui traversent les corps et l’époque. De nouvelles quêtes, en somme. F. M.
Tangk (Partisan Records/PIAS). Sortie le 16 février. En concert au Zénith, Paris, le 7 mars.
Bong Joon-ho
Cinq ans après sa Palme d’or pour Parasite, le maître du cinéma coréen fera son grand retour avec un film… américain ! Porté par Robert Pattinson, Mickey 17 racontera l’histoire d’un colon de l’espace dont les souvenirs sont implantés dans un nouveau corps à chaque fois qu’il décède. Avec cette adaptation, Bong Joon-ho devrait continuer d’explorer les thématiques du dépassement de soi et de la rébellion contre l’ordre établi : le roman d’Edward Ashton dont il s’est inspiré était déjà une critique radicale de la société de consommation. N. M.
Mickey 17 de Bong Joon-ho, avec Robert Pattinson, Mark Ruffalo, Toni Collette. En salle le 27 mars.
Christine Angot
Christine Angot participera à l’exposition Art et Littérature qui se tiendra au MO.CO ; elle est l’un·e des écrivain·es invité·es aux côtés de Maryline Desbiolles, Daniel Rondeau, Jakuta Alikavazovic et Jean-Baptiste Del Amo. Elle y collaborera avec l’architecte Patrick Bouchain sur un projet autour de son intimité. Au même moment, Une famille, le film qu’elle a réalisé autour de son livre Le Voyage vers l’Est (prix Médicis et prix Les Inrockuptibles en 2021) sortira en salle. N. K.
Art et Littérature au MO.CO et au MO.CO Panacée, Montpellier, du 2 mars au 19 mai. Une famille de Christine Angot. En salle le 20 mars.
Marlene Monteiro Freitas
En attendant un nouvel opus pour les sien·nes, Marlene Monteiro Freitas remonte au filet, le temps de cette reprise de Canine jaunâtre 3 avec le ballet de l’Opéra de Lyon. Sur un terrain de sport fantasmé, la chorégraphe convoque l’héritage des carnavals de son Cap-Vert natal et des danseur·ses-machines dans un savant jeu de déconstruction. La folie douce de MMF emmène très loin ce spectacle vertigineux. P. N.
Canine jaunâtre 3, de Marlene Monteiro Freitas à l’Opéra de Lyon, du 5 au 8 mars.
Lacan, l’exposition – Quand l’art rencontre la psychanalyse
On connaît l’anecdote de Jacques Lacan achetant L’Origine du monde de Courbet puis commandant un panneau sur mesure pour cacher ce sexe qu’on ne saurait voir. Plus largement, le psychanalyste a marqué la modernité artistique, fréquentant les artistes (Dalí, Bataille, Picasso ou Dora Maar) qui à leur tour se sont imprégné·es de sa pensée. Sexe, genre ou identité, du stade du miroir à la jouissance féminine : cette première grande exposition à lui être dédiée est aussi furieusement d’actualité.
Au Centre Pompidou-Metz, du 31 décembre au 27 mai.
Rachid Ouramdane
Adepte des mouvements de foule (à moins que ce ne soit de la foule en mouvement), Rachid Ouramdane réunit une vingtaine d’interprètes au plateau et quatre sportifs de l’extrême pour renverser l’espace du théâtre. Outsider est un défi permanent entre le péril et la grâce. Sur une musique de Julius Eastman, génie du minimalisme américain que l’on ne cesse de (re)découvrir, cette création ouvre des horizons lointains. P. N.
Outsider, de Rachid Ouramdane au Grand Théâtre de Genève, du 3 au 5 mai ; à La Villette, Paris, du 21 au 24 juin.
Lescop
Sept ans déjà sont passés depuis le deuxième album de Lescop qui, malgré son titre, ne trouva pas le même Écho que le premier effort porté par le tube radiophonique La Forêt. Depuis, Mathieu Peudupin avait mis entre parenthèses la carrière de son groupe et monté le quintette postpunk Serpent, au point que l’on avait fini par croire que Lescop se conjuguait au passé. Mais un single automnal largement autobiographique, Radio (“Dans mes oreilles passe un tube à la radio”), augure un nouveau futur discographique.
Avec Rêve parti, le chanteur pop français fait un pas de côté et table rase du passé (nouveaux musiciens, label, tourneur et manager). Entouré de Thibault Frisoni, l’alter ego de Bertrand Belin, et d’Ash Workman, l’ingénieur du son britannique le plus courtisé des artistes français (Christine and the Queens, Malik Djoudi, Frànçois and the Atlas Mountains), Lescop alterne ballades à la Taxi Girl (Les Garçons, superbe ouverture) et duos féminins avec Izïa, Laura Cahen et Halo Maud, qui jouait autrefois sur scène avec lui. F. V.
Rêve parti (La Bréa Music/Wagram). Sortie le 2 février. En tournée française et en concert à La Cigale, Paris, le 4 avril.
Romeo Castellucci
S’agissant de la tragédie antique, Romeo Castellucci a plus d’appétence pour les réécritures des auteurs européens que pour les œuvres originales. Dans Bérénice de Racine, il est séduit par la modernité d’une écriture quasi abstraite : “Tout y est figé, paralysé, empêché, mais sa beauté formelle est un cristal lumineux.” C’est cette pierre précieuse qu’il offre à Isabelle Huppert pour leur première collaboration. P. S.
Bérénice d’après Jean Racine, mise en scène Romeo Castellucci, avec Isabelle Huppert. Au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, Paris, du 5 au 28 mars.
MGMT
Retour inattendu parmi les retours les plus attendus : MGMT dévoilera le 23 février prochain son cinquième album studio, six ans après le très réussi Little Dark Age (2018). Intitulé Loss of Life, le disque a été annoncé par l’entremise d’un single prometteur, Mother Nature, sorte de croisement improbable entre une ballade oasisienne et un tube de Grandaddy à l’aune du désastre climatique à venir.
Tout porte à croire qu’Andrew VanWyngarden et Ben Goldwasser, entourés du fidèle Dave Fridmann au mixage et du producteur de blockbusters Patrick Wimberly (ex-Chairlift), se sont donné les moyens de faire des prodiges. Si le très beau single In the Afternoon, paru en 2019, ne figure pas au générique de ce nouvel album, on sait que Christine and the Queens sera de la partie (sur Dancing in Babylon) ainsi que Daniel Lopatin, alias Oneohtrix Point Never, et le légendaire Brian Burton, plus connu sous le sobriquet Danger Mouse. F. M.
Loss of Life (Mom+Pop Music/Bertus). Sortie le 23 février.
Mohamed Bourouissa
Une consécration ? Sans doute, mais surtout l’amorce d’une nouvelle phase. Mohamed Bourouissa est l’un·e des artistes les plus célébré·es de sa génération depuis les photographies et vidéos des années 2000, des collaborations avec ceux et celles d’ordinaire privé·es d’images : jeunesse de banlieue ou détenu·es. Après sa rétrospective au LaM de Lille à l’automne, il investit le Palais de Tokyo avec une proposition plus conceptuelle, où la traversée des espaces est pensée comme les morceaux d’un album de musique.
Au Palais de Tokyo, Paris, du 16 février au 30 juin.
Bertrand Bonello
Second film adapté de la nouvelle d’Henry James après La Bête dans la jungle de Patric Chiha, sorti en août dernier, le dixième long métrage du cinéaste français est une double promesse. D’abord celle du couple d’acteur·rices ultra-séduisant qui a été choisi pour incarner cette histoire d’amour entre passé, présent et futur. Aux côtés de Léa Seydoux (qu’on verra aussi dans le second volet de Dune en 2024), on retrouvera l’acteur britannique George MacKay, révélé dans 1917 de Sam Mendes (2020). Avec son regard de glace et sa beauté sèche, il a repris le rôle que Gaspard Ulliel devait interpréter avant son tragique accident de ski. Mais La Bête est aussi la promesse de retrouver Bonello dans le registre d’une forme ample aux accents grandioses, lui qui n’avait pas eu une telle ambition depuis son chef-d’œuvre Saint Laurent (2014), ayant préféré des projets plus hybrides qui forment une sombre trilogie sur la jeunesse (Nocturama, Zombi Child, Coma).
Présenté lors du dernier Festival de Venise où il était sélectionné en compétition, La Bête est d’abord un bouleversant mélo. On y trouve à la fois ce qu’on voulait y retrouver (l’extrême sophistication de la mise en scène de l’auteur de L’Apollonide), mais aussi ce qu’on ne s’attendait pas à expérimenter. Des salons de la haute bourgeoisie de 1910, première période dans laquelle le film se déploie, jusqu’à un futur proche dans lequel l’intelligence artificielle aide les humain·es à se purger de leurs émotions, La Bête allie l’élégance d’un drame feutré, le raffinement de la reconstitution historique et une anticipation SF qui tape en plein cœur de l’actualité. Dans sa seconde partie, le film est contaminé par une fièvre lynchienne. La Bête bascule alors dans une autre dimension, faite de répétitions de motifs, de sauts d’image, de pixellisations et de références à la culture d’internet. Cette partie aux accents sci-fi porte en elle l’inquiétude d’un monde en train de perdre son humanité. B. D.
La Bête de Bertrand Bonello, avec Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda. En salle le 7 février.
Janet Malcolm
Le livre-phare de cette géniale reporter au New Yorker, qui a inspiré aussi bien David Grann qu’Emmanuel Carrère (auteur de la préface de cette nouvelle édition), ressort enfin et, en plus, au format poche. À travers le cas d’un journaliste qui enquête sur un homme inculpé pour meurtre qui, à son tour, l’accusera de mensonges, Malcolm n’en finit pas d’interroger sa pratique et la vérité. À noter qu’il s’agit du tout premier titre à paraître dans la nouvelle collection de poche que lancent les Éditions du sous-sol en 2024 baptisée “Souterrains”.
Le Journaliste et l’Assassin de Janet Malcolm (Éditions du sous-sol, “Souterrains”), 240 p., 10,50 €. En librairie le 19 janvier.
Christophe Honoré
Mise en abyme et vertige de l’identité : le nouveau film de Christophe Honoré se déroule dans le milieu du cinéma, avec en son centre Chiara Mastroianni dans son propre rôle et en pleins ébats avec l’image de son père, le mythique Marcello. Autour d’elle se tiennent également dans leur propre rôle Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay et Melvil Poupaud. Le film promet de retrouver le registre de comédie fantasque qui était déjà celui de Chambre 212. J.-M. L.
Marcello mio de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud. Prochainement en salle.
Bolis Pupul
Après trois singles édités depuis 2016 et le beau Topical Dancer (2022), l’album coécrit et coproduit avec Charlotte Adigéry, Bolis Pupul s’est lancé dans son premier disque solo inspiré par son double héritage parental sino-belge. Lors de son voyage initiatique à Hong Kong, où sa mère décédée en 2008 était née, Bolis Pupul a aussitôt trouvé le titre de Letter to Yu, qui est également l’ouverture d’un album éminemment cathartique.
“Mon cœur est dans ma gorge, mes yeux sont remplis de larmes”, chante-t-il ainsi, balançant entre plages contemplatives (le single Completely Half, Ma Tau Wai Road) et morceaux dansants (Spicy Crab, Kowloon). Toujours fidèle aux frères Dewaele de Soulwax, Bolis Pupul fera paraître son inaugural Letter to Yu chez Deewee. F. V.
Letter to Yu (Deewee/Because). Sortie le 8 mars.
Virginie Despentes
Artiste associée au Théâtre du Nord en 2021 pour écrire sa première pièce, Virginie Despentes s’est entourée de Paul B. Preciado, Anne Pauly et Julien Delmaire pour s’interroger sur le rôle de l’écrivain·e dans l’espace public. Cela donne Woke, une pièce où eux et elles-mêmes, interprétant leur double fictionnel sur scène, échangent autour d’une table. Tensions, amours, rêves de révolution, désir d’être ensemble, dans un autre monde, à réinventer, ensemble donc. Un beau programme. N. K.
Woke de Virginie Despentes, Paul B. Preciado, Anne Pauly et Julien Delmaire. Au Théâtre du Nord, Lille, du 12 au 16 mars.
Le Problème à trois corps
Y a-t-il une vie après Game of Thrones ? Le duo de scénaristes et créateurs David Benioff et D. B. Weiss tente de répondre à cette épineuse question avec l’adaptation du livre de Liu Cixin (sorti en 2008) pour Netflix. Dans cette ambitieuse fresque sci-fi apocalyptique, qui débute dans la Chine sixties en pleine Révolution culturelle et se déploie à travers l’espace et le temps, il est question en toute simplicité de vie extraterrestre et de l’avenir de l’humanité. Assurément l’un des événements de l’année, qui pourrait bien écraser la concurrence.
Le Problème à trois corps de David Benioff et D. B. Weiss, avec Vedette Lim, Avital Lvova, Rosalind Chao. En mars sur Netflix.
Krystian Lupa
Très attendue après l’annulation du spectacle au Festival d’Avignon, l’adaptation des Émigrants de Sebald par le maître polonais arrive enfin. En recentrant le propos sur deux de ses personnages, Lupa évoque le destin d’hommes confrontés aux ruines réelles et humaines de l’après-guerre à la suite de la victoire sur le nazisme. Fondée sur l’intime, l’expérience qu’il nous propose est unique. P. S.
Les Émigrants d’après W. G. Sebald, mise en scène Krystian Lupa, avec Pierre Banderet, Monica Budde, Pierre-François Garel… À l’Odéon–Théâtre de l’Europe, Paris, du 13 janvier au 4 février.
Justice
Les informations difficilement soutirées auprès du label et de l’entourage du duo sont formelles : un quatrième album de Justice paraîtra bien en 2024, a priori dans une fenêtre printanière entre les festivals californien Coachella et parisien We Love Green.
D’ailleurs, Pedro Winter, boss d’Ed Banger Records et manager de Justice, n’en a pas fait mystère dans une récente interview à la presse anglaise : “Leur nouvel album m’a donné la chair de poule et m’a rappelé Cross.” Difficile d’imaginer meilleur teasing, en attendant de savoir ce que Gaspard Augé et Xavier de Rosnay nous réservent précisément… F. V.
Nouvel album (Ed Banger Records/Because). Sortie prévue au printemps.
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