Alors que 35 % des électeurs sont tentés par l’abstention, de petites formations citoyennes se présentent comme des alternatives aux mastodontes du PS et de l’UMP. Ainsi le tout jeune Parti pirate, qui n’hésite pas à nouer des alliances pour faire avancer ses idées.
Rennes, marché des Lices sous un beau soleil hivernal. Entre les stands de fleurs et de légumes, les candidats de la liste Rennes Alternatives distribuent leurs tracts oranges et violets. C’est la première fois qu’ils s’affichent sous ce nom, fruit de la fusion entre la liste Alliance démocrate de Rémy Lescure, un ex-du Modem, et le Parti pirate de Mistral Oz.
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Les passants prennent les tracts machinalement, certains s’en fichent, d’autres questionnent, à l’instar de cette femme à la retraite, ex-employée d’un hôpital de la région. “Pardon mais je ne vous connais pas, qui êtes-vous?” Rémy Lescure, tête de liste tout sourire, prépare son laïus. “Nous sommes une liste citoyenne qui voulons replacer le citoyen au coeur des décisions politiques. Nous ne serons plus des figurants de la démocratie !”
Contre la télésurveillance
Il déroule ses idées phares : démocratie directe, non-cumul des mandats, défense des libertés fondamentales et de la vie privée, partage de la culture, ville verte… Mistral sourit, et va jusqu’à opiner inconsciemment. Cet autodidacte de 26 ans, développeur de logiciels, travaille avec l’ex-conseiller municipal Lescure depuis avril pour tenter l’aventure des municipales. Leur point de convergence ? Les deux pourfendent le développement de la vidéosurveillance à Rennes, devenu l’une des marottes de la mairie socialiste.
“On combat l’idée que l’espace public soit devenu un lieu de circulation surveillé au lieu d’être un espace de vie. Rémy Lescure soutient cette idée. Alors, quand le Modem ne lui a pas donné l’investiture, nous avons décidé de nous engager à ses côtés”, explique Mistral d’une voix posée. Ce “nous” c’est le Parti pirate. Fort de 800 adhérents dans toute la France, ce parti créé en 2009 sur le modèle de ses cousins suédois et allemands martèle l’importance d’une démocratie directe et transparente. Un message que cette bande de garçons (et quelques filles) trentenaires, issue des milieux culturel, scientifique et informatique a encore du mal à faire passer.
Aux législatives de 2012, seul un quart des 101 candidats investis ont passé la barre des 1 %. A Rennes, ils ont obtenu 0,8 % des voix. Pas si mal se targue la vingtaine d’adhérents bretons, convaincus de la nécessité d’une autre façon d’aborder la vie ensemble. “On veut pirater la politique, insiste Mistral. Notre mesure phare : faire voter 10 % du budget de la Ville par les conseils de quartier. Ça se fait à Porto Alegre depuis 1988, une ville de 1,5 millions d’habitants. Alors pourquoi pas ici?”
A Toulouse, une alliance Verts-pirates
Il n’y a pas qu’à Rennes où les pirates ont décidé de s’investir. A Toulouse, l’équipage mené par Raphaël Durand fait liste commune avec Europe Ecologie-Les Verts. A Paris, on compte au moins trois listes en nom propre qui recrutent encore. Pour le reste, ce sont des pirates infiltrés dans des listes citoyennes du côté de Meudon, Roubaix ou Hoche, avec certaines villes encore en négociation comme Marly ou Portes-Lès-Valences. Une façon d’exister sans prendre de risque financier, et surtout sans tomber sous le coup du principe de parité qui les larderait d’amendes.
“Gauche, droite… On a toujours dit qu’on ne se positionnerait pas. Ce qu’on défend, c’est la place des personnes issues de la société civile face aux professionnels de la politique”, martèle t-on dans les rangs pirates. Le Toulousain Raphaël Durand va plus loin : “On veut représenter une partie du vote contestataire, le vote de celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les partis au pouvoir, mais qui refusent de cautionner les partis aux idées rétrogrades.”
S’il est difficile de se faire une idée précise des propositions pirates (qui vont des “lab fab” avec imprimantes 3D à la disposition de tous à l’abandon des cartes de transport où l’identité du porteur est signalée), et surtout s’il est difficile de concevoir leur mise en application concrète (qui entretient et gère les “lab fab”? comment on récupère une carte de transport perdue si elle n’est pas au nom du porteur?), l’équipe ne désespère pas. « Notre programme n’a pas été rédigé par une dizaine d’énarques employés à temps plein pendant six mois, c’est sûr. Ce qui nous unit, c’est moins la lettre que l’esprit”, confie ainsi au Point le porte-parole du mouvement, Thomas Vermorel.
Ils sont d’autant plus confiants que la formule a marché ailleurs. En Suède, terre de naissance du mouvement Çen 2006, le Parti pirate compte deux eurodéputés. A Berlin, le mouvement a obtenu 8,9 % des voix en 2011, soit une quizaine de représentants. En Islande, trois députés pirates se sont installés au Parlement en 2013. Mistral ne peut s’empêcher de sourire quand on aborde la question des européennes. “On a signé un manifeste commun à tous les Partis pirates européens il y a quelques semaines. La constitution officielle du groupe aura lieu le 23 mars à Bruxelles”. Il concède : “Ça devrait marcher davantage que les municipales.”
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