Pour les municipales de 2014, la candidate Anne Hidalgo a choisi de jouer le non-cumul en faisant place aux jeunes, et surtout aux jeunes femmes. Et ça fait du dégât chez les anciens, Daniel Vaillant en tête.
Il ne restait plus que lui : Daniel Vaillant, 64 ans, ancien ministre de l’Intérieur sous Jospin, député de Paris, et maire du XVIIIe arrondissement depuis 1995. Un CV classique de cacique socialiste, cumulard et immuable. Mais alors que tous les autres députés-maires PS se sont pliés à la consigne de non-cumul des mandats prônée par Anne Hidalgo, l’irréductible Vaillant, lui, a maintenu le bras de fer jusqu’à vendredi dernier, menaçant même de renoncer à son siège de député pour conserver le XVIIIe.
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“Il a joué la victime auprès des élus parisiens, estime Didier Guillot, adjoint au maire de Paris et lui-même candidat à la mairie du XVIIIe. Il disait ‘je ne comprends pas, je croyais que le problème c’était le cumul, mais on n’aime pas ma gueule’. Il a même dit qu’il n’excluait pas la dissidence”. “Daniel considère le XVIIIe comme sa chose, et il vit comme une injustice qu’on veuille le mettre dehors”, résume encore le député de Paris, Christophe Caresche.
Or, il ne s’agit pas de “mettre dehors” l’un des maires les plus populaires de Paris, mais de renouveler les élus socialistes, corrige le directeur de campagne d’Anne Hidalgo, Rémi Féraud.
Coups de maître
Pour mieux comprendre le “psychodrame” du XVIIIe, il faut revenir aux engagements de campagne d’Anne Hidalgo : non-cumul des mandats, et parité parmi les candidats socialistes. Elle veut montrer aux Parisiens que le PS est plus moderne que l’UMP, en présentant des candidats nouveaux, qui ressemblent davantage aux électeurs. Dans cette stratégie de rénovation politique, Hidalgo tient une liste des dix arrondissements qu’elle veut réserver à des têtes de liste féminines : le IIe, le Ve, le VIIe, le VIIIe, le IXe, le XIIe, le XIVe, le XVe, le XXe… et le XVIIIe.
Dès lors s’engagent des négociations pour que les députés-maires déjà en place renoncent à se représenter en 2014. Ainsi, Pascal Cherki, député de la 11e circonscription, a troqué sa candidature à la mairie du XIVe contre le porte-parolat d’Anne Hidalgo. Avec lui, Patrick Bloche, maire du XIe, Jacques Bravo, maire du IXe, et Roger Madec, ex-maire du XIXe, ont également renoncé à briguer leur succession.
Des coups de maître pour Hidalgo, qui va même jusqu’à désigner la tête de liste du Ve en s’épargnant le vote militant. La candidate a en effet imposé Marie-Christine Lemardeley, présidente de l’université Sorbonne Nouvelle-Paris III : une femme issue de la société civile, sans lien direct avec le PS, et qui n’est donc pas soumise au vote des encartés. De quoi faire crisser les militants. Mais si des rumeurs avaient laissé planer une possible dissidence, les prétendants à la mairie du Ve sont vite rentrés dans le rang.
Ultimatum
Dernier caillou dans la botte de la candidate, Daniel Vaillant, qui s’estime lésé par la stratégie électorale. Il propose alors de se conformer au non-cumul, et de quitter son siège de député. Le gouvernement lui interdit de le faire – une législative partielle avant les municipales risquerait d’être fatale au PS. Vaillant propose une autre alternative : il veut bien renoncer à la mairie s’il peut choisir sa succession.
Mais Anne Hidalgo sait déjà qui elle voudrait placer en tête de liste : Myriam El Khomri, 34 ans, adjointe à la mairie de Paris chargée de la sécurité. “Pour afficher la parité et la diversité – soyons clairs – et parce que les deux travaillent très bien ensemble”, explicite Christophe Caresche. Daniel Vaillant est moins enthousiaste.
“J’aime beaucoup Myriam, elle aurait même pu être ma première adjointe après 2008, relate l’ancien ministre de l’intérieur dans une interview au monde.fr. Mais elle a été aspirée au Conseil de Paris et elle est devenue adjointe de Bertrand Delanoë”.
Il lui préfère Eric Lejoindre, son premier adjoint depuis six ans. Les tensions s’exacerbent, le maire se plaint de faire les frais d’attaques personnelles.
Vendredi, à la suite d’une réunion courroucée du bureau fédéral socialiste, Vaillant renonce à être tête de liste. “En revanche, ils ont acté le fait que le XVIIIe ne serait pas réservé à une femme. « Pour moi, il y a un accord implicite”, se félicite le député-maire, avant de menacer : “Si Myriam El Khomri se présentait, ça ne serait ni très positif ni très amical. Il vaut mieux que j’accompagne la campagne plutôt que de me mettre en travers”.
Régime de féodalité héréditaire et « chasse aux barons »
Une intimidation qui n’a pas plu aux militants. Dans un mail adressé à une des sections du XVIIIe, un militant souligne que Vaillant ne peut pas choisir sa propre succession parce que “nous ne sommes pas dans un régime de féodalité héréditaire où l’on peut désigner son ‘dauphin’”.
“La façon dont Daniel Vaillant a été traité n’a pas été très habile, essaie néanmoins de justifier Didier Guillot. On ne peut pas lui dire ‘on ne veut plus de toi’ et ‘on ne veut pas non plus de ton poulain’. Ce psychodrame a entâché la campagne, mais Vaillant est populaire dans le XVIIIe : il gêne le dispositif parisien, pas celui de l’arrondissement”.
Christophe Caresche suggère d’aller dans le sens de l’ex-ministre. “Ça fait peut-être beaucoup d’imposer la parité en plus dans le XVIIIe. Si on mettait de côté ce principe, ça nous éviterait une campagne interne destructrice”.
En attendant le vote des militants du 10 octobre pour désigner toutes les têtes de liste parisiennes, d’autres arrondissements pourraient présenter plusieurs candidats, à l’instar du IVe où Christophe Girard devrait affronter Madeleine Houbart.
“Il y a une trop grande majorité d’hommes qui en sont à leur quatrième ou cinquième mandat, se défend Pacôme Rupin, soutien de Madeleine Houbart. Ça ne plaît pas à tout le monde, mais on a besoin de diversité”.
Ou comme le résume cet autre encarté : “C’est une très bonne chose de virer les vieux. On ne va pas laisser les militants se tirer dans les pattes pour réélire les mêmes mecs qui sont là depuis vingt ans”. Un chemin que serait également en train de prendre Nathalie Kosciusko-Morizet : selon le JDD, la candidate UMP mène une campagne souterraine pour “éradiquer les barons ringards”, comme la famille Tiberi, dans le Ve, ou Claude Goasguen, dans le XVIe. La chasse est ouverte.
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