Le journaliste d’investigation Paul Moreira dresse un premier bilan des Etats généraux de la presse. Il évoque aussi PPDA, les nains de jardins, Gaza et l’Afghanistan où il tourne un documentaire.
Vous êtes actuellement à Kaboul pour le tournage d’un documentaire, quel écho pouvez-vous donner de ce que vous voyez là-bas ?
Une réalité à laquelle il est difficile de faire face. Certains anciens commandants de Massoud se sont partagé le pays comme un butin. Il y a partout dans les rues de Kaboul des portraits géants du héros du Panshir tué par Al Qaeda en septembre 2001. Derrière l’intégrité morale affichée de Massoud, il y a les tripatouillages de certains de ses anciens camarades. Pendant que les gamins suivent leurs cours dehors dans le froid car il n’y a pas assez d’écoles, ils se construisent des palais à plusieurs centaines de milliers de dollars. Une caste de nouveaux riches s’est accaparé le pays. C’est une histoire assez triste. Cet échec démocratique redonne de l’énergie aux Talibans. Ils étaient détestés. Ils commencent à être regrettés, par les plus pauvres notamment.
Comment va l’agence Premières Lignes que vous aviez créée en novembre 2006 pour « défendre le documentaire d’enquête » ?
Plutôt bien, c’est une structure commando, volontairement modeste, adaptée à la crise. Sa légèreté me permet de ne pas faire de « flux », ni de produits formatés. J’investi beaucoup de temps dans les films. C’est la seule manière de ne pas ressasser les clichés, d’apporter un peu de connaissance. Je choisis avec exigence chacune de mes enquêtes. Je me restreins volontairement aux chaînes qui soutiennent le documentaire de qualité avec une liberté de forme. Notamment Canal Plus. Ce qui m’inquiète, notamment pour les journalistes qui partagent mon optique, c’est le rétrécissement d’espaces importants dédiés au documentaire. Je pense spécifiquement à l’arrivée du talk-show de PPDA sur Arte dans la case géopolitique du mardi. Je n’ai rien contre Poivre mais c’est ainsi dix films par an qui disparaissent… Ceci étant dit, le succès d’Arte est indispensable dans le paysage d’aujourd’hui. Je souhaite donc à PPDA d’égaler les scores de documentaires d’investigation comme celui de Marie Monique Robin sur Monsanto, l’un des records historiques de la chaîne.