Le journaliste d’investigation Paul Moreira dresse un premier bilan des Etats généraux de la presse. Il évoque aussi PPDA, les nains de jardins, Gaza et l’Afghanistan où il tourne un documentaire.
Aux premiers jours des Etats généraux de la presse, vous nous disiez votre scepticisme vis-à-vis de ce nouveau Grenelle initié par Sarkozy, un an après celui de l’Environnement. De quel œil les avez-vous suivis ?
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Un œil méfiant et à demi-clos… Sarkozy a créé une commission du même genre pour l’audiovisuel public. Le but affiché était de faire naître une télé créative et audacieuse sans publicité. Alléchant, non ? Résultat, il reprend la main sans tenir compte de la commission et décrète le retour à l’ORTF, avec moins de moyens. Sarkozy a un ordre du jour autoritaire et conservateur qu’il tente de faire passer à travers une communication orwellienne habillée de notions progressistes et libérales. Depuis qu’il a fait voter la loi pour « la protection des sources des journalistes », il n’y a jamais eu autant de journalistes au poste, certains empêchés de travailler, d’autres en état d’autocensure. La fin des juges d’instruction ? Une autre idée intéressante si elle s’accompagne d’une vraie coupure entre le politique et le judiciaire, comme dans les pays anglo-saxons. Mais à nouveau, c’est le contraire qui se passe. C’est un retour en arrière. La presse, par définition est un contre-pouvoir. Vous voyez Nicolas Sarkozy avoir les capacités politiques, personnelles, voire psychologiques, de défendre l’existence d’un
contre-pouvoir…
Vous exprimiez également des craintes quant à un horizon de déréglementation de la concentration des médias.
Qui de correctement informé voudrait d’un Berlusconi ou d’un Murdoch en France ? Il y a des contre-exemples, comme en Espagne, avec le groupe El Pais, où la concentration a plutôt joué en faveur d’une presse de qualité. Pourquoi ? Parce que le cœur des opérations partait de journalistes et non pas d’industriels du BTP ou de l’armement.
Qu’avez-vous pensé des différents départs de représentants de médias ou de syndicats qui ont claqué la porte des discussions ?
Personne n’aime faire le nain de jardin…
Ne pensez-vous pas que ces Etats généraux soient un échec pour la profession ?
C’est vrai. On peut aussi se demander pourquoi les gens achètent si peu les journaux en France. Ceux ci remplissent-ils leur rôle ? Pourquoi retrouve-t-on une grande partie des journalistes d’investigation sur internet ? A Mediapart, Rue89, Bakchich… ? Les journaux payent le prix des attaques idéologiques menées contre l’investigation après l’inexcusable affaire Allègre. On a jeté le bébé avec l’eau du bain. Soudain, les journalistes d’enquête ont été taxés de « théoriciens du complot », ils ont tous été plus ou moins virés. Les journalistes se sont assagis et les gens achètent moins les journaux. Curieux, non… ?
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