Il se définit comme tout sauf un spot bobo. Le Rêv Café, bar-restaurant solidaire, a ouvert ses portes en avril à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Son ambition : se faire le relais du tissu associatif de la ville et surtout s’implanter dans la vie du quartier. Rencontre avec l’équipe au cœur de ce lieu encore en chantier.
A Montreuil, pendant que Joseph, le chef du Rêv, coupe des pastèques pour le menu de ce soir, quelques étudiants se sont éparpillés dans les 250 mètres carrés du lieu et bossent tranquillement sur leur ordinateur portable. Axel, à la fois barman, programmateur et en charge de l’agriculture urbaine du bar restaurant, raconte l’aventure Rêv Café. Installé sur les grandes marches en bois du bout de la salle, le jeune homme de 22 ans explique comment l’établissement a réussi à sortir de terre en seulement un mois.
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L’histoire commence aux Grands Voisins, le village urbain du XIVe arrondissement de Paris. Sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, plusieurs associations travaillent ensemble dont Yes We Camp, créateur d’espaces temporaires, ou encore Aurore, qui s’occupe d’insertion et d’hébergement.Yes We Camp, l’un des trois coordinateurs du projet des Grands Voisins ce qui nous as permis au Rêv d’être appelé par Quatorze et Remake, une filière de récupération du bois.
Un relais associatif
Mais attention, il faut le dire tout de suite : le Rêv n’a pas grand-chose à voir avec les Grands Voisins. « Notre but en arrivant dans le quartier n’était pas de nous installer en mode Boum ! on arrive, faites place, on va prendre le contrôle du bas Montreuil », indique Axel, un poil amusé. L’objectif du Rêv est clair : s’inclure dans le quartier et se faire le relais du tissu associatif de la ville de Seine-Saint-Denis.
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Une association en manque de local peut demander à utiliser la cuisine pour une soirée ou privatiser une partie du café pour faire son assemblée générale. « Ce soir un collectif d’architectes qui a imaginé des tiny houses pour les réfugiés va se rassembler ici », signale Axel.
Le lieu ne doit pas se suffire à lui-même : pour atteindre cette ambition, l’équipe essaye de dénicher une programmation pour chaque soir. Pendant la Coupe du monde, les matchs diffusés en soirée sont projetés sur écran géant et le chef propose un menu spécial, en lien avec les équipes qui s’affrontent.
« Nous ne sommes pas venus là pour gentrifier »
Quand on aperçoit la devanture du Rêv en plein quartier populaire, son intérieur épuré avec ses structures en bois, on peut se dire qu’il s’agit là d’un énième repaire de bobos parisiens. « C’est une critique qu’on reçoit souvent, mais nous ne sommes pas venus là pour gentrifier », affirme Axel. « D’abord, il suffit de regarder nos tarifs : les plats coûtent 7 euros, le brunch le samedi et dimanche en coûte 9. »
Pour répondre au reproche, le jeune homme insiste bien sur leur volonté d’insertion dans le quartier : « On est en projet avec le centre de travailleurs maliens qui est juste à côté, les Roms de la place de la République nous connaissent. Ils savent qu’ils peuvent faire une sieste sur les estrades, boire un café, utiliser nos toilettes et charger leurs portables. »
Pas besoin de consommer pour s’installer en salle, et il est même possible de payer un repas ou un café suspendu à un client dans le besoin. La semaine dernière par exemple, toute une famille de Roms a pu se faire un repas complet. Une première petite victoire pour les employés du Rêv.
Un café ouvert sur la place
Le lieu est ouvert sur l’extérieur, et surtout sur la place de la République juste en face. Il y a quelques mois, la mairie de Montreuil avait d’ailleurs lancé un appel à projet pour l’aménager. Il a été remporté par un groupement de structures dont ReMake, collectif 14 et Yes We Camp. « On y a installé des comptoirs, une scène, une bibliothèque en libre service et des jeux pour les enfants. On est aussi en train de végétaliser la place », explique le barman.
Le Rêv est en chantier, encore en phase test. L’équipe se mobilise pour la programmation de l’année à venir. Cours de soutien scolaire, animations pour les enfants, lectures de contes : tous les partenaires possibles sont contactés. Sur l’une des immenses tables, Julie, stagiaire à la communication du lieu, est en train d’organiser une vente de plantes qui aura lieu le 30 juin.
Cuisine végétarienne
Pour la cuisine, c’est Joseph qui est aux fourneaux. Aux Grands Voisins, le chef et designer d’accessoires de table faisait du bénévolat pour former ponctuellement des demandeurs d’asile aux rudiments de la cuisine. « Le truc de dingue c’est qu’ici, j’ai une liberté totale dans les menus, s’enthousiasme t-il. Je fais tout : mes condiments, mon huile, et je décide de tout. »
Avec des produits de saison et d’Île-de-France, le jeune chef fan de cuisine japonaise improvise avec son équipe. Au menu du lendemain : en entrée, des petits palets de pastèque rôtis au four, une mousse de betterave à la menthe et en plat un blissoto, risotto fait à base de blé, le repas qui cartonne au Rêv. Parfois, d’autres chefs prennent possession de la cuisine : le 21 juin, à l’occasion du Refugee Food Festival, le chef d’origine indienne Keshar Sharma a investi les cuisines du lieu.
Le Rêv Café, 54 ter, rue Robespierre à Montreuil. Du mercredi au samedi de 9h à 23h. Le dimanche: 9h-19h.
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